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C'est pas mon idée !

dimanche 4 août 2019

L'assurance face aux excès de la Silicon Valley

Assurance
Quand la Silicon Valley s'empare d'un thème tel que l'assurance, ce sont évidemment les opportunités technologiques qui prennent le dessus. Or, bien qu'il soit certain que le secteur doive évoluer avec son temps, la vision qu'en propose, par exemple, Steven Moseley pour Seeking Alpha paraît terriblement simpliste et déconnectée des réalités.

Le point de départ de la réflexion de l'auteur (par ailleurs investisseur, notamment dans Tesla) est l'idée que les constructeurs automobiles seraient structurellement mieux placés que les compagnies traditionnelles pour offrir des produits d'assurance à leurs clients. Dans une logique caractéristique d'un ingénieur, son principal argument réside dans la capacité de ces acteurs à mieux exploiter les masses de données disponibles et à se mettre ainsi en position de délivrer des solutions personnalisées, plus séduisantes.

Intuitivement, la collecte des informations de conduite au fil des kilomètres parcourus, qui fait désormais partie intégrante des véhicules modernes et permet de mesurer en temps réel les comportements de manière extrêmement précise, semble en effet largement supérieure aux statistiques historiques, basées sur les profils socio-démographiques et les usages moyens des consommateurs, au moment de déterminer le risque de chaque automobiliste et, par voie de conséquence, d'établir la prime la plus « juste ».

À l'extrême, c'est l'utopie de l'assurance individualisée qui point derrière ce raisonnement. Après tout, pourquoi faudrait-il que les « bons » conducteurs, prudents, attentifs et qui n'ont jamais d'accident, contribuent à la couverture de ceux dont la multiplication des sinistres génère les coûts les plus élevés ? La réponse est simple : il s'agit du principe fondateur de la mutualisation des risques, qui permet de prendre en charge, par effet d'échelle, l'aspect aléatoire de toute projection sur l'avenir.

Tesla

Certes, le concept de modulation des primes en fonction des comportements au volant est déjà mis en œuvre par plusieurs compagnies. Mais, là où Steven Moseley reproche aux dispositifs existants d'être limités – dans le temps, l'évaluation étant réalisée sur une période initiale donnée, et dans leur application, l'impact négatif étant toujours plafonné –, c'est le point de vue de l'assuré qu'il oublie : qui voudra d'un couverture dont le coût pourrait varier au jour le jour selon des critères plus ou moins transparents ?

Plus profondément, et c'est un défaut quasiment universel parmi les « fanatiques » de technologie, la vision d'avenir qui nous est exposée ici manque cruellement d'une perspective sur sa dimension sociétale. En l'occurrence, l'exclusion massive qu'induirait l'individualisation effrénée de l'assurance ne peut être écartée d'un revers de main dédaigneux, ne serait-ce que parce qu'elle serait contre-productive pour les constructeurs, en entraînant une réduction concomitante de leur clientèle potentielle.

Je pense que Steven Moseley se trompe tout autant dans son analyse de la stratégie de Tesla sur le sujet. Outre que la première ambition de la marque est d'offrir une expérience la plus transparente possible à ses clients, sa préoccupation n'est certainement pas d'exploiter les données de conduite pour personnaliser les primes mais plutôt pour valoriser sa technologie, en particulier en matière de sécurité, et, à terme, préparer l'ère de la voiture autonome assurée pour elle-même et non en fonction de son propriétaire.

Et là réside l'enjeu, pour les constructeurs comme pour les compagnies historiques.

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