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C'est pas mon idée !

dimanche 31 janvier 2021

Comment Pula incite les fermiers à s'assurer

Pula
Sa ronde de financement de 6 millions de dollars conclue il y a quelques jours nous procure une occasion de nous pencher sur le cas de Pula, une jeune pousse helvético-kényane, fondée en 2014, qui veut développer l'assurance agricole sur le continent africain, grâce à des produits et une stratégie de distribution adaptés à leur contexte.

Côté solutions, d'abord, l'approche retenue consiste, de manière relativement classique, à capitaliser sur les technologies modernes, en particulier l'analyse de données, afin de proposer des couvertures efficaces et économiquement viables pour des exploitations de petite taille et à faible productivité. Il n'est donc pas question de procéder à des visites d'estimation des risques lors de la souscription ni d'organiser une inspection systématique pour l'évaluation des dommages à indemniser quand survient un sinistre.

Concrètement, les experts de Pula divisent leurs régions de présence en zones homogènes du point de vue agro-écologique et déterminent des niveaux de référence pour chacune. Dans le cas de son assurance des récoltes, par exemple, la startup sélectionne un échantillon de fermes, dans lesquelles ses représentants se rendent le moment venu et participent eux-mêmes à la moisson afin de mesurer la situation réelle et calculer, par comparaison avec l'indice de base, les compensations à verser à tous.

Pula est cependant confrontée à un autre immense défi, commun, celui-ci, à toutes les compagnies d'assurance du monde : comment convaincre sa clientèle cible de l'intérêt de souscrire une police ? Pétri d'une multitude de biais cognitifs quasiment imparables, l'être humain est ainsi fait qu'il est naturellement réticent à se projeter dans l'avenir, notamment quand il s'agit d'envisager le pire. Dans ces conditions, il s'avère toujours difficile de faire valoir l'importance de se protéger contre un aléa futur.

Pula Home

Afin de surmonter l'obstacle, Pula commercialise ses contrats par l'intermédiaire de partenaires qui, eux, comprennent et souhaitent maîtriser les enjeux des incertitudes de l'avenir (voire cherchent à en profiter). Ce sont les institutions financières qui désirent garantir le remboursement des prêts qu'elles consentent, ce sont les organismes gouvernementaux qui souhaitent maximiser le rendement de leurs subventions, ce sont les fournisseurs de panneaux solaires qui veulent éviter les impayés de loyers…

Ce sont encore les producteurs de semences et d'engrais qui non seulement préfèreront que leurs clients restent en activité et solvables mais, surtout, bénéficieront directement de la couverture météo à court terme (moins d'un mois), qui dédommage les défauts de germination et permet de relancer une plantation immédiatement, sans perdre une saison complète. À chaque fois, l'assurance est incluse automatiquement avec le produit sous-jacent, évitant de la sorte de devoir persuader chaque fermier de signer.

Au-delà de ses objectifs de croissance profitable, Pula s'investit d'une mission critique en faveur de l'agriculture africaine, alors que le changement climatique promet d'accroître l'imprévisibilité des conditions environnementales et menace la survie de millions de personnes dépendantes de l'agriculture locale. Mais sa démarche peut aussi se décliner dans des applications moins dramatiques, partout où l'assurance peine à séduire sa clientèle potentielle alors qu'il existe peut-être des bénéficiaires indirects…

samedi 30 janvier 2021

Plaid facilite la portabilité bancaire

Plaid
Tandis que naissent régulièrement de nouvelles plates-formes de services financiers et que les régulateurs du monde entier cherchent à encourager la concurrence, il reste toujours aussi difficile ou, à tout le moins, stressant pour le consommateur de changer de fournisseur. Avec « Deposit Switch », Plaid vient désormais à la rescousse.

C'est une réalité incontestable que les mesures prises ici et là – y compris quand elles s'accompagnent, comme au Royaume-Uni, d'un registre de portabilité automatisant une partie des opérations – ne parviennent pas à accélérer la mobilité bancaire de manière significative. La raison en est le maintien de procédures souvent manuelles, à base de formulaires imprimés, qui, outre leur incommodité, induisent un sentiment d'incertitude et d'appréhension, notamment sur les délais, en dépit des exigences légales en vigueur.

La solution que propose Plaid ne résoudra pas le problème du jour au lendemain. En revanche, en ciblant spécifiquement le versement des salaires et autres formes de rémunérations, elle assure un préalable essentiel, à savoir l'approvisionnement des comptes. Celui-ci représente en effet la grande angoisse d'un transfert, puisque, selon qu'il est actif ou non, il détermine la capacité à faire face aux échéances des prélèvements récurrents, dont la migration doit donc être soigneusement synchronisée.

Avec l'option Deposit Switch, plus d'inquiétude : l'utilisateur prend les commandes. Connecté aux logiciels de gestion de paye et sites d'intermédiation à destination des travailleurs indépendants les plus populaires, son application mobile autorise le bénéficiaire – guidé pas à pas dans la démarche, à partir d'une simple recherche de son employeur parmi ceux qui sont pris en charge – à sélectionner le ou les comptes sur lesquels il désire dorénavant percevoir ses revenus (en précisant le pourcentage ou le montant à affecter à chacun d'eux, le cas échéant), pour mise en œuvre immédiate.

Plaid Deposit Switch

Apparemment, Plaid s'adresse prioritairement aux banques pour la distribution du dispositif. La jeune pousse suggère que la facilité avec laquelle elle permet de déplacer les virements de salaires constituera une forte incitation à changer d'établissement principal. L'argument devrait être particulièrement percutant auprès des nouveaux entrants du secteur, qui conquièrent aisément des adeptes occasionnels mais peinent généralement à les convertir en usagers réguliers… et potentiellement profitables.

Ce positionnement (surprenant) ne doit cependant pas détourner l'attention de la stratégie de Plaid, qui semble aujourd'hui redevenir agressive, après l'échec de son projet d'acquisition par Visa. Plus que jamais, elle s'établit comme la plaque tournante incontournable des données et des services bancaires, catalysant – avec le maximum de transparence et le minimum de frictions – la séparation entre leurs producteurs et les acteurs, quels qu'ils soient, susceptibles d'offrir la meilleure expérience client.

vendredi 29 janvier 2021

La RSE dans les entreprises du CAC 40

Éolienne
Aujourd'hui, les grandes entreprises clament leur engagement en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Sont-elles profondément sincères ou se contentent-elles de quelques actions de communication ? Pour le vérifier, j'ai analysé les compositions des comités exécutifs (ou équivalents) des représentantes du CAC 40.

Alors que la création de nouveaux rôles est en pleine expansion depuis quelques années, touchant à des domaines aussi variés que la transformation « digitale », l'innovation, les données, l'expérience client et, plus récemment, la diversité, on pourrait espérer que la RSE, qui, in fine, met en jeu l'avenir de l'humanité et concerne directement toutes les activités économiques, a également droit à son poste de responsable, de préférence au sommet de la hiérarchie, afin de refléter l'importance qui lui est accordée.

Dans cette perspective, j'ai examiné systématiquement les listes (publiques) de membres des équipes pilotant les 40 groupes phares en France, à la recherche de leurs référents sur le volet de la RSE (sous toutes ses formes). Certes, la méthode n'est pas parfaite, ne serait-ce que parce que les modèles de gouvernance varient d'une structure à l'autre (les comités exécutifs ont des tailles très variables, en particulier) mais il me semble tout de même intéressant, dans une première évaluation du sérieux des démarches.

Les résultats sont édifiants. Pour commencer, plus de 40% des sociétés (j'en compte 17, exactement) ne font aucune mention de responsabilité sociale, de développement durable ou d'un thème similaire dans leurs présentations de leurs instances de gouvernance et de leurs participants. À l'inverse, elles ne sont que 6 sur 40 (dont BNP Paribas) à avoir désigné une personne exclusivement en charge de ces sujets et donc susceptible d'en porter la voix sans compromis auprès de la direction générale.

Les 17 autres se situent entre ces deux extrêmes, avec des fonctions relatives à la RSE assignées, avec une visibilité plus ou moins grande, en complément d'autres, plus classiques. Ceux qui héritent le plus fréquemment du flambeau (6 sur 40) sont les patrons des ressources humaines, dont j'avoue avoir quelques difficultés à comprendre comment ils peuvent correctement embrasser l'ensemble de la problématique à traiter, même s'ils ont toute légitimité sur une partie de sa dimension sociale.

Outre les porteurs de casquettes multiples (surtout dans les équipes très resserrées), viennent ensuite quelques directeurs de la transformation « digitale », dont on peut imaginer qu'ils expriment la perception d'une réponse technologique aux défis à relever, tandis que la petite poignée de responsables de communication qui figurent dans la liste reflètent assez clairement une volonté d'apparat plutôt que d'action concrète… qui n'est guère plus convaincante que l'absence pure et simple de la moindre citation.

Le faible taux de représentation opérationnelle de la RSE dans les principaux organes de direction constitue une mauvaise nouvelle, car il écarte de facto la possibilité de prise en compte transverse, pourtant critique pour donner une quelconque efficacité aux engagements et aux initiatives. C'est ainsi que, par exemple, une entreprise telle que Aon se retrouve à simultanément promouvoir ses efforts pour l'environnement (réels, peut-être) et à développer des produits en totale contradiction avec sa promesse.

Éoliennes

jeudi 28 janvier 2021

Les cryptomonnaies ne sont pas mûres

Banque d'Angleterre
Quand le Forum Économique Mondial (devenu un Davos virtuel, cette année) se penche sur le cas des cryptomonnaies, le gouverneur de la Banque d'Angleterre estime que leurs incarnations actuelles « ne tiendront pas la distance ». Et, n'en déplaise aux intégristes du domaine, les arguments en faveur de sa position sont nombreux.

Il est parfaitement possible d'être (comme moi) conquis par le principe du bitcoin (et de certains de ses dérivés) tout en restant lucide sur ses limitations, beaucoup trop nombreuses et profondes pour continuer à nier la réalité, aussi douloureuse soit-elle à accepter : ce n'est probablement pas cette première génération d'instruments qui parviendra à nous défaire, même à long terme, des monnaies historiques et de leurs propres défauts, pourtant criants dans le monde « digital » contemporain.

Dans sa déclaration, Andrew Bailey semble s'arrêter uniquement à la problématique de la volatilité des cryptoactifs. En cette période qui voit notamment le bitcoin jouer les yoyos (entre 24 000 et 33 000 euros depuis le début du mois), il n'est certes pas inutile de rappeler qu'une devise ne peut s'imposer dans les échanges économiques que si sa stabilité est suffisante pour que les acteurs qui l'adoptent aient confiance dans sa valeur (et sa pérennité). Cette règle n'a pas attendu l'ère numérique pour être démontrée…

Mais des faiblesses plus sérieuses s'ajoutent à celle-ci pour écarter quasiment toute possibilité de faire des cryptomonnaies autre chose que des supports de spéculation financière. Je ne reviendrai pas sur la question de la consommation énergétique du minage, conséquence inévitable du remplacement du tiers de confiance par un algorithme, mais dont les réactions au précédent article que j'ai publié sur le sujet ont montré que beaucoup préféraient l'ignorer (ou le relativiser, ce qui revient au même).

Arrêtons-nous plutôt sur le temps nécessaire à la validation des transactions (d'une vingtaine de minutes en théorie à plusieurs heures en pratique, selon les périodes), résolument incompatible avec un moyen de paiement du quotidien, pour lequel les consommateurs exigent désormais l'immédiateté. Après tout, celle-ci leur est même proposée maintenant pour leurs virements interbancaires, ce serait un comble si les monnaies nativement « digitales » n'offraient pas le même niveau de performance !

Handicap supplémentaire à souligner, le coût unitaire d'enregistrement des opérations, qui devient progressivement le mode de rémunération principal des mineurs (et compense donc, entre autres, l'énergie consommée afin d'assurer le fonctionnement du système), est en hausse constante et atteint des valeurs qui ne sont, là encore, pas cohérentes avec un usage généralisé dans des échanges économiques courants et, en tout état de cause, largement supérieures à celles en vigueur sur les réseaux traditionnels.

Or un outil qui ne peut raisonnablement être exploité comme intermédiaire dans les transactions commerciales ne peut pas être qualifié de monnaie. Naturellement, ces obstacles ont toujours existé. Ils faisaient partie des conditions expérimentales, qu'il est indispensable de dépasser avant d'envisager une généralisation. Hélas, les réponses élaborées pour l'instant (étrangement similaires à l'adossement d'antan des devises à une réserve d'or) ont souvent tendance à dénaturer les concepts fondamentaux.

En conclusion, les monnaies virtuelles disponibles aujourd'hui ne sont effectivement pas mûres pour un déploiement d'ampleur et des évolutions radicales seront nécessaires avant de renverser la situation. Rien ne prouve que les tentatives des banques centrales, qui ne résolvent, au mieux, que les risques de volatilité, réussiront mieux. En outre, comme le souligne Andrew Bailey, d'autres considérations essentielles, dont les enjeux de protection de la vie privée, oubliées jusqu'à présent, devront aussi être abordées…

Bitcoin

mercredi 27 janvier 2021

BNP Paribas cherche revenus, désespérément…

BNP Paribas
Carte biométrique payante, généralisation de la facturation de l'accès au conseiller… En dépit de ses résultats flatteurs, ce début d'année est décidément consacré à la recherche de nouvelles sources de revenus pour BNP Paribas. Mais la multiplication des frais imputés à la clientèle ne risque-t-elle pas de se retourner contre la banque ?

Naturellement, afin de sauver les apparences, les ponctions additionnelles sont assorties de promesses de services complémentaires, à forte valeur ajoutée. Pourtant, la démarche ne devrait tromper personne. Après des années de taux d'intérêt faibles synonymes de marges lourdement amputées sur le modèle économique historique du secteur, dont la sortie n'est pas en vue à moyen terme, BNP Paribas, comme toutes ses consœurs, doit compenser cette détérioration de sa profitabilité par tous les moyens imaginables.

La carte de paiement à lecteur d'empreinte digitale, d'abord, repose sur un double leurre. Ayant abordé le sujet en profondeur dans un billet précédent, je ne m'appesantirai pas sur la contre-vérité du surcroît de sécurité qu'elle apporterait, deux fois inutile puisqu'il concerne les transactions de proximité, extrêmement peu sensibles aux risques de fraude, et parce que le principal bénéficiaire en est, en tout état de cause, la banque elle-même et non le porteur (déjà protégé par une garantie contractuelle).

Quant à l'argument de la commodité d'utilisation, notamment grâce à l'absence de toute limitation (de plafond) et autre contrainte (de ré-authentification à intervalles réguliers) lors des règlements sans contact, il va falloir expliquer aux clients pourquoi ils devraient payer pour en profiter alors que leur téléphone, équipé de Paylib ou d'Apple Pay, l'autorise gratuitement. Et même si le coût paraît modeste (2 euros par mois), son association avec une carte Premier constitue aussi une manœuvre pour la rendre artificiellement plus désirable pour le consommateur… et bien plus rentable pour le fournisseur.

Accueil BNP Paribas Clients Particuliers

Bien que sur un plan totalement différent, le concept d'abonnement au conseil premium représente également une forme de tromperie pour les usagers de la banque. En effet, cette offre revient à leur avouer que la garantie qui leur était faite jusqu'à maintenant de disposer « gratuitement » d'un interlocuteur attitré capable de les accompagner dans tous leurs projets, avec l'expérience et les compétences nécessaires, n'est en réalité, comme on le pressentait, qu'un engagement en l'air, sans la moindre substance.

Or, une fois ce mensonge démasqué, la crédibilité de l'institution est irrémédiablement entamée. Pourquoi faudrait-il alors croire que, moyennant 12 euros par mois, la qualité du conseil sera vraiment meilleure ? Et bien d'autres questions surgissent derrière cette proposition : chaque client réalisant une opération importante, nécessitant une réelle expertise, au plus tous les 2 ou 3 ans, comment justifier un forfait mensuel ? Et ceux qui, n'ayant pas retenu l'option, solliciteront une aide approfondie seront-il éconduits ?

À travers cette évolution, BNP Paribas tente de transformer radicalement la relation entre la banque et son client, de manière à valoriser – à juste titre car il s'agit de son avantage concurrentiel – l'accompagnement financier personnalisé. En revanche, ses initiatives reposant sur des impostures, plus ou moins graves, ne sont pas cohérentes avec l'exigence de sincérité et de transparence que les clients sont en droit d'attendre dans cette perspective. Et s'ils doutent, ils ne percevront qu'une augmentation de prix… qui fera le bonheur des nouveaux entrants, toujours en embuscade sur ce terrain.

mardi 26 janvier 2021

Mastercard définit le paiement de l'ère quantique

Mastercard
Ses progrès constants n'ont certes pas encore permis de concrétiser toutes les promesses de l'informatique quantique mais il devient de plus en plus évident que la perspective de son industrialisation se rapproche à grand pas. Pour Mastercard, un des premiers défis à relever dans l'ère à venir concerne la sécurité des paiements.

Il faut dire que les extraordinaires capacités de calculs parallélisés que procureront ces futurs ordinateurs, particulièrement adaptées à des attaques par force brute sur les algorithmes de cryptographie protégeant quasiment toutes nos communications électroniques actuelles, menacent sérieusement le secteur financier. Plusieurs entreprises, depuis les fournisseurs de technologie, tels qu'IBM, jusqu'aux banques, dont ABN AMRO, sont suffisamment inquiètes pour travailler à une riposte sans attendre.

Que Mastercard rejoigne ces pionniers n'est guère surprenant. Confrontée aux mêmes problématiques autour de la protection des transactions de paiement qui transitent par son réseau, l'institution doit en outre prendre en compte dans sa réflexion la complexité intrinsèque de son écosystème, composé d'une multitude d'acteurs (émetteurs, processeurs, fabricants de terminaux, consommateurs, commerçants…) qu'il est indispensable de coordonner dans l'hypothèse d'une évolution des standards.

Dans ces conditions, la définition, dès aujourd'hui, d'un nouveau jeu de spécifications pour le paiement sans contact constitue une première étape essentielle. Baptisé Ecos (pour « enhanced contactless »), celui-ci porte l'ambition de garantir la viabilité à long terme des instruments qui nous sont familiers – sur carte ou sur smartphone – grâce à la mise en œuvre de mécanismes de chiffrement capables de résister à la puissance potentielle de l'informatique quantique, sans dégradation des performances de traitement.

Mastercard Enhanced Contactless

La solution proposée par Mastercard se veut facile à déployer. D'une part, elle n'aura aucun impact sur l'expérience utilisateur, du payeur comme du bénéficiaire. D'autre part, elle n'exigerait qu'une simple mise à jour logicielle des infrastructures existantes, excluant tout changement de matériel. Cependant, en dépit des assurances d'un déploiement transparent dans les années à venir, on perçoit bien le délai qui s'écoulera avant la généralisation du nouveau système, qui justifie donc un démarrage immédiat.

En parallèle, parce que le monde se transforme également en dehors du seul domaine technologique, Mastercard profite de son initiative pour intégrer les préoccupations en matière de protection des données personnelles au sein du modèle d'interactions d'Ecos, y compris dans l'optique d'adhérer nativement aux contraintes réglementaires en vigueur dans différents pays. Une attention particulière est portée, entre autres, aux informations transmises par la carte ou le téléphone vers le terminal d'encaissement.

Pour conclure, je ne m'appesantirai pas une fois encore sur l'importance critique pour l'industrie financière de se préparer à l'avènement de l'informatique quantique et à ses conséquences profondes sur l'ensemble de ses opérations. Attardons-nous plutôt sur le pari que fait Mastercard en arrière-plan de sa démarche : en ciblant d'abord (voire exclusivement) le paiement sans contact, ses responsables veulent désormais croire que celui-ci deviendra bientôt la norme universelle dans le commerce de proximité…

lundi 25 janvier 2021

L'autre motivation de l'automatisation

Wells Fargo
Face à la pandémie et à l'accélération des usages des services en ligne qu'elle engendre universellement, les institutions financières ont sérieusement accru leurs efforts de « digitalisation » des parcours client au cours de ces derniers mois. Mais une autre motivation les entraîne également dans la même direction : la réduction des coûts.

Prenez ainsi le cas de Wells Fargo, engagée dans un projet de modernisation de ses systèmes de souscription de crédit automobile focalisé sur l'automatisation des fonctions d'enrôlement et de prise de décision. Derrière la justification par la progression des ventes de véhicules en ligne, une autre réalité transparaît, celle de la situation relativement difficile de ce secteur d'activité, confronté simultanément à l'impact des taux d'intérêt faibles sur sa rentabilité et à une possible augmentation des risques de défaut.

Alors, si la banque considère essentiel de pouvoir proposer à ses partenaires un accès au financement intégré de manière transparente au sein de leurs plates-formes de distribution, en évitant les frictions d'un échange avec un interlocuteur tiers ou de demandes de justificatifs, elle souhaite avant tout rationaliser au maximum ses processus. L'objectif principal est de substituer aux tâches manuelles les plus lourdes des algorithmes, non seulement plus rapides mais aussi beaucoup plus économiques.

Il n'est pas nécessairement question de supprimer entièrement les interventions manuelles, notamment au niveau de l'accord de crédit, mais l'ambition est de laisser le logiciel traiter de bout en bout une majorité des dossiers, pour lesquels il n'existe aucun enjeu majeur, par exemple du point de vue de la connaissance de l'emprunteur ou de sa fiabilité financière. Outre le bénéfice pour l'expérience utilisateur, l'avantage est de réduire le coût d'opération quasiment à zéro et, donc, d'en préserver la marge.

À la double pression conjoncturelle – de la crise sanitaire et des taux durablement bas – s'ajoutera progressivement une puissante poussée concurrentielle émanant des acteurs nativement « digitaux », dont l'efficacité technologique favorise autant le maintien de leur santé financière que la possibilité d'offrir des conditions avantageuses à leurs clients. Dans ce contexte, l'optimisation radicale des processus bancaires fondamentaux, trop longtemps retardée, devient une urgence absolue, voire une exigence vitale.

Wells Fargo

dimanche 24 janvier 2021

Des données de paiement pour les statistiques publiques

ONS
Les organismes publics en charge du suivi de l'économie fonctionnent encore largement selon des méthodes historiques, à base d'enquêtes et de recueils directs d'information auprès des acteurs impliqués. L'Office for National Statistics (ONS), au Royaume-Uni, s'ouvre désormais à d'autres sources de données, à commencer par celles de paiements.

Dans le sillage de la crise sanitaire, qui a tant impacté les habitudes de consommation dans le monde entier, l'équivalent britannique de l'INSEE (en France), de Statbel (en Belgique) ou de Statistiques Canada ajoute depuis cette semaine à ses analyses hebdomadaires une nouvelle série d'indicateurs que la banque centrale élabore avec lui à partir d'un extrait des flux de transactions par carte (de débit et de crédit) enregistrés sur la plate-forme de compensation interbancaire (CHAPS) qu'elle gère.

À ce stade, la démarche reste expérimentale, aussi son périmètre paraît-il restreint : la collecte concerne uniquement les dépenses – anonymisées et agrégées, naturellement – réalisées auprès d'une centaine de grandes enseignes de la distribution, réparties dans 4 grandes catégories (essentielles, différables, sociales et liées à l'activité professionnelle). Cependant, l'objectif principal étant d'abord de surveiller les variations dans les comportements de la population, ces limitations ne nuisent pas à la qualité des résultats.

D'emblée, l'ONS souligne la valeur de ces mesures et, en particulier, leur complémentarité avec sa production classique. Ainsi, l'accès aux données de paiement lui procure d'abord une réactivité inédite, avec une capacité d'évaluation pratiquement au jour le jour, à comparer aux études mensuelles existantes, reflétant des observations décalées de plusieurs semaines. D'autre part, il lui devient également possible de capter des informations sur des domaines ignorés jusqu'alors (transports, divertissements…).

Données de paiement pour les statistiques nationales britanniques

La transition d'une partie toujours croissante des échanges financiers vers des instruments numériques, qui s'accélère dans la situation actuelle, et le développement rapide des modèles de partage ou de commercialisation des données correspondantes représentent une opportunité extraordinaire pour tous les professionnels de la statistique, susceptibles d'y trouver une exhaustivité, une précision, une immédiateté sans commune mesure avec ce qu'ils obtiennent par des approches traditionnelles.

Dans cette perspective, la démarche de l'ONS britannique ressort comme une évidence. A contrario, elle encourage à se demander pourquoi elle n'est pas déjà universellement répandue dans toutes les organisations équivalentes à travers le monde ? Les instituts de statistiques sont-ils trop attachés à leurs vieux procédés pour réaliser que des solutions différentes sont aujourd'hui disponibles et méritent leur attention, au moins pour enrichir leur arsenal présent ? Ou bien éprouvent-ils des difficultés à identifier et à s'accorder avec les fournisseurs de la matière première qui leur permettrait de progresser ?

samedi 23 janvier 2021

Double ouverture à La Banque Postale

La Banque Postale
À l'occasion de l'annonce [PDF] de ses velléités d'expansion internationale (qui justifie son changement de nom), La Banque Postale Consumer Finance signale le prochain lancement de sa plate-forme d'API, procurant un accès ouvert et simplifié à son offre de crédit à la consommation, assortie d'une palette de fonctions à l'état de l'art.

Proposée dans un premier temps aux seules filiales du groupe, LBPCF Business Solution sera officiellement mise à la disposition de tout partenaire désireux d'intégrer de manière transparente une option de prêt personnel au sein de ses propres services dans le courant du premier trimestre 2021. La promesse qui l'accompagne, aux multiples dimensions, devrait s'avérer séduisante pour une typologie variée de commerçants, de proximité ou en ligne, aux approches traditionnelles ou plus innovantes.

Naturellement, le principal bénéfice de l'exposition du produit par API (standardisée) s'exprime lors de la mise en œuvre : l'ajout de la nouvelle capacité dans un système existant est rapide, sans requérir la moindre expertise exotique, et peut être opérationnel, sur le plan technique, en quelques jours. La seule difficulté résiduelle, que La Banque Postale n'aborde malheureusement pas dans sa communication, est d'ordre contractuel, la relation entre producteur et distributeur de crédit étant particulièrement délicate.

Du point de vue de l'expérience utilisateur, la solution a également une série d'avantages intrinsèques à faire valoir. Ce sont d'abord les 5 millions de personnes déjà connues de l'établissement et qui, de ce fait, se voient octroyer un pré-accord de financement. Surtout, son processus d'entrée en relation comprend, outre les protections de rigueur contre la fraude, la possibilité d'une connexion aux comptes bancaires du demandeur – propulsée par la technologie d'Algoan, qui devient incontournable, en France, sur le sujet – afin de dématérialiser les échanges et accélérer la prise de décision.

La Banque Postale rejoint de la sorte le cercle restreint des institutions financières exploitant les opportunités de l'« open banking » (dans sa version réduite aux exigences de la DSP2) afin d'optimiser ses processus. En l'occurrence, elle substitue, au moins en partie, à ses mécanismes traditionnels d'évaluation des risques de défaut – à base de critères statiques (situation personnelle, niveau de salaire…) – une analyse du comportement financier de l'emprunteur à partir de son historique de transactions.

Avec cette initiative, La Banque Postale s'inscrit dans deux tendances majeures de la banque de demain. D'une part, grâce à son parcours « digital », elle s'adapte aux attentes des consommateurs contemporains, autant en termes de dématérialisation des échanges que de réactivité et de simplicité. D'autre part, ses API lui permettent d'aborder la transition vers l'immersion sans frictions des services financiers au plus près de leur usage, le crédit personnel représentant le domaine où elle a le plus de sens.

La Banque Postale Consumer Finance

vendredi 22 janvier 2021

Le cygne noir de Société Générale

Société Générale
Prise dans une tourmente sans fin, qui entraîne sa dépréciation sur les marchés, Société Générale semble désormais à la merci d'un prédateur et ses récentes annonces stratégiques n'y changent rien. Pourtant, derrière les apparences, celles-ci recèlent peut-être les fondations d'une véritable révolution de son modèle, dans une vision à long terme.

Si je parle de cygne noir, en référence à la théorie élaborée par Nassim Taleb, c'est que rien n'indique à ce stade que l'hypothèse que je formule fait effectivement partie des plans de la banque et que, en outre, ses chances réelles de succès, si elle était mise en œuvre, seraient extrêmement faibles. En revanche, elle possède un extraordinaire potentiel de renversement des positions dans le secteur financier en France (voire en Europe), qui vaudrait à la Société Générale d'être beaucoup mieux valorisée.

Revenons donc sur le fameux programme proposé par le groupe rouge et noir à l'horizon 2025. Il comporte, d'une part, une vaste opération de fusion de ses deux grands réseaux existants (Crédit du Nord et Société Générale), qui concerne à la fois son empreinte physique (le nombre d'agences devant passer de 2 100 à environ 1 500) et ses systèmes d'information. Remarquons au passage que ce dernier aspect rappelle funestement l'ancien projet Convergence abandonné en 2015 (pour cause d'excès de complexité ?).

Le deuxième volet, quant à lui, porte sur Boursorama et plus spécifiquement, bien entendu, sur ses activités de banque « digitale ». Déjà leader sur son segment, elle se voit assigner un objectif ambitieux de conquérir 2 millions de clients supplémentaires sur la période, quitte à reporter l'atteinte de la rentabilité (dorénavant fixée à l'exercice 2024), en considérant que, une fois le point d'équilibre franchi, son efficacité opérationnelle exceptionnelle lui permettra de dégager une forte profitabilité.

Stratégie Société Générale

En résumé, et en combinant les deux informations plutôt que de les analyser séparément, le schéma qui se dessine met en correspondance une tentative de réduction massive des coûts dans la banque traditionnelle avec un investissement conséquent, d'un niveau équivalent, en faveur du développement des services en ligne. Un autre facteur à souligner est l'évolution des nombres de clients : 10 millions aujourd'hui pour les réseaux (en baisse ?) face à 4,5 millions (espérés) en 2025 du côté de Boursorama.

Si le cap est maintenu, notamment en termes d'efforts consentis, l'orientation devient claire : en perspective, une inversion finira par se produire entre les deux modèles, accompagnant l'inévitable transition d'une majorité de clients vers une relation à distance, actuellement stimulée par la crise sanitaire. L'aboutissement final de cette évolution consisterait alors à faire disparaître les enseignes historiques au profit de Boursorama, dans une démarche d'auto-cannibalisation digne des plus grands innovateurs.

Pour (hautement) improbable qu'il soit, le scénario est d'autant plus intéressant à explorer qu'il n'est raisonnablement applicable, dans l'hexagone, qu'à Société Générale, seule à disposer d'une filiale « digitale » à l'offre aussi étoffée et à la dimension suffisante pour imaginer en faire en quelques années le socle d'un « nouveau départ ». Cette situation unique pourrait aisément contribuer à en faire une championne dans les décennies à venir. Mais ses dirigeants auront-ils l'audace d'organiser une telle révolution ?

jeudi 21 janvier 2021

Quirk vous conseille selon votre personnalité

Quirk
En matière d'innovation, j'ai l'habitude de dire qu'une idée originale émerge spontanément et se propage dans l'air ambiant, puis qu'elle prend corps simultanément en divers lieux et sous des formes variées quand des pionniers commencent à la saisir. Il en est ainsi du concept de pilotage de budget adapté à la personnalité de chaque individu.

À l'époque où naissait Kaira au Canada (à laquelle j'ai contribué quelques mois entre 2019 et 2020), Nafeesa et Nikos posaient les bases de Quirk au Royaume-Uni. Les deux startups se fixent un objectif similaire : fournir aux consommateurs un accompagnement plus efficace dans le contrôle et la maîtrise au quotidien de leur situation financière en appréhendant au préalable les clés de leur relation intime à l'argent. Ou comment prodiguer des conseils percutants en apprenant à mieux connaître l'utilisateur…

Dans cette optique, une des premières étapes à franchir pour entrer dans l'univers de Quirk consiste à remplir une sorte de test psychologique, en 25 questions simples abordant à la fois des traits de caractère génériques (sociabilité, prédisposition au stress…) et des sujets proches du domaine financier (surveillance des dépenses, attitude face au risque…). À la fin de l'exercice, qui prend 3 minutes, le candidat obtient son profil, réparti entre 4 grandes dominantes (optimiseur, explorateur, artiste et insouciant).

Autre composante incontournable du PFM, l'application invite ensuite le nouveau venu à connecter ses comptes bancaires (y compris épargne, investissement, emprunts…), de manière à effectuer un suivi de ses opérations au jour le jour. Dès lors, des recommandations personnalisées vont pouvoir lui être régulièrement formulées. Il s'agira par exemple d'encouragements à – classiquement – respecter un budget prédéfini, mais prenant ici en considération les biais de comportements correspondant à son profil.

Quirk – Money made personal

Une déclinaison de cette approche modulée m'est inspirée par une capture d'écran. Je ne sais donc pas si cette hypothèse correspond à une réalité, mais il me semblerait intéressant d'analyser les transactions enregistrées sous l'angle de leur impact psychologique (pouvoir, liberté, générosité, accumulation…) et d'en déduire, d'une part, les discordances possibles avec le caractère profond de la personne, sources de tensions qu'il faudrait alors chercher à réduire, et, d'autre part, les axes sur lesquels des efforts d'ajustement seraient nécessaires en vue d'optimiser sa position financière.

En tout état de cause, les principes mis en œuvre se déclinent sur de multiples dimensions. La présentation de l'état comptable et de projections à plus ou moins long terme, la mise en avant ou non de telle ou telle tendance observée dans le passé, le contenu et la tournure des alertes et préconisations émises… Toutes ces perspectives méritent d'être abordées différemment pour des catégories de population aux préoccupations et aux inquiétudes distinctes, répondant à des stimuli spécifiques…

Au fond, la logique de personnalisation est d'une éclatante évidence : un modèle d'assistance universel, aussi performant pour n'importe qui et dans n'importe quelles circonstances, est une illusion. Les banques ont coutume de segmenter leurs marchés selon (en gros) le train de vie, mais un conseil vraiment pertinent exige également de comprendre les « moteurs d'inspiration ». C'est pourquoi le conseiller (humain ou informatique) doit impérativement intégrer cette notion dans la découverte du client.

mercredi 20 janvier 2021

Infineon crée un badge multifonctions

Infineon
Depuis longtemps, les cartes à puce sont conçues pour supporter plusieurs applications côte à côte. Hélas, les établissements qui en exploitent les capacités, fort jaloux de leurs prérogatives, n'ont jamais accepté la cohabitation. Jusqu'à cette initiative du fabricant Infineon, qui combine badge d'accès et paiement sur un support unique.

Bien sûr, il existe d'innombrables entreprises fournissant à leurs employés une carte qui fait à la fois office de sésame sécurisé afin d'entrer dans les locaux et de porte-monnaie avec lequel ils règlent leurs repas à la cantine ou leur café aux distributeurs automatiques. Cependant, il s'agit là de services en boucle fermée. L'originalité de la carte Campeon (du nom du campus où elle est déployée) est en effet d'embarquer un instrument de paiement standard, utilisable dans tous les commerces du réseau Mastercard.

En l'occurrence, c'est un compte prépayé qui lui est attaché. Les collaborateurs d'Infineon disposent d'une application afin de l'approvisionner, à leur convenance, évitant de la sorte les queues aux habituels terminaux de rechargement propriétaires. Par ailleurs, l'ensemble des cafétérias et distributeurs installés sur le site se sont convertis au nouveau mode d'encaissement, ce qui autorise donc désormais leur utilisation transparente par les visiteurs, équipés seulement de leur propre carte bancaire.

À ce stade, la solution, développée en collaboration avec Mastercard, PayCenter (pour la gestion du porte-monnaie virtuel) et petaFuel (pour l'intégration technique des fonctions de paiement), se présente essentiellement comme un démonstrateur de l'expertise d'Infineon. Elle est prête à être déclinée dans d'autres organisations, avec des services identiques (pour l'anecdote, l'envoi de la carte de visite électronique du porteur fait partie du lot) ou enrichis (les titres de transport constituant une option envisageable).

Badge multifonctions Campeon

Alors que le nombre de cartes à puce a explosé au fond de nos poches et portefeuilles, pour divers usages, la concrétisation d'une version multifonctions pourrait être bienvenue… si elle n'arrivait pas avec 30 ans de retard… Car, aujourd'hui, en particulier avec l'avènement des transactions sans contact, le smartphone semble plus approprié pour devenir le support universel des outils de paiement, d'identification, de sécurité…, ne serait-ce que par la facilité d'enregistrement d'un fournisseur additionnel.

Ce qui aurait pu devenir le point de départ d'une révolution encore au début de ce siècle ne restera finalement qu'une application de niche pour un objet en fin de vie, voué à la virtualisation. En poussant le raisonnement, on l'aurait facilement imaginé, par exemple, en pièce d'identité capable d'agréger une multitude de services différents, sur laquelle aurait pu s'appuyer la téléphonie mobile alors émergente. La révolution a bien lieu, mais sur un autre support, qui contribuera justement à la disparition de la carte en plastique.

mardi 19 janvier 2021

Alan prépare des services gratuits pour tous

Alan Baby
Apparemment satisfaite des premiers résultats de son service de tchat avec un médecin – une des nouveautés pour lesquelles je lui décernais un prix de l'innovation il y a peu –, la jeune pousse française Alan veut maintenant en décliner le principe, hors assurance, à destination de populations spécifiques, dont la première sera celle des parents.

Actuellement en précommande sur les AppStores, assortie d'une invitation aux inscriptions sur liste d'attente, l'application Alan Baby devrait être officiellement disponible le 2 février prochain. Elle proposera alors gratuitement à ses utilisateurs une palette de fonctions d'assistance complémentaires au suivi médical classique des bébés. Dans ce but, elle capitalise simplement sur les différents outils existants au sein de sa solution de couverture santé, qui trouvent là une autre opportunité de se mettre en valeur.

Sont ainsi regroupés au sein du logiciel des contenus pédagogiques personnalisés (notamment selon l'âge des enfants), la plate-forme de messagerie sécurisée, permettant de poser une question pressante à un professionnel entre deux visites au pédiatre attitré (avec promesse de réponse en deux heures), la fameuse carte des médecins pour localiser rapidement un praticien (en fonction de sa grille tarifaire), l'agenda des soins afin de ne plus jamais oublier un acte ou un rendez-vous, le carnet de santé virtuel et son espace de stockage où conserver tous les documents importants…

Plus proche du métier initial d'Alan, vient s'ajouter à cet ensemble une option de conciergerie, à travers laquelle sera fournie une aide administrative, par exemple pour remplir un dossier ou pour résoudre une difficulté avec la sécurité sociale. Enfin, une dernière section prend la forme d'une sorte de forum de discussion, dans lequel tous les parents peuvent partager leurs conseils, soumettre leurs interrogations, rechercher un avis…, toujours sous la supervision (et la modération active) de médecins.

Alan Baby sur iPhone

La cible infantile n'est qu'un galop d'essai pour Alan. Selon sa réception, diverses variations pourraient prochainement voir le jour à l'adresse d'une multitude de contextes se prêtant tout autant à un accompagnement spécialisé, tels que les sujets autour de la fertilité, la santé mentale, le diabète… L'avantage de l'approche retenue est qu'elle ne requiert que peu de moyens supplémentaires lors de son application à un nouveau domaine, hormis, bien sûr, le recrutement des docteurs apportant leur contribution.

A priori, l'objectif de l'initiative consiste à créer un canal d'acquisition de clientèle pour les produits d'assurance de la startup (qui restent sa priorité). La méthode s'avère particulièrement intéressante car elle ne se réduit pas à une recherche de notoriété, via une application (utile) gratuite. En mettant en scène quelques-uns des services originaux qu'elle déploie dans son activité principale, elle donne également l'occasion de mesurer sa différence et son avantage par rapport à la concurrence traditionnelle.

Un dernier aspect de l'initiative mérite encore l'attention. Alan Baby et ses éventuels futurs avatars constituent en effet une excellente démonstration d'une démarche de prévention alignée avec les ambitions d'un assureur. Outre leur capacité à entretenir une relation étroite avec ses clients, ils pourraient avoir un bénéfice concret sur la maîtrise des risques couverts et leurs coûts, ne serait-ce que par la facilité avec laquelle il est possible de contacter un médecin en cas de doute, sans engager une consultation systématique.

lundi 18 janvier 2021

La Génération Z veut de la sincérité

Forrester
Quand Mike Proulx explore, pour Forrester, l'attitude des membres de la Génération Z (nés entre la fin des années 90 et 2010) vis-à-vis des marques, il opte pour un point de vue centré sur le marketing. Cependant, ses observations sont certainement généralisables, par exemple à la notion globale de confiance envers les entreprises.

Les plus âgés approchent les 25 ans et commencent donc à représenter une population à prendre en compte, autant dans ses habitudes de consommation que dans son intégration dans le monde du travail, d'ailleurs. Sur le premier aspect, l'analyste évoque notamment la demande croissante, entre autres de la part des responsables de campagnes, de clés afin de toucher et de séduire ces individus, sans, bien entendu, aliéner leur clientèle et leurs cibles existantes. Sa réponse tient en un seul mot : sincérité (qui me semble plus approprié que « vérité », traduction littérale de « truth »).

À l'appui de sa réflexion, il cite trois résultats extraits d'une enquête d'opinion récurrente. Ils révèlent que 1) un tiers des jeunes abandonnent – jusqu'au phénomène émergent de l'effacement (la « cancel culture ») – une enseigne au moins une fois par semaine, 2) la valeur qu'ils accordent à leur association aux marques sur les médias sociaux a fortement baissé à l'occasion de la crise sanitaire (qui leur a fait découvrir celles qui ne s'impliquaient guère dans la bataille) et 3) la majorité (55%) d'entre eux affirment que la réputation en matière de responsabilité sociale influence leurs comportements d'achat.

Derrière cette évolution, Mike Proulx perçoit un tiraillement pour des personnes atteignant la maturité dans une époque où la vérité se trouve attaquée de toutes parts. Dans un tel environnement, elles tendent non seulement à rehausser leur niveau d'exigence mais elles adoptent également une position de scepticisme et de méfiance, qu'elles ne sont prêtes à lever qu'après s'être assurées d'une convergence avec leur valeurs… et qu'elles n'hésitent pas à restaurer au premier faux-pas, voire à la moindre suspicion.

Mike Proulx (Forrester)

Au-delà de l'impact de cette analyse pour les annonceurs publicitaires, il est intéressant d'en décliner les conséquences probables dans les services financiers – banque et assurance – dont le fondement consiste toujours à établir une relation de longue durée. Il n'est plus ici question de soigner uniquement la posture prise dans la perspective d'un acte d'achat (et, au pire, du service après-vente) mais de maintenir le même engagement à tout moment, jusque dans les plus insignifiantes interactions du quotidien.

Pour ces acteurs, les promesses faites en amont et le déroulement de la première souscription de produit seront de moins en moins suffisants pour espérer fidéliser le client de la Génération Z et, surtout, entretenir sa confiance. Dès qu'il soupçonnera un défaut de sincérité dans le cours de ses échanges ou une déviation par rapport à ses attentes initiales, et même si les difficultés à changer de fournisseur subsistent, il se retournera facilement et rapidement contre celui dont il considèrera qu'il l'a trahi.

Le défi est double. D'une part, les institutions financières seront contraintes d'épouser une culture de vérité cohérente dans toutes les cellules de leur organisation (pas seulement dans le marketing), avec un risque accru d'exposition (et de violents contrecoups négatifs) dans le cas où la démarche resterait superficielle. D'autre part, la confiance étant en quelque sorte la matière première de leurs métiers, elles jouent leur survie si elles échouent à satisfaire durablement le besoin d'authenticité de leurs nouveaux clients.

dimanche 17 janvier 2021

La FinTech entre dans une nouvelle ère

JPMorgan & Chase
C'est le destin normal de toute « disruption » : d'abord ignorée, puis méprisée et tournée en dérision, elle subit ensuite diverses tentatives d'assimilation avant d'être finalement (trop tard ?) considérée comme une menace sérieuse. Plusieurs commentaires récents laissent à penser que la FinTech entre actuellement dans cette dernière phase.

Il y a quelques jours, Ana Botín (Santander) exprimait indirectement, à travers sa diatribe contre les prétendues facilités réglementaires dont bénéficieraient les nouveaux entrants, une certaine nervosité vis-à-vis d'une génération d'acteurs dont les plus performants ont démontré leur extraordinaire avance dans un monde dépendant de plus en plus de services « digitaux ». Cette semaine, Jamie Dimon, directeur général de JPMorgan Chase, reprenait les mêmes arguments, y ajoutant sa crainte explicite de la FinTech.

La principale inquiétude qu'il exprime à ce stade concerne le secteur des paiements. Il estime ainsi que PayPal (presque un quart de siècle après sa naissance), Stripe, Square, Ant Financial (pourtant malmené ces derniers temps)…, accompagnés des géants technologiques (Amazon, Apple, Google…), sont aujourd'hui mûrs pour engager une guerre concurrentielle susceptible de redéfinir les positions d'ici 10 ans. Il reconnaît même l'impératif pour la banque de s'améliorer afin de rester dans la course.

En contrepoint, à moins que ce ne soit qu'une simple diversion, J. Dimon met en exergue les avantages exorbitants dont profiteraient les startups. Il fait preuve dans cet exercice d'une mauvaise foi caractéristique, en citant par exemple les plafonds de commissions d'interchange moins contraignants pour les petites institutions, alors qu'il redoute évidemment les entreprises qui traitent – ou traiteront un jour – des volumes comparables à ceux de JPMorgan Chase, donc soumises à des conditions identiques.

JPMorgan Chase – Jamie Dimon

Une telle stratégie défensive ne trompe personne : les banques historiques, pourtant si promptes à critiquer avec une extraordinaire véhémence la pression réglementaire qui s'exercent sur elles, aimeraient beaucoup que le législateur les aide à lutter contre l'émergence de ces trublions, dont elles ont une peur grandissante de ne pouvoir égaler leur qualité et l'attraction qu'ils exercent sur leurs clients. La montée en puissance de ces discours fallacieux traduit, en vérité, un sentiment d'impuissance.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Santander et JPMorgan Chase se retrouvent en tête de la tendance. Toutes deux sont engagées depuis longtemps dans une vaste opération de manipulation : à travers une communication extensive, assortie tout au plus de quelques modestes initiatives ponctuelles, elles ont réussi à faire croire aux analystes qu'elles étaient à la pointe de la « digitalisation ». Hélas, les succès de la FinTech révèlent progressivement la véritable étendue de leur retard, derrière l'écran de fumée.

Au lieu de chercher à détourner l'attention des observateurs, voire d'espérer que le régulateur fasse disparaître la menace comme par enchantement, les banques devraient plutôt se concentrer sur leurs vraies priorités : comprendre les raisons profondes de la supériorité des offres alternatives et se mettre en capacité de lutter sur le terrain où la bataille se joue (notamment autour de l'expérience client). À défaut, elles risquent effectivement d'être renversées… et pas seulement dans les paiements.

samedi 16 janvier 2021

Aon, Janus de l'environnement

Aon
Côté pile, l'assureur britannique Aon affirme, à l'instar de tant d'autres entreprises (de tous secteurs), sa préoccupation et son engagement en faveur de l'environnement. Côté face, il n'hésite pas à lancer un nouveau produit à destination des industries consommatrices d'énergies fossiles. Les discours idéalistes contre la tentation du profit…

Depuis le début de cette année, les entreprises particulièrement exposées aux fluctuations des prix des carburants – notamment dans les secteurs de l'exploitation minière ou du transport (aérien, naval et routier) – se voient ainsi offrir la possibilité de souscrire une garantie contre la hausse du cours du pétrole. Son fonctionnement est très simple : chaque mois, le bénéficiaire est indemnisé à hauteur de la différence entre le coût constaté sur le marché et celui inscrit au contrat (sur un volume convenu ?).

Aon insinue dans sa communication qu'elle est une des premières compagnies à proposer une telle solution dans le monde, ce qui n'est guère à son honneur dans une période où la priorité devrait plutôt être accordée aux actions de soutien à la « décarbonisation » de l'économie. Je m'interroge en outre sur la pertinence même du concept, alors que, à ma connaissance, les gros acheteurs d'hydrocarbures recourent depuis longtemps aux marchés à terme afin de limiter leurs risques financiers.

Aon – Climate resilience

Surtout, l'initiative de l'assureur est un pied de nez à ses prétentions de responsabilité environnementale : qui peut encore croire à la sincérité de ses grandes ambitions – entre inquiétude pour le climat et démarches d'accompagnement de ses clients – quand elle se précipite sur la première opportunité de tirer profit des problèmes de quelques-uns des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre ? Sans évoquer, à aucun moment, d'autres approches possibles pour ces acteurs, par exemple la transition vers des énergies renouvelables (qui ont, entre autres avantages, celui d'un coût plus stable).

Le cas d'Aon n'est malheureusement pas unique. Au contraire, il est largement représentatif d'un état d'esprit général, selon lequel quelques opérations de communication, assorties parfois (rarement) de réalisations concrètes, compensent le maintien, voire l'extension, de pratiques historiques antinomiques avec les exigences de développement durable. Il s'agit d'ailleurs là peut-être d'un effet pervers des indices mis en œuvre pour évaluer les entreprises en la matière, fréquemment axés sur des critères déclaratifs et non des analyses opérationnelles (évidemment plus complexes).

vendredi 15 janvier 2021

Laissez les enfants tranquilles !

Greenlight
À l'origine, Greenlight est une de ces jeunes pousses qui proposent aux parents d'équiper leurs enfants d'une solution bancaire adaptée à leurs besoins et leur permettant notamment d'apprendre les bases de la gestion de finances personnelles. Avec sa nouvelle version « premium », elle veut maintenant leur enseigner aussi l'investissement…

Au-delà de la recherche d'un modèle économique original dans une entreprise qui se retrouve sur un marché de plus en plus encombré, la démarche procède probablement de la même intention louable initiale : dans un monde où l'argent est désormais presque entièrement dématérialisé, il est nécessaire de ré-inventer les méthodes pédagogiques d'autrefois, fondées sur l'allocation d'un pécule récurrent, la remise de quelques billets lors de grandes occasions et une tirelire pour les projets spéciaux.

Dans cette perspective, mettre entre les mains des plus jeunes une carte de paiement et une application mobile avec lesquelles ils découvrent progressivement, à leur rythme, en bénéficiant d'un accompagnement personnalisé, les vertus de la maîtrise d'un budget ou les avantages de constituer une cagnotte paraît raisonnable, car la tentation de la (sur)consommation commence très tôt. En revanche, quelle est l'utilité réelle de les immerger dans les arcanes des marchés, des actions, des fonds… dès 15 ou 18 ans ?

Certes, le grand public est universellement confronté à un sérieux déficit de culture financière (y compris aux États-Unis, contrairement à une légende entretenue de ce côté de l'Atlantique) et une immense majorité de la population passe à côté des opportunités qu'offrent les instruments d'investissement de mieux préparer ses grands projets et ses transitions majeures de l'existence. Cependant, combler ces lacunes n'est pas une urgence. Au contraire, plusieurs arguments justifient d'attendre la maturité.

Greenlight introduces investing for kids

En premier lieu, l'adolescent moyen n'est généralement pas prêt à appréhender et comprendre les enjeux de l'investissement. D'une part, il lui faut auparavant assimiler parfaitement les concepts fondamentaux de la gestion de l'argent, dont les principes de l'épargne, ce qui prend du temps. D'autre part, il s'agit d'une période de la vie dans laquelle non seulement l'insouciance règne sans partage et les rêves ne sont jamais très lointains mais, de plus, c'est une prérogative qu'il faut absolument leur laisser !

Surtout, il serait temps d'arrêter de vouloir gaver les jeunes têtes avec tous les savoirs de la planète ! Entre les injonctions à inculquer, de préférence à l'école, les usages du numérique (ou des réseaux sociaux), l'écologie, la programmation informatique, l'hygiène (cuvée 2020)… et, donc, l'investissement, où trouver le temps pour toutes ces disciplines ? Alors que se multiplient les inquiétudes sur la maîtrise des matières essentielles (mathématiques, français… sans même évoquer ce qu'on appelait autrefois l'instruction civique), qui en constituent souvent un préalable, il faut établir des priorités.

En réalité, les nouveaux apprentissages méritant une diffusion large avant l'âge adulte sont relativement rares (l'utilisation des médias en ligne est un des exemples les plus évidents). En outre, un certain nombre de connaissances, de pratiques et de comportements étant transmis par les parents, notamment par imitation, une approche optimale consisterait peut-être à focaliser les efforts sur ces derniers, premières victimes de l'ignorance et, simultanément, relais importants d'une propagation « organique ».

jeudi 14 janvier 2021

Le bien-être financier ne s'improvise pas !

Think Forward Initiative
J'ai longtemps exprimé mon sentiment que les outils de gestion de finances personnelles (PFM) basiques qui se contentent de fournir un suivi de budget n'aident guère leurs utilisateurs à améliorer leur situation. Une recherche animée par la « Think Forward Initiative » (co-fondée par ING) démontre en fait qu'ils ont souvent un effet nuisible.

Tout le monde connaît la promesse de ces plates-formes, distribuées depuis plus d'une décennie par des startups de la FinTech ou, de plus en plus, intégrées dans les applications web et mobiles des banques traditionnelles : la capacité de définir quelques cibles ou limites sur ses dépenses puis de contrôler, de manière rapprochée, leur respect au fil du temps est un facteur de bien-être financier, car il évite les excès involontaires et facilite, plus ou moins directement, l'atteinte d'objectifs à moyen ou long terme.

Or, en comparant, sur un échantillon représentatif, les comportements de consommateurs équipés ou non, il s'avère que, en moyenne, ceux qui disposent d'un accès à l'information sur leur position dépassent les plafonds qu'ils se sont eux-mêmes fixés tandis que les autres, qui naviguent donc à vue, tendent globalement à tenir leurs engagements. Les dérives des premiers sont en outre particulièrement visibles en fin de cycle de budget (la période, généralement mensuelle, sur laquelle s'appuient les règles établies).

L'explication avancée par les chercheurs, corroborée par cette dernière observation, considère que le fait de connaître avec certitude, à tout moment, le niveau des disponibilités encourage la prodigalité. A contrario, les individus qui ne sont pas sûrs de l'état de leurs comptes, qui, en l'absence d'un indicateur précis, maintiennent mentalement leur propre estimation, de plus en plus approximative au fil des jours, s'imposent instinctivement une marge de manœuvre afin d'éviter le débordement.

Think Forward Initiative - Dynamic Budget Monitoring

Un corollaire embarrassant d'une telle hypothèse, si elle est confirmée, est sa possible généralisation aux outils « digitaux » standards des banques (hors PFM), qui nous accompagnent partout et que certains clients consultent plusieurs fois par jour : savoir exactement, en permanence, le solde restant, voire, dans les cas les plus élaborés, le « reste à vivre » (après avoir retiré les frais prévisibles), constituerait une incitation sournoise à la dépense, au détriment, potentiellement, de gestes financiers plus sains.

Dans une autre phase de leur travail, les chercheurs ont ensuite exploré quelques idées de solutions afin de limiter les effets constatés. Une présentation par intervalles (plutôt que par montants unitaires), la réduction de la durée du cycle de planification et le rappel de la faculté de reporter un surplus sur la période suivante semblent efficaces. En revanche, l'introduction de recommandations explicites (effectuer un versement vers un compte d'épargne ?), qui pourrait être plus performante, n'a pas été testée.

La conclusion que je voudrais tirer de cette intéressante analyse (dont on peut tout de même s'étonner qu'elle soit une première, des années après l'émergence du PFM) porte sur la popularité croissante de la notion de bien-être financier dans les discours marketing d'un nombre croissant d'acteurs (de toutes dimensions). Il serait dommage qu'elle soit galvaudée, à travers des approches superficielles, alors qu'elle représente un enjeu essentiel mais requiert une expertise approfondie pour exprimer sa valeur.

mercredi 13 janvier 2021

Open banking : le leurre de la monétisation

API et déconnexion
La mise en ligne récente de la table ronde virtuelle du Sibos 2020 consacrée à la monétisation de l'« open banking » et la synthèse qu'en propose Finextra me donnent l'occasion de m'arrêter sur ce sujet primordial, qui préoccupe tant de responsables du secteur… et qui, hélas, est généralement abordé sous un angle inapproprié.

Le point de départ de la réflexion est un défaut bien connu dans les grandes organisations : avant de lancer un projet, surtout de grande ampleur, il faut d'abord démontrer son retour sur investissement (ROI). En l'occurrence, ce préalable induit une tension extrême entre une injonction émanant des « experts » et du « marché », la sourde perception (au moins par une partie des décideurs) de l'importance de suivre la tendance et la difficulté à matérialiser des cas d'usage concrets générateurs de revenus.

Interrogés sur les bénéfices qu'ils espèrent retirer de l'« open banking », les participants à une enquête informelle placent ainsi en tête, pour près de la moitié d'entre eux, la création de nouvelles solutions à valeur ajoutée (le reste se répartissant principalement entre 29% concernés en priorité par la conformité réglementaire et 19% souhaitant améliorer de la sorte leurs collaborations avec la FinTech… probablement dans un objectif de développement et d'enrichissement de leurs catalogues, là encore).

Les intervenants invités sur la scène du Sibos – qui exercent au sein de grands groupes, NatWest, BNY Mellon et BNP Paribas, et de fournisseurs technologiques, Finastra et Fidel – expriment des points de vue similaires, oscillant entre le désir de déployer de nouvelles offres et la possibilité de distribuer leurs services à travers des canaux extra-financiers, en passant par l'optimisation des processus internes. Les éditeurs logiciels vont jusqu'à considérer les API – fondations de l'ouverture – comme des produits à part entière.

Cependant, ces tentatives de justification passent entièrement à côté de l'essentiel. Certes, le partage de données, brutes ou raffinées, l'accès à l'émission de virement, la fiabilisation de la vérification d'identité (exemples cités)… profitent de la simplification apportée par le recours à des interfaces de programmation reposant sur des standards. Mais ces API ne sont qu'un outil passif – et l'« open banking » une philosophie – facilitant la mise en œuvre de ces applications, sans en être un quelconque moteur.

En conséquence, espérer quantifier la rentabilité d'une telle démarche sera toujours un exercice vain. Le concept, dans son ensemble, devrait plutôt être envisagé comme un canal supplémentaire d'interactions, notamment avec les clients, et sa rentabilité se mesurerait alors à l'aune de la qualité de l'expérience utilisateur qu'il autorise. Le principe n'est pas si éloigné de celui qui a régi l'émergence de la banque mobile et les leçons apprises dans ce domaine depuis une douzaine d'années restent d'actualité.

Il est vrai qu'il faut cette fois composer avec un surcroît de complexité, introduisant de multiples défis inédits. D'un côté, la notion d'ouverture, qui s'accompagne de la transition vers la logique de plate-forme et/ou de services enfouis, impose d'accepter une éventuelle ré-intermédiation de la relation avec le client. D'autre part, les APIs, qui en sont le support de l'implémentation, requièrent une attention à plusieurs dimensions d'expérience, vis-à-vis des développeurs, des entreprises partenaires, des usagers finaux…

Quoi qu'il en soit, rien dans le modèle de l'« open banking » ne peut-être assimilé à un produit en soi, susceptible d'être commercialisé et de dégager directement un profit. En revanche, il constitue une étape majeure dans la redéfinition des méthodes de consommation des services financiers. À ce titre, les dirigeants d'institutions devraient s'inquiéter de rester en phase avec l'évolution du monde « digital » au lieu de s'enfoncer dans l'obsolescence en continuant à s'interroger sur l'équilibre économique des APIs.

Open Banking Puzzle