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C'est pas mon idée !

mercredi 31 juillet 2019

KeyBank ressuscite le conseil personnalisé

KeyBank
Au sein d'une industrie qui a oublié, au fil de ses efforts d'automatisation, que son rôle consistait à accompagner chacun de ses clients dans sa vie quotidienne, selon ses besoins spécifiques, un établissement américain s'est inspiré du succès de son outil de bien-être financier pour recréer un vrai modèle de conseil de proximité personnalisé.

Bien avant que le concept ne devienne à la mode, KeyBank avait déjà compris (en 2015) l'intérêt de proposer à ses clients une solution automatisée capable de leur prodiguer des conseils concrets et pragmatiques destinés à améliorer leur comportement avec l'argent et ajustés en fonction de leur situation et de leur contexte individuels. Élaboré avec la technologie d'une startup que la banque a par la suite acquise, HelloWallet a rapidement séduit une base d'utilisateurs fidèles, validant ainsi l'approche.

C'est donc, en quelque sorte, en prenant conscience de l'attente profonde à laquelle répondait cette plate-forme que KeyBank a décidé d'en introduire le principe dans ses agences. Le dispositif « Financial Wellness Review » permet aux clients de prendre rendez-vous avec leur conseiller (préalablement formé) afin de faire le point sur leurs finances personnelles, leurs inquiétudes, leurs projets… et obtenir des recommandations pratiques pour progresser, qu'elles impliquent ou non la vente de nouveaux produits.

Conçu par l'équipe qui était à l'origine de HelloWallet, le programme reproduit en fait le fonctionnement du service en ligne existant, décliné pour un accompagnement humain. Le conseiller est armé d'une application sur tablette, avec laquelle il collecte les informations essentielles sur son interlocuteur. Ce dernier prend alors le relais pour décrire ses objectifs et leur avancement. L'exercice se conclut enfin par des suggestions d'améliorations, qui servent de support à la conversation avec le banquier.

KeyBank HelloWallet

Certains des thèmes les plus fréquemment abordés donneront l'impression d'être des classiques d'une interaction avec la banque, tels que la préparation de la retraite. D'autres sembleront plus proches des préoccupations intimes des consommateurs : prendre conscience des risques d'imprévus et savoir y faire face, maîtriser ses habitudes de dépenses et apprendre à tenir un budget… Dans tous les cas, la différence est que le point d'entrée dans la discussion est une situation personnelle, jamais un produit.

La « Financial Wellness Review » a été expérimentée pendant 8 mois, dans quelques implantations pilotes de KeyBank, avant une généralisation entamée le mois dernier. Les premiers résultats observés sont plutôt impressionnants. Alors que, ironiquement, l'institution affirme qu'elle ne cherche pas, avec cet initiative, à ramener du trafic dans ses agences, elle indique que plus de 100 000 clients ont profité de l'opportunité de se faire assister et de bénéficier de conseils pour surmonter leur petits et grands soucis.

Quand cet accompagnement individuel commence à représenter une des principales raisons des demandes d'entrevues, la preuve est faite : les consommateurs expriment une forte attente pour ce genre de services, aussi bien via une solution « digitale » que dans le cadre d'une relation traditionnelle avec un conseiller, selon les préférences de chacun. Et, au-delà du maintien d'un rôle utile pour son réseau physique, il s'agit surtout de redonner à la banque sa mission primitive de facilitateur des rêves de ses clients.

mardi 30 juillet 2019

Ces milliards engloutis dans la blockchain

Forum Économique Mondial
Alors que les entreprises du monde entier et de tous secteurs dépensent des sommes de plus en plus importantes dans des applications de la blockchain, le Forum Économique Mondial, à l'occasion d'une enquête menée avec Accenture, identifie les principaux obstacles et défis qu'elles doivent affronter… mais oublie le premier d'entre eux.

Selon les estimations d'IDC, les solutions blockchain représenteraient un budget global de 2,9 milliards de dollars en 2019, susceptible d'atteindre plus de 12 milliards en 2022. Pourtant, dans la majorité des cas (presque deux sur trois), les projets engagés restent cantonnés dans les départements de recherche et d'innovation ou dans les directions informatiques, soulignant leur orientation technologique, loin de toute concrétisation des opportunités de création de valeur pour l'organisation (et ses clients).

Pour expliquer cette situation, les experts nous proposent 5 raisons plausibles : les attentes irréalistes dues aux excès médiatiques (renforcés par l'effet d'image qu'induit la simple annonce d'une initiative), la nécessité d'obtenir l'appui des dirigeants pour passer de l'expérimentation à la production, les difficultés à faire converger les écosystèmes qui fondent le socle du concept, le poids des systèmes informatiques existants et les incertitudes qui perdurent, par exemple sur la maturité des outils disponibles.

Or, derrière l'apparente évidence de ses arguments, cette liste révèle une étrange combinaison d'excuses éculées et de faux prétextes qui, en évitant soigneusement de plonger au cœur du sujet, masquent la réalité et n'ont aucune chance d'aider les entreprises à progresser… et arrêter de gaspiller leurs précieuses ressources.

Forum Économique Mondial – Is blockchain overhyped?

Le manque d'adhésion de la hiérarchie pour justifier de l'abandon d'un projet est un des motifs les plus usés en entreprise. Le plus souvent, il s'agit avant tout pour un responsable de dégager sa propre responsabilité… qui aurait manifestement dû inclure, très tôt dans une démarche innovante, la faculté de convaincre les décisionnaires de son intérêt. Or, quand l'enquête d'Accenture signale que moins de 4 projets sur 10 sont accompagnés d'un modèle d'affaire formel, cet effort est clairement négligé.

Également dans ce registre de la recherche de coupables à désigner pour détourner l'attention, la technologie elle-même a bon dos. Tous ceux qui s'embarquent dans une aventure avec la blockchain ont immédiatement le réflexe, parfois avant d'entamer leur mission : l'outil que nous utilisons, voire le concept en général, n'a pas la maturité suffisante pour une solution d'entreprise et il s'agit d'un risque majeur. Sous-entendu, il ne faudra pas nous blâmer en cas d'échec, les logiciels nous auront trahis. Le mécanisme est identique, simplement renversé, quand c'est l'existant qui est incriminé.

Cependant, l'argument le plus drôle reste celui de la complexité du travail en collaboration avec d'autres entités. Pourquoi drôle ? Parce que la plupart des initiatives blockchain ciblent des problèmes anciens, qui n'ont jamais trouvé de réponses jusqu'alors en raison justement de l'incapacité des parties prenantes à opérer ensemble. Cet écueil ne disparaît évidemment pas par magie avec l'introduction d'une nouvelle technologie (sauf si les acteurs impliqués se laissent aveugler… mais faut-il alors en profiter ?).

En revanche, le rapport du Forum Économique Mondial ne s'intéresse qu'en passant à la question, essentielle, du bien-fondé des promesses de la blockchain. Elle serait pourtant susceptible d'éclairer bien des échecs et des déconvenues, ainsi que les hésitations de dirigeants clairvoyants à prolonger des expériences sans avenir ou encore les réticences de quelques responsables à accumuler une lourde dette technique (avec des solutions qui évoluent rapidement et sont répliquées à de multiples exemplaires – architecture distribuée oblige) pour des bénéfices finalement fragiles…

lundi 29 juillet 2019

Le GAB personnalisé refait surface

Sberbank
Le GAB personnalisé. Voilà une idée ancienne, apparue au début de 2013 (en Angleterre, aux États-Unis…), plutôt bienvenue, relativement peu complexe à mettre en œuvre… mais qui ne semble pas, hélas, avoir suscité l'engouement espéré. Elle revient aujourd'hui sur les distributeurs de la russe Sberbank. Son heure serait-elle enfin venue ?

Le concept est trivial : puisque la personne qui introduit sa carte puis saisit son code PIN sur le guichet automatique est, dès cet instant, identifiée et authentifiée, pourquoi ne pas profiter de cette connaissance pour lui délivrer une expérience adaptée à ses préférences et à ses attentes, au lieu de lui présenter un menu standard ? A minima, cela permettrait de rendre les opérations plus rapides, au mieux la banque pourrait en profiter pour renforcer la relation avec son client et, peut-être, développer ses ventes.

Tel est exactement le double objectif de Sberbank. Ainsi, d'une part, sur l'écran d'accueil, l'utilisateur peut effectuer d'un geste un retrait du montant qu'il a l'habitude de demander (déduit par une simple analyse de l'historique de ses transactions) – à quoi pourrait idéalement s'ajouter sa sélection de coupures de prédilection. D'autre part, des offres personnalisées lui sont soumises. Enfin, pour ajouter une touche de proximité (anecdotique mais généralement appréciée), un message lui souhaitera son anniversaire, assorti d'un cadeau, quand le jour sera venu (encore une réminiscence…).

GAB Sberbank

Si le bénéfice concret pour les clients paraît limité (ce qui pourrait expliquer pourquoi les initiatives de ce genre ne se sont pas développées), l'enjeu sous-jacent est pourtant considérable. En effet, le GAB est devenu progressivement un des principaux substituts à l'agence bancaire et aux interactions humaines qu'elle encourageait. Or, historiquement, une des qualités essentielles de ces dernières, qu'il faut impérativement restaurer, était la capacité à reconnaître le visiteur, ses besoins, ses inclinations…

Tant que les transactions à distance ne sauront pas reproduire cette intimité, les clients continueront à considérer que les outils de libre-service mis à leur disposition ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. Et, oui, cela concerne aussi les applications web et mobiles qui restent aujourd'hui désespérément statiques, incapables, par exemple, de mettre en avant, pour chaque individu, les options qu'il utilise le plus ou de placer en retrait, voire masquer, les produits qui n'ont aucune pertinence par rapport à son profil.

dimanche 28 juillet 2019

Starbucks veut commercialiser sa technologie

Starbucks
Huit ans après son lancement (sur iPhone… et Blackberry !) et en dépit de l'entrée en lice, au fil des ans, des géants technologiques et des banques (avec Apple Pay, Google Pay, Samsung Pay…), l'application mobile de Starbucks continue à figurer parmi les solutions de paiement sur smartphone les plus populaires aux États-Unis.

Les statistiques varient mais les données publiées par la marque sont éloquentes, avec aujourd'hui plus de 17 millions d'inscrits à son programme de fidélité (qui tendent à confirmer l'estimation de 23,4 millions d'utilisateurs fréquents ou occasionnels de son application) et 16% de ses ventes initiées et payées via mobile (pour un volume de l'ordre de 220 millions de dollars par mois). En comparaison des 55 millions d'adeptes d'Apple Pay, ces résultats sont plus que respectables, pour un système « fermé ».

Un tel succès, étonnant par sa longévité, a fini par convaincre la chaîne de cafés de partager sa technologie et de répondre aussi, de la sorte, aux sollicitations qu'elle reçoit régulièrement. Elle ne se transformera cependant pas elle-même en fournisseur de logiciels, puisqu'elle a choisi de collaborer avec Brightloom, un éditeur spécialiste du secteur de la restauration (dans lequel elle investit), pour développer et commercialiser une plate-forme dans les nuages offrant une expérience utilisateur optimisée.

Starbucks Backs Restaurant Tech Company in Creation of End-to-End Digital Platform

La démarche de Starbucks témoigne brillamment de l'incontestable acuité de sa vision vis-à-vis des usages des consommateurs. Car, bien plus que ses qualités techniques (finalement ordinaires, comme l'illustre le choix du QR code pour les interactions sur le point de vente), c'est sa focalisation sans concession sur la mise en place d'un parcours client ultra-fluide et parfaitement intégré qui détermine sa réussite. L'adoption de l'application est due essentiellement à sa faculté de simplifier la vie des consommateurs.

Visiblement, voilà une leçon (vieille de 8 ans, tout de même !) que nombre d'acteurs n'ont pas encore absorbée. Ceux qui, en particulier, persistent à considérer le paiement comme un domaine autonome ne parviendront jamais à imposer une nouvelle solution face aux moyens traditionnels, qui ont fait leurs preuves et s'adaptent plutôt bien à la « digitalisation ». À l'inverse, les innovateurs qui comprennent que l'expérience utilisateur est la clé et qui conçoivent des instruments permettant de rendre celle-ci plus transparente (ou plus agréable) sont sur la bonne voie pour réinventer le secteur…

samedi 27 juillet 2019

L'économie comportementale appliquée

BBVA
En quelques mois, l'économie comportementale est devenue le sujet à la mode dans le secteur financier et les discours sur l'importance de comprendre les processus de décision humains – souvent irrationnels – pour mieux accompagner les clients se multiplient. Quand il s'agit de passer à la pratique, en revanche, il ne reste plus grand monde…

Pour l'espagnole BBVA, la théorie était une première étape nécessaire. Elle l'a conduite à mettre en place, dès 2017, des équipes chargées de mener des études sur les mécanismes entrant en jeu dans la gestion de finances personnelles et, en particulier, les obstacles qui se dressent face à la sélection de solutions optimales dans toutes sortes de situations. Outre sa volonté de leur apporter un meilleur service, la banque vise aussi à développer ses ventes grâce à une compréhension approfondie de ses clients.

Ses chercheurs ont progressivement raffiné l'idée selon laquelle il est possible de rendre plus accessibles des démarches historiquement perçues comme complexes, notamment en simplifiant le langage employé et en rationalisant le nombre d'options présentées. Cependant, les conclusions de ses travaux n'ont pas vocation à moisir dans les laboratoires et BBVA a donc commencé à les mettre en application dans différents domaines (y compris à l'intention de ses collaborateurs), avec un certain succès.

Un premier exemple de réalisation concrète s'attaque au défaut, fréquent, de « surcharge cognitive », à savoir l'incapacité du cerveau humain à appréhender correctement l'information qui lui est fournie quand elle devient trop riche. Il se rencontre, entre autres, dans la présentation traditionnelle (en ligne) des offres de cartes de crédit, qui prend généralement la forme d'un (long) comparatif de caractéristiques, sans donner au visiteur les clés qui pourraient l'aider à déterminer celle qui convient à ses besoins.

En réponse à une telle faiblesse, BBVA a lancé une expérimentation (toujours en cours, semble-t-il) au sein d'une de ses implantations, consistant à indiquer pour chaque carte de crédit inscrite à son catalogue le profil type de clientèle susceptible de la préférer. En mettant en avant de la sorte un critère de référence proche de sa réalité et, idéalement, de ses préoccupations, le site permet à l'utilisateur de focaliser plus facilement son attention sur l'option qui a le plus de chance de correspondre à ses attentes.


Dans un registre différent, BBVA s'est également penchée, en Espagne, sur l'archétype des produits jugés « difficiles », le crédit (immobilier, entre autres). En l'occurrence, c'est sur un simulateur d'emprunt qu'elle s'est attachée à prendre plus grand soin de son vocabulaire. Les résultats sont éloquents : le recours à des mots familiers du grand public, en évitant le jargon technique qui s'y insinue tellement vite, suffit à augmenter de 150% le nombre de demandes d'estimation poursuivies jusqu'à leur terme  !

Enfin, le dernier cas proposé s'inscrit dans un tout autre contexte puisqu'il concerne les inégalités dans le monde du travail. Partant du constat que les femmes sont plus attentives aux qualifications requises dans les offres d'emploi, ce qui tend à les dissuader de tenter leur chance sur des postes à responsabilités, une réorganisation des critères exigés et souhaités, expérimentée dans le cadre d'un test A/B d'une entité de la banque, à montré une augmentation de 30% du nombre de candidatures féminines reçues.

L'économie comportementale n'est certainement pas une solution magique à toutes les difficultés que rencontrent les consommateurs avec leurs banques, mais elle constitue une composante essentielle d'une approche « centrée sur le client ». À ce titre, elle doit d'abord trouver et respecter la frontière (étroite) entre optimisation du service rendu et tentative de manipulation (matérialisée par les initiatives qui tendent à placer l'intérêt de l'institution au sommet des priorités). L'exercice peut s'avérer périlleux…

vendredi 26 juillet 2019

La banque ouverte au service des bailleurs

Token.io
Les opportunités de la banque ouverte (même dans le champ restreint de la DSP2) ne se réduisent pas à l'accès aux transactions enregistrées sur les comptes. La mise à disposition de services d'initiation de paiement peut aussi s'avérer attractive, comme le démontre Token.io à travers son partenariat avec deux plates-formes immobilières.

La location d'un logement reste un de ces processus qui semblent figés dans le temps, insensibles à la « digitalisation » du monde. Quelques jeunes pousses essaient toutefois de changer cette situation absurde, telles que, au Royaume-Uni, Sturents – dédiée aux étudiants – et Mashroom – plus généraliste. Toutes deux proposent une gestion entièrement en ligne, comprenant un moteur de recherche pour trouver la résidence idéale, la signature électronique du bail, diverses options de paiement du loyer…

C'est sur ce dernier volet que les méthodes les plus archaïques sont parfois encore en vigueur, dont, notamment, les règlements par chèque, voire en espèces, avec tous les aléas que ces instruments entraînent. Et quand le locataire hésite à mettre en place un virement récurrent (le cas est fréquent), les sites spécialisés offrent des capacités d'encaissement par carte… qui, malheureusement, s'avèrent coûteuses (alors que la loi britannique vient récemment d'interdire la facturation de ces frais aux payeurs).

La solution instaurée par la deuxième directive européenne des paiements (DSP2) est parfaitement positionnée pour résoudre toutes ces difficultés. Reposant sur un principe de virement interbancaire, elle est totalement sécurisée, efficace (surtout si elle emprunte la route des « faster payments »), facile à tracer et économique. En agrégeant les API déployées par chacune des grandes banques du pays, Token.io permet de profiter de ces avantages via une seule intégration technique, d'une simplicité à l'état de l'art.


Précisons que, pour Mashroom, les bénéfices de l'« open banking » (et de sa collaboration avec Token.io) ne s'arrêtent pas aux paiements. Elle exploitera également la faculté d'accéder aux comptes des locataires afin de procéder aux vérifications d'usage avant la contractualisation. Il ne s'agit pas (à ce stade ?) d'établir véritablement la fiabilité financière de la personne (comme le fait Youse) mais, a minima, de contrôler son niveau de revenus sans requérir des justificatifs générateurs de délais et aisément falsifiables.

Les promesses de la banque ouverte sont encore largement inexplorées, souvent faute d'idées d'applications. C'est pourquoi il me paraît important de mettre en exergue chaque pas en avant, aussi modeste soit-il, en espérant qu'il serve d'inspiration au suivant. En outre, dans cette démarche, il faut toujours garder à l'esprit que l'utilisation des données financières des individus et des entreprises n'est pas seule concernée : tous les services seront, à terme, prêts à intégrer de la même manière, pour toutes sortes d'usages.

jeudi 25 juillet 2019

CommBank affine ses prévisions économiques

CommBank
Les informations extraites des transactions de paiement de leurs clients permettent aux banques de dresser un panorama quasi instantané de la situation économique de leurs marchés. En revanche, elles sont moins bien équipées pour réaliser des prévisions. C'est pourquoi CommBank recourt maintenant aux tendances détectées par Google Trends.

Pour une institution financière présente dans 2,5 millions de foyers, il n'est finalement pas très compliqué d'extrapoler les comportements de dépenses de la population australienne et d'en mesurer les évolutions au fil des saisons, de manière à fournir aux entreprises locales, en particulier, des informations précieuses sur l'environnement dans lequel elles opèrent. Mais chaque achat est précédé d'une intention et c'est désormais celle-ci que souhaite identifier Commbank, afin d'enrichir sa proposition de valeur.

Un grand voyage, par exemple, commence par une visite de sites web dédiés au tourisme, puis une réservation de vol et d'hôtel… peut-être, enfin, un rechargement de carte prépayée… Toutes ces actions sont autant d'indicateurs que donne le consommateur de ses projets, et il en est évidemment de même, à des degrés divers, dans toutes sortes de domaines (acquisition d'une résidence ou d'une voiture, éducation, santé, loisirs…). Ces traces laissées en ligne peuvent donc aider à prédire l'avenir.

Or il existe une plate-forme, en accès public (et gratuit), où ces données (brutes) peuvent être retrouvées facilement, décortiquées et exploitées : Google Trends et ses analyses statistiques comparatives – actualisées en temps réel – des milliards de requêtes effectuées sans interruption par les internautes sur le leader des moteurs de recherche. Grâce à cette ressource extraordinaire, les spécialistes de CommBank peuvent dorénavant intégrer les intentions des citoyens dans leurs études économiques.

Commbank Economic Insights with Google Trends

Bien que l'idée paraisse simple à mettre en œuvre, elle exige de prendre un certain nombre de précautions. Elle a mobilisé les équipes de la banque pour déterminer les critères pertinents dans l'anticipation des dépenses des ménages parmi les 7 catégories initialement retenues pour le rapport mensuel (représentant plus de la moitié du budget moyen d'une famille en Australie). Car, si Google Trends facilite la recherche de corrélations entre des termes de recherche et des actes, il ne les explique pas.

CommBank cite ainsi l'étrange correspondance, à 3 mois d'écart, des recherches portant sur un met traditionnel et les ventes de logements. Pourtant, rien n'établit a priori un lien de causalité entre les deux facteurs, et il est extrêmement probable qu'il n'en existe pas. Au bout de leur exploration, les chercheurs ont finalement sélectionné une série de requêtes qui sont statistiquement prédictives d'une transaction immobilière (à partir des données historiques) et dont le caractère d'induction peut être expliqué et vérifié.

La publication des « Household Spending Intentions Series », lancée en ce mois de juillet, est destinée à tous les acteurs (entreprises, associations, agences gouvernementales…) susceptibles de profiter d'une meilleure connaissance des orientations de l'économie. Cependant, il va de soi que les mêmes observations, peut-être encore plus détaillées, sont également d'un intérêt considérable pour la banque elle-même, dans ses activités de crédit, ses offres aux commerçants, ses prévisions de résultats…

mercredi 24 juillet 2019

Petite analyse critique d'une « stratégie »

Santander
Les lecteurs de ce blog savent que je suis généralement admiratif de la transformation de BBVA et il arrive fréquemment qu'on me demande pourquoi je la préfère à Santander, qui entretient une excellente réputation en la matière. La présentation des résultats de celle-ci pour le premier semestre 2019 me fournit l'occasion d'une explication illustrée (complémentaire à celle que j'esquissais déjà il y a 4 ans).

Qu'on ne s'y trompe pas, certaines initiatives du groupe espagnol (telle que la réinvention de son réseau d'agences que je chroniquais récemment) sont intéressantes et démontrent une perception acérée des défis à relever pour l'avenir. Cependant, sa vision globale et, surtout, sa stratégie révèlent des faiblesses caractéristiques : comme dans la plupart des institutions financières de la planète, les contraintes du court terme l'emportent et nuisent à la mise en place des briques nécessaires à sa survie au XXIème siècle.

En l'occurrence, attardons-nous sur la création de la « Santander Global Platform » qui était donc annoncée à l'occasion de ce rendez-vous avec les analystes. Tous les grands groupes internationaux s'y reconnaîtront plus ou moins, puisqu'il s'agit de mettre en place une unité organisationnelle destinée à rassembler et fédérer l'ensemble des moyens et des ressources – notamment informatiques – qui concourent à la « digitalisation » de la banque dans toutes ses implantations dans le monde.

La motivation principale de cette centralisation proviendrait d'un désir d'accélération de la mutation de l'entreprise, qu'elle estime largement entamée au regard de l'adoption massive de ses outils web et mobiles par ses clients. Pourtant, un premier couac survient dans le discours avec l'évocation du milliard d'euros d'économies attendues grâce aux possibilités de mutualisation des développements : l'objectif serait donc plutôt de rationaliser la production des applications destinées aux différentes filiales…

Présentation de résultats de Santander

Plus grave et plus insidieux, le principe même d'une structure commune paraît être pris par le mauvais bout. En effet, il n'est de pire approche dans une tentative de transition vers une culture « digitale » que de l'aborder par un changement d'organisation, qui a toutes les chances de déclencher des luttes intestines, de générer des frustrations et…, au fil du temps, de revenir vers la situation initiale, par simple plasticité, sans jamais atteindre les bénéfices espérés mais en consommant une énergie considérable.

Il se trouve que BBVA est, elle aussi, engagée dans une démarche similaire, par exemple (et ce n'est pas le seul) à travers la création de son « usine d'intelligence artificielle ». Comment s'y prend-elle donc ? D'emblée, l'ambition affichée marque sa spécificité : il est question d'apporter des réponses aux attentes des clients, dans les meilleures conditions possibles. Si des enjeux économiques sont présents dans les réflexions (ce qui reste légitime, naturellement), ce ne sont jamais eux qui guident les choix.

D'autre part et c'est le plus important, l'habitude du partage et des collaborations entre les filiales de la banque a été cultivée de longue date (j'aime citer le cas de son grand centre de formation madrilène, où se côtoient régulièrement des employés de toutes origines), bien avant que ne soit matérialisée l'idée de constituer des équipes transverses. Lorsque cette dernière apparaît comme nécessaire (même pour des questions d'efficacité), elle ne fait alors que prolonger un mode de fonctionnement déjà établi.

Ce que semblent oublier beaucoup de dirigeants d'institutions financières et que met en relief, par contraste, le succès de BBVA est ce qui définit une stratégie, à savoir la fixation d'une vision pour l'entreprise (ce qu'elle sera dans 10, 20, 30 ans) et les grandes étapes à franchir pour la réaliser, tous ensemble. Aujourd'hui, cette notion fondamentale est de plus en plus perdue dans des annonces sans substance, des plans d'action remis en cause à la première occasion, des collaborateurs désengagés… et une priorité systématique accordée aux résultats trimestriels et aux apparences…

mardi 23 juillet 2019

Une banque privée dans les nuages

Morgan Stanley
Quand une majorité d'institutions financières dans le monde restent terriblement méfiantes vis-à-vis du nuage (cloud) public, la banque privée de Morgan Stanley adopte la plate-forme de Box pour assurer les échanges de documents confidentiels avec ses clients, justifiant son geste par la richesse fonctionnelle et la sécurité qu'elle apporte.

Qu'il s'agisse de conserver un contrat, un testament, un titre de propriété… ou de transmettre un projet d'investissement, un relevé de compte, une déclaration de taxes…, le coffre-fort numérique de Morgan Stanley est désormais la solution privilégiée, à laquelle les clients peuvent accéder en quelques clics depuis leur espace personnel en ligne ou leur smartphone équipé de l'application mobile de la banque. Il remplace avantageusement la messagerie, qui reste l'outil le plus fréquemment utilisé à ce jour.

La technologie de Box mise en œuvre offre amène toute une série de bénéfices à la communication entre les conseillers et leurs clients. Parce qu'il s'agit d'un sujet sensible, le premier d'entre eux concerne naturellement la protection des échanges et des données, garantie par un chiffrement robuste. Elle se veut non seulement supérieure à l'insécurité des envois de mails mais également au niveau de l'état de l'art en la matière, grâce aux expertises combinées de la banque et de son partenaire.

Sur le plan opérationnel, l'expérience proposée par Box inclut plusieurs fonctions utiles, telles que les notifications d'événements (à destination des conseillers et des clients), des capacités d'annotation, voire de collaboration, sur les documents partagés… L'objectif est à la fois de faciliter le travail des employés de la banque (qui profitent de la centralisation des échanges) et de rendre plus fluide et transparent le dialogue du point de vue des consommateurs (en autorisant des interactions plus interactives).

La démarche de Morgan Stanley illustre (timidement) une tendance incontournable. En dépit de leurs traditions historiques et de leurs angoisses de cybersécurité, les institutions financières prennent progressivement conscience de l'impossibilité pour elles de continuer à ignorer les opportunités de l'externalisation de leur informatique vers les nuages*, afin d'offrir les meilleurs services à leurs clients, avec la meilleure efficacité et la meilleure flexibilité, au meilleur coût… et, aussi, avec les meilleures protections.

À l'inverse, celles qui persistent à croire qu'elles seront toujours plus performantes en créant elles-mêmes l'essentiel des plates-formes qu'elles exploitent, y compris pour des fonctions désormais banalisées et standardisées (telles que le partage de documents), sont vouées au destin des dinosaures. Elles seront rapidement dépassées par leurs concurrentes qui auront admis que l'expertise technologique de pointe dont elles ont besoin ne se trouve plus nécessairement, comme il y a 40 ans, dans leurs effectifs.

* Bien entendu, quand je parle ici de cloud, il ne s'agit pas simplement de délégation à une entreprise tierce de l'hébergement et l'administration des machines dédiées aux applications de la banque, mais bien de plates-formes et autres ressources informatiques mutualisées, multi-clients, élastiques et mises à disposition sous forme de service.

Morgan Stanley - From Mission Control to a New Space Economy

lundi 22 juillet 2019

La banque en temps réel, étape par étape

Mastercard
Alors que les banques européennes (et du reste du monde) s'éveillent tout juste au besoin de temps réel dans les transferts d'argent, quelques acteurs un peu plus avancés commencent à comprendre que la même exigence touchera bientôt toutes leurs opérations. Prochaine étape : le versement des émoluments des travailleurs indépendants.

Bien sûr, l'opportunité a attiré l'attention, depuis plusieurs mois, d'un certain nombre de startups ainsi que celle des grandes plates-formes – Uber, Lyft et consorts – pourvoyeuses de prestations à la demande pour leurs affiliés. Les solutions se sont donc multipliées permettant aux intéressés de percevoir leur dû dès leur mission terminée, et ainsi l'utiliser immédiatement pour toutes leurs dépenses, sans patienter jusqu'à la fin de la semaine ou du mois, de plus en plus souvent sans avoir à en faire la demande.

Dans de nombreux cas, l'enjeu est d'apporter une réponse (superficielle) à la précarité créée par l'économie dite collaborative. Il s'agit alors d'éviter aux personnes les plus fragiles, qui vivent au jour le jour, le recours aux prédateurs de l'avance sur salaire ou ses équivalents. Plus profondément, il existe aussi une véritable question d'équité : dans un monde où toutes les transactions deviennent instantanées, il n'est que justice que le contributeur humain de la chaîne de valeur profite de cette évolution (ce progrès ?).

Le conducteur de VTC, par exemple, qui est évalué, entre autres, sur sa réactivité aux demandes de courses de ses clients, qui sait que ces derniers règlent le prix de leur trajet en sortant de sa voiture, ne devrait pas avoir à attendre pour recevoir la part qui lui revient, même si les habitudes héritées de siècles de labeur salarié (et de limitations techniques) ont ancré le principe du report des paiements à intervalles périodiques.

Pay advance demand grows in the gig economy

Après les pionniers, le mouvement prend de l'ampleur. PayPal est, sans surprise, aux aguets, en particulier à travers sa filiale spécialisée sur le créneau, Hyperwallet, qui vient de conclure une collaboration internationale avec Lime pour le versement de leurs gains à ses « juicers » (les freelances qui assurent la charge des batteries de ses trottinettes électriques). Parmi les entreprises plus traditionnelles, Mastercard se positionne également, via une offre dédiée, qu'elle déploie d'abord avec une jeune pousse.

Derrière cette vague émergente, ce qu'il faut impérativement appréhender et intégrer est la nature profonde de ce qu'attendent les consommateurs, les professionnels, les entreprises… vis-à-vis de la banque en temps réel. En effet, il ne peut seulement être question de virements instantanés (ou de notification immédiate des dépenses, toujours à la traîne). Le plus important reste à faire : concevoir et développer des expériences client globales – telles que celle des indépendants – sans friction et sans délais.

dimanche 21 juillet 2019

Réinventer le modèle économique de la banque

U.S. Bank
La publication des derniers résultats trimestriels d'U.S. Bank et le constat qu'en tire un article d'American Banker me donnent aujourd'hui l'occasion de m'attarder sur l'évolution des modèles d'affaires des banques depuis quelques années, dans le sillage de la chute des taux d'intérêt dans les principales économies de ce monde.

La tendance est quasi universelle. Au fil des mois et des années, les bilans affichent les mêmes courbes dans la plupart des établissements : les marges issues de commissions et autres frais fixes sont en forte croissance tandis que les revenus d'intérêt – générés par la différence entre la rémunération des dépôts et le prix des crédits distribués – baissent continuellement, jusqu'à se croiser (ce qui n'est pas encore le cas pour U.S. Bank) et remettre en cause le principe de fonctionnement historique de la banque.

La perspective d'une remontée significative des taux – qui, seule, permettrait d'enrayer le phénomène – s'éloignant chaque jour un peu plus, les banques n'ont d'autre choix que d'imaginer et mettre en œuvre de nouveaux moyens de stimuler leurs bénéfices. Les premières recettes employées consistent naturellement à développer les ventes de produits et services qui génèrent des profits directs : solutions de paiement et d'encaissement, conseil en investissement, contrats d'assurance…

Dans de nombreux cas, la facilité l'emporte sur les efforts d'expansion (qui, certes, atteindront nécessairement leurs limites). Les banques les moins créatives se contentent ainsi d'augmenter les tarifs de leurs offres existantes : commissions de mouvement, frais de tenue de compte, frais de dossier sur les opérations de crédit… Au mieux, elles introduisent par la même occasion quelques avantages supplémentaires afin de justifier la hausse mais ce ne sont généralement que des artifices peu convaincants.

U.S. Bancorp – Creating the future now

De telles mesures sont-elles susceptibles d'apporter une réponse durable à la crise existentielle qui menace le secteur ? Je crains que non. Outre le risque intrinsèque de rejet par les clients des ponctions de plus en plus élevées sur leurs comptes sans contrepartie additionnelle sérieuse, une génération d'acteurs promettant des prix serrés, voire la gratuité (même si elle n'est pas viable à terme), entraîne une accoutumance dangereuse pour ceux qui persistent à vouloir facturer la moindre transaction.

En réalité, la véritable planche de salut ne peut résider que dans l'innovation. Qu'il s'agisse d'inventer un modèle économique alternatif (comment monétiser différemment la valeur ajoutée de la banque ?) ou de commercialiser de nouveaux produits et services que les clients seront prêts à payer (sans les prendre pour des vaches à lait comme tendent à le faire des concepts tels que la carte biométrique), l'enjeu est le même dans les grands groupes qui jouent leur survie que dans les jeunes pousses de la FinTech.

La crise financière de 2008 (avec les événements concomitants de cette période) a constitué une opportunité manquée pour l'industrie de remettre à plat ses pratiques et les projeter dans l'univers « digital » du XXIème siècle, laissant le champ libre (quoique semé d'embûches) à des entrepreneurs plus visionnaires. L'environnement actuel représente le deuxième grand moment de vérité des banques, qui les contraindra à renouveler de fond en comble leur approche de leurs métiers… ou les mènera à leur perte.

samedi 20 juillet 2019

Une nouvelle monnaie… vieille comme le monde

Tally
Un porte-monnaie virtuel adossé à une réserve d'or ? L'idée n'est pas toute fraîche, mais en la lançant en pleine controverse sur le futur Libra de Facebook (et ses complices) et alors que la perspective du Brexit relance les inquiétudes sur l'économie britannique, la jeune pousse Tally démontre (au moins) qu'elle possède un certain sens du timing

Le concept est simple : lorsque le client dépose des livres sterling sur son compte, au lieu d'être consignées telles quelles dans un registre, comme dans n'importe quelle banque, elles servent à acheter de l'or et sont, de la sorte, converties en une nouvelle unité, le tally, correspondant à 1 mg du métal précieux. Par la suite, chaque dépense effectuée, par exemple avec la carte Mastercard associée, donne lieu à une revente (transparente) d'une partie de la réserve, permettant le règlement dans la monnaie fiduciaire locale.

Pourquoi les consommateurs s'intéresseraient-il à une telle solution ? Les arguments de Tally sont résolument classiques. Ils tournent essentiellement autour de la méfiance à l'égard des devises étatiques, du fait, notamment, de leur sensibilité à l'inflation – et la perte de valeur qu'elle induit – pendant des périodes d'incertitude comme celle que vit actuellement le Royaume-Uni. Par opposition, elle vante la stabilité de l'or et sa nature physique rassurante, d'autant que les réserves sont stockés dans un coffre suisse.

Tally se positionne donc comme un fournisseur de la valeur refuge du XXIème siècle, en combinant le support privilégié depuis des millénaires pour assumer ce rôle, avec des capacités technologiques modernes (en considérant que la carte de paiement mérite ce qualificatif) grâce auxquelles il est aujourd'hui possible d'utiliser l'or dans les transactions du quotidien sans aucune friction, ou presque (un détail souvent négligé étant la complexité pour le quidam moyen de devoir jongler avec des devises différentes).

Accueil Tally

La réception de Tally dans le grand public sera intéressante à suivre car sa promesse est, finalement, très proche de celle des principales cryptomonnaies (Libra exclue, a priori, sa cible étant plutôt de faciliter les paiements sans frontières). Dans les deux cas, l'objectif poursuivi est de se libérer de l'emprise des gouvernements et de leurs politiques monétaires sur l'argent. Il paraît d'ailleurs assez amusant que les autorités s'émeuvent parfois des velléités libertaires des créateurs de monnaies alternatives mais ne trouvent rien à redire à une approche similaire basée sur un actif physique.

La familiarité et le prestige de l'or sont susceptibles d'entraîner la même acceptation implicite de son principe par les consommateurs, là où bitcoin et consorts ont tellement de difficultés à s'imposer comme des instruments sérieux, par absence de la confiance universelle qui constitue le fondement de toute monnaie, qu'elle soit matérialisée par quelques grammes de métal précieux, un bout de papier ou une suite de bits sur un disque dur. Nous verrons donc un peu plus concrètement si le rejet des devises traditionnelles dispose d'un quelconque ancrage dans l'esprit des citoyens…

vendredi 19 juillet 2019

L'open banking est officiellement tendance

Intesa Sanpaolo
Un signe certain de l'enracinement durable d'une tendance technologique émergente est son détournement par le marketing jusqu'à l'absurde. Une étrange annonce de l'italienne Intesa Sanpaolo fait de la sorte brillamment (!) entrer l'« open banking » dans cet univers des concepts absolument incontournables pour le secteur financier.

Sans être révolutionnaire, l'innovation dont il est question avait pourtant suffisamment d'intérêt par elle-même pour ne pas nécessiter le recours à des artifices douteux. En résumé, il s'agit simplement de permettre aux utilisateurs de la solution d'épargne automatique par projet de la banque – par arrondi des dépenses, par impulsion ou par virement programmé, quotidien, hebdomadaire ou mensuel – de convertir leurs économies en bon d'achat électronique Amazon, assorti d'une prime de 3%.

Pourquoi diable les spécialistes de la communication d'Intesa Sanpaolo inscrivent-ils (avec insistance) une telle initiative dans un cadre d'« open banking » ? C'est, semble-t-il, l'intégration du service au cœur de l'application mobile de l'institution, rendue possible grâce aux API d'Amazon, qui leur en fournit le prétexte, en surfant au passage sur le modèle que représente le géant du e-commerce en matière d'ouverture technologique. Bien entendu, tout ceci n'est qu'une tentative grossière de lavage de cerveau.

Intesa Sanpaolo – XME Salvadanaio

Ce type de manœuvre n'a rien de très original. Toutes les équipes de communication de la planète cherchent en permanence à exploiter les sujets à la mode dans le but de mettre en avant leurs messages. En l'occurrence, l'adoption du thème de l'« open banking » pour mettre en relief une actualité par ailleurs un peu anecdotique est donc un signe éloquent de l'importance qu'il prend dans le secteur financier, au-delà des seules obligations réglementaires (de la DSP2) auxquelles il est associé jusqu'à maintenant et du périmètre de la DSI où il est souvent cantonné (à tort) dans les organisations.

Cependant, l'approche d'Intesa Sanpaolo révèle aussi, non pas tant une incompréhension du concept et de ses enjeux – il s'agit avant tout d'ouvrir la banque sur son écosystème et pas juste d'utiliser des API ! – que d'une difficulté relativement universelle à appréhender les implications, et en particulier les opportunités, de l'« open banking » dans l'ensemble de l'industrie. L'incapacité des grands groupes à en imaginer des applications pratiques et utiles génère une frustration qui les conduit à faire feu de tout bois pour sauver la face.

Le constat concerne la plupart des établissements. Soit qu'ils restent campés sur leur position de rejet par principe et par tradition du repli sur soi, soit qu'ils aient des difficultés à se projeter dans une autre vision, ouverte, de leurs métiers, ils ne parviennent pas (sauf exception, telle que Yolt) à offrir à leurs clients les nouvelles expériences qu'autoriserait l'« open banking ». Les exemples d'usages commencent pourtant à se multiplier, dans des domaines variés, et beaucoup d'autres tendent les bras aux banques.

jeudi 18 juillet 2019

Du réseau d'agences au réseau de co-working

Santander
La transformation des agences bancaires désertées par les clients en espaces de travail partagés s'est discrètement propagée depuis plusieurs années. Pour Santander, par exemple, l'idée à germé au Chili en 2016. Elle arrive aujourd'hui au Royaume-Uni, en prenant des allures de réinvention complète du rôle des réseaux de distribution.

Au fil des années, le mouvement a adopté différents formats – depuis l'aménagement des locaux de manière à accueillir les clients désireux de s'y installer pour faire une pause ou pour travailler (comme l'initie actuellement ING) jusqu'à la mise à disposition de bureaux et salles de réunion vacants sur des sites web spécialisés – mais il a toujours plus ou moins répondu à une question commune : face à la baisse de fréquentation des points de vente, comment y faire revenir du trafic et renouveler leur attractivité ?

Or, quand Santander ouvre un « work café », à l'instar de celui qu'elle vient d'inaugurer à Leeds, dans le nord de l'Angleterre, dans une ancienne agence, fermée il y a un peu plus d'un an, elle donne l'impression de poser les données du problème autrement. En effet, tout en retenant le principe – maintenant classique – d'un lieu de « co-working » assorti d'un café (haut de gamme), ouvert à tous, clients ou non de la banque, la présentation qu'elle en fait, plaçant en retrait son métier historique, inverse l'approche usuelle.

Le groupe espagnol aurait ainsi franchi un cap supplémentaire dans sa vision stratégique des réseaux physiques. Reconnaissant leur déclin inéluctable, potentiellement jusqu'à leur disparition totale, le défi qu'il cherche à relever consisterait à identifier et investir un domaine d'activité non financier lui permettant de maintenir durablement (avec un modèle économique viable, si possible) une présence locale grâce à laquelle il continuerait à assurer les services de proximité essentiels que ses clients demandent.

Santander Work Café

En prolongeant le raisonnement jusqu'à son terme, Santander profiterait de son immense patrimoine immobilier pour s'établir comme un véritable gestionnaire de bureaux partagés, ceux-ci représentant actuellement un marché florissant et en pleine expansion. Son implantation ainsi consolidée, il ne lui resterait alors qu'à installer là, en support, quelques conseillers, permanents ou à temps partiel, capables de prendre en charge les opérations financières de ses clients qui persistent à solliciter un contact humain.

À ce stade, tout ceci n'est peut-être qu'extrapolation (ou fantasme) de ma part. Pourtant, la réflexion mérite d'être engagée : à partir du moment où il devient apparent que la désaffection des agences (toutes ou une partie d'entre elles) détruit tout espoir de rentabilité, vaut-il mieux appliquer des rustines aidant à limiter l'ampleur du désastre ou bien est-il préférable d'abandonner définitivement le concept d'origine et repenser entièrement la notion de proximité et les manières de délivrer les services attendus ?

mercredi 17 juillet 2019

Et si l'IA imposait la transparence aux banques ?

FCA
Les spécialistes de tout poil s'accordent tous sur un préalable à la généralisation de l'intelligence artificielle pour la prise de décision dans les institutions financières : les résultats doivent être explicables. Une intervention d'un responsable du régulateur britannique du secteur souligne cependant la difficulté à implémenter un tel principe.

C'est à l'occasion d'une conférence consacrée aux enjeux éthiques de l'IA dans le secteur financier, organisée par l'institut Alan Turing, que le directeur de la stratégie et de la concurrence à la FCA, Christopher Woolard, exposait l'état actuel de ses réflexions sur le sujet. Il indiquait notamment qu'une collaboration avait été engagée avec l'organisme de recherche afin de dépasser le stade des généralités et de se pencher sur les défis concrets à relever pour garantir des usages responsables des technologies.

En effet, une fois qu'est énoncée la doctrine (raisonnable) de l'indispensable explicabilité des décisions prises par des machines, par exemple d'accorder un prêt ou d'assurer un individu, les questions pratiques sur sa mise en œuvre s'accumulent rapidement. Après tout, la description du « raisonnement » tenu par un modèle d'apprentissage automatique n'est pas un produit intrinsèque de sa conception et viendra toujours un moment où il faudra choisir entre cette visibilité et la performance des prédictions exprimées.

En amont même de toute tentative d'implémentation, une interrogation primitive, et critique pour les institutions financières, émerge : qu'est ce qu'une « explication » satisfaisante, en particulier dans un contexte réglementaire, à quel niveau d'abstraction doit-elle se placer, à qui devrait-elle être destinée (un expert interne, le directeur général de la banque, les autorités, le client final…) ? Les réponses seront cruciales pour donner véritablement corps à l'objectif visé de maintenir un contrôle étroit sur les outils.

The Alan Turing Institute - AI ethics in the financial sector

Or, l'aspect le plus intéressant de ces considérations est qu'elles pourraient esquisser un progrès considérable pour les consommateurs et les entreprises qui, aujourd'hui, peuvent se voir refuser un produit sans raison sérieuse et motivée. Si, demain, les algorithmes exploités sont contraints de fournir les arguments qui ont servi à établir une conclusion (avec des moyens de recours), la transparence aura franchi un pas immense… ainsi que la confiance dans la banque… et dans l'intelligence artificielle.

La FCA – comme, j'espère, ses équivalents dans le reste du monde – conçoit son rôle dans une logique d'amélioration constante des services rendus aux clients (le titre de la conférence de Christopher Woolard est d'ailleurs explicite, en mentionnant l'« IA pour le bien des consommateurs »). Son objectif prioritaire est donc de favoriser des usages innovants de l'ouverture des données et de l'IA, entre autres, susceptibles de résorber des difficultés existantes, autant que possible sans en créer de nouvelles.

En l'occurrence, les explorations en cours pourraient offrir une occasion unique non seulement de stimuler le développement de pratiques plus objectivement éthiques dans la banque mais également d'introduire plus de transparence dans les relations entre les clients et leurs fournisseurs. Si l'avantage pour les premiers est évident, il faut tout de même rappeler qu'il ne s'agit que de répondre à une attente de plus en plus sensible et que, dans cette perspective, les seconds ont tout à gagner à la satisfaire.

mardi 16 juillet 2019

La pression monte sur les cœurs bancaires

EY
Mis en lumière par l'inquiétante croissance du nombre d'incidents informatiques observés ces derniers temps, y compris en France, le sujet du renouvellement de leurs cœurs de système commence (enfin !) à être reconnu comme un enjeu stratégique majeur par les dirigeants des banques. Mais en prennent-ils vraiment toute la mesure ?

Le constat ne date pas d'hier. Alors même que la « digitalisation » des services explose, que les points de contact numériques entre les institutions financières et leurs clients se multiplient et que des applications toujours plus sophistiquées sont développées sans relâche pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, les logiciels (invisibles) qui en constituent les fondations sont souvent restés plus ou moins les mêmes que ceux des débuts de l'informatisation du secteur, il y a plusieurs décennies.

S'il n'est pas question de les dénigrer simplement en raison de leur âge, surtout quand ils ont fait preuve de leur robustesse au cours du temps, il faut se rendre à l'évidence : les évolutions successives de la banque ont accentué la pression qu'ils subissent, au point de mettre aujourd'hui en danger tout l'édifice qu'ils supportent. Car, en réalité, le principal problème qu'ils représentent dorénavant est de constituer le socle inadapté d'un assemblage inextricable de myriades de composants hétéroclites.

Un exemple de ce défaut est donné par le besoin émergent de gestion en temps réel des comptes, pour lequel les plates-formes d'antan n'ont pas été conçus. Des couches intermédiaires ont alors été bâties pour offrir un suivi immédiat des opérations ou prendre en charge, tant bien que mal, les impacts de la transition vers les transferts instantanés. Or ces ajouts introduisent automatiquement des complexités dans l'architecture globale des systèmes, qui génèrent à la fois fragilité d'exploitation et rigidité structurelle.

L'actualité récente nous donne de tristes occasions de vérifier cette hypothèse. Ainsi, l'analyse que faisait il y a peu Tink, startup de la banque ouverte, de la mauvaise qualité des API livrées par les établissements européens dans le cadre de la DSP2 peut confirmer la seconde, tandis que l'explication de BNP Paribas à ses gros incidents, selon laquelle sa plus grande difficulté consiste à remettre en route une machine extraordinairement complexe une fois la panne identifiée, illustre la première.

EY - Why banks can’t delay upgrading core legacy banking platforms

Selon le compte-rendu rédigé par le cabinet de conseil EY de deux rencontres de professionnels (dans le cadre du Bank Governance Leadership Network), la prise de conscience de l'exigence (l'urgence ?) de modernisation des cœurs informatiques a donc eu lieu et ils sont désormais nombreux à réfléchir aux moyens d'y faire face concrètement. Pourtant, les solutions envisagées et autres pistes esquissées laissent entrevoir que tous les paramètres de l'équation ne sont pas encore correctement appréhendés.

L'apparente croyance en la magie des nouvelles technologies en est un des indices les plus alarmants. En effet, s'il est raisonnable de considérer qu'elles ont un rôle de catalyseur dans les transformations, il paraît absurde d'imaginer que, comme le citent les auteurs, une migration infonuagique (vers le « cloud computing ») en soit le moteur grâce aux gains d'efficacité opérationnelle qu'elle apporte. La seule valeur réelle qu'elle peut produire au niveau stratégique est de contraindre à repartir de zéro.

Là réside justement le nœud des réflexions. Une majorité de dirigeants estiment qu'il reste possible d'adopter une démarche incrémentale, sans comprendre (ou intégrer) que chaque processus additionnel développé « à côté » des systèmes existants est aussi un facteur supplémentaire de complexité de l'ensemble… jusqu'à ce que tous les anciens composants aient pu être remplacés. Conséquence, les coûts s'accumulent, les dangers de ruptures augmentent, mais les bénéfices attendus ne se matérialisent pas.

Il est rassurant de savoir que le débat de la modernisation des cœurs est maintenant ouvert et qu'il est jugé suffisamment critique – après tout il engage l'avenir de l'entreprise – pour voir sa responsabilité confiée aux directions générales et non plus aux seuls DSI. Toutefois, pour faire les bons choix, il faudra encore que ces acteurs embrassent l'étendue de la problématique, en particulier dans ses dimensions technologiques. Je ne suis pas certain que leur culture informatique soit suffisante à ce stade…

lundi 15 juillet 2019

Moven aborde le crédit comme l'épargne

Moven
Les toutes premières versions de la néo-banque américaine Moven visaient à aider ses clients à mieux suivre et piloter leurs dépenses. Son itération suivante lui ajoutait un accompagnement intelligent de l'épargne. La prochaine introduira une solution de crédit. Et, comme toujours, elle adopte une approche non conventionnelle

Naturellement, à l'image de toutes les jeunes pousses qui s'engagent dans cette direction, Moven examine les opportunités d'exploiter des données extra-financières – complétant celles, extraordinairement riches, qu'accumule déjà son application grâce à l'agrégation des comptes d'autres établissements – afin de déterminer la fiabilité des emprunteurs. Par sa nature 100% mobile, elle évalue notamment la pertinence des quelques dizaines de millions de points de référence collectés sur les smartphones où elle est installée.

Une simple analyse de la fréquence de consultation de l'appareil, par exemple, semble efficace pour estimer la volonté (sinon la capacité) d'une personne de rembourser son prêt. Une multitude d'autres pistes sont également étudiées, d'une part avec des sources d'information alternatives offertes par des tiers, permettant de raffiner les profils comportementaux, et d'autre part, dans une direction plus exploratoire (et pour l'instant peu probante), avec des méthodes psychométriques, basées sur des questions telles que la périodicité des vacances, l'habitude de voyager seul ou avec des amis…

Moven App

Mais la gestion du risque de défaut ne constitue (évidemment) pas la principale originalité de Moven dans sa manière d'aborder le crédit. Ce qui en fait la véritable différence est sa logique centrée sur le client et la réalisation de ses projets. En effet, au-delà de sa seule capacité de remboursement, l'utilisateur se verra proposer de souscrire un emprunt dans la mesure où la startup s'est assurée qu'une telle opération ne l'entraînera pas dans une situation difficile et qu'elle lui permet d'accélérer l'atteinte de ses objectifs.

En pratique, le principe est assez similaire à celui qui est mis en œuvre pour l'épargne. Ce que ses concepteurs appellent le crédit contextualisé répond à l'idée que, une fois que la gestion des achats est sainement répartie entre besoins et envies, que l'application a réussi a insinuer un réflexe d'épargne pour les prendre en charge, il n'est plus très difficile d'aider le client à réorienter ses dépenses – dans une mesure raisonnable – pour rembourser le prêt qui lui donnera un coup de pouce vers leur satisfaction plus rapide.

C'est ainsi, et seulement ainsi, que la banque évoluera de son modèle actuel de vendeur de produits, dont l'avenir s'assombrit inexorablement, vers un positionnement de compagnon financier, toujours prêt à guider le consommateur et à lui recommander les meilleurs choix en vue de l'accomplissement de ses projets de vie. Pas à pas, Moven est en train de concrétiser cette vision au sein d'un dispositif de plus en plus complet, démontrant de la sorte sa faisabilité, en attendant de valider, espérons-le, sa viabilité.

dimanche 14 juillet 2019

Le crédit immobilier en ligne s'installe en France

Caisse d'Épargne
En dépit des doutes persistants des banques quant à son attrait pour les consommateurs (à moins qu'il ne faille incriminer des difficultés techniques de mise en œuvre), le crédit immobilier 100% en ligne progresse à petits pas en France. Trois ans après l'expérience pionnière (et peu concluante) d'Arkéa, la Caisse d'Épargne se lance

L'innovation, déployée d'abord dans la caisse régionale de Bourgogne Franche-Comté avant une généralisation à l'ensemble du territoire prévue d'ici la fin de 2020, représente un incrément attendu sur une évolution du parcours de crédit immobilier entamée au cours de l'été passé : le simulateur de nouvelle génération, qui me laissait alors sur ma faim, devient ainsi maintenant capable de prendre en charge la totalité des démarches de souscription, à tout le moins pour les clients existants de la banque.

Après avoir soumis son projet et reçu une ou plusieurs propositions de solutions, l'utilisateur, sous réserve d'être connecté à son espace personnalisé en ligne, peut donc dorénavant poursuivre le processus sur le web au lieu de voir automatiquement son dossier envoyé à son conseiller. Il va notamment pouvoir transmettre les documents justificatifs nécessaires par voie électronique, souscrire l'assurance emprunteur du partenaire de la Caisse d'Épargne (CNP Assurances) et signer son contrat à distance.

En parallèle des bénéfices évidents pour l'emprunteur – rapidité et simplicité des formalités, accélération du traitement des demandes… –, la banque promet à ses clients de ne pas les abandonner à eux-mêmes. Elle leur laisse en effet à tout moment la faculté de prendre conseil auprès d'un interlocuteur humain, soit en centre d'appel, soit en agence. Elle argue même que l'approche en libre-service permet de dégager un temps précieux pour mieux accompagner les personnes qui en expriment le besoin.

Crédit immobilier 100% digital à la Caisse d'Épargne Bourgogne Franche-Comté

Naturellement, c'est dans cette logique « omni-canal » que réside le principal défi des initiatives du genre. Seule une totale transparence dans les transitions entre le service en ligne et les interactions avec un conseiller (dans un sens comme dans l'autre) donnera aux clients la confiance indispensable pour essayer de profiter des avantages vantés. Or, en arrière-plan, il s'agit de la dimension la plus complexe de l'implémentation dans des entreprises qui sont encore fréquemment organisées en silos étanches.

La difficulté est telle qu'elle explique probablement, derrière les arguments officiels avancés, pourquoi le crédit immobilier reste aujourd'hui largement à l'écart de la « digitalisation ». Peut-être cet état de fait éclaire-t-il également l'image traditionnelle de ces transactions, réputées compliquées, et que BPCE, citant un sondage OpinionWay, préfère décrire comme compliquées dans leurs démarches (ce qui me semble une première). Et voici qu'émerge une incitation supplémentaire à la simplification…

Une fois cet obstacle important franchi, la Caisse d'Épargne devra prolonger ses efforts afin de faciliter toujours plus la vie de ses clients. Car, outre les petites lacunes que j'avais identifiées sur son simulateur et qui restent (je crois) à combler, elle se place toujours à bonne distance des leaders mondiaux (DBS et quelques autres…) qui, en faisant du crédit une composante discrète d'une expérience intégrée de l'achat immobilier (de bout en bout), parviennent à éliminer les frictions habituelles de la banque…

samedi 13 juillet 2019

La place de marché de DBS intègre le voyage

DBS Bank
Un an après l'introduction d'une section dédiée à l'immobilier (achat, vente et location), la place de marché extra-bancaire de la singapourienne DBS s'enrichit à nouveau, cette fois avec une agence de voyage en ligne, confirmant de la sorte sa stratégie d'expansion (hégémonique ?) dans tous les moments de vie de ses clients…

La démarche est désormais parfaitement rodée : choisir un marché, qui concerne une majorité de consommateurs et relativement peu encombré (apparemment, il n'existe pas à ce jour,  à Singapour, de solution globale pour préparer un voyage), sélectionner quelques partenaires de référence capables de fournir leurs services par API (en l'occurrence Singapore Airlines pour le transport aérien, Expedia pour l'hébergement et Chubb pour l'assurance), et mixer le tout avec quelques outils financiers complémentaires.

Le résultat est une plate-forme plutôt classique, sur laquelle le consommateur peut facilement organiser son voyage dans tous ses détails : rechercher et réserver ses vols et ses nuits d'hôtel, obtenir des informations et des suggestions sur sa destination, et, banque oblige, payer l'ensemble des prestations en toute sécurité… En outre, pour les clients existants de DBS, l'assurance est incluse gratuitement et ils ont la faculté d'utiliser les points gagnés avec leur carte de crédit pour régler une partie de la facture.

DBS - Book your adventure with us and save more

Avec cette brique supplémentaire ajoutée à sa place de marché, l'institution poursuit sans relâche son chemin vers sa vision d'une banque qui accompagne ses clients dans leur quotidien, de manière aussi transparente que possible. Pour ce faire, plutôt que de rester passive et risquer ainsi de devenir invisible, en tant que marque, elle a résolu d'affirmer son nouveau rôle de fournisseur d'expérience intégrée, en considérant que les services financiers omniprésents dans ces parcours lui en laissaient l'opportunité.

En perspective, DBS voit son avenir non plus seulement dans ses métiers d'origine mais surtout dans sa capacité à assembler un portail de e-commerce unifié capable de répondre à tous les besoins de ses utilisateurs avec le minimum de frictions. La transformation peut paraître radicale, mais elle n'est qu'une réponse indispensable aux mutations qui affecteront inéluctablement le secteur financier dans les prochaines années. D'autres approches sont certainement envisageables mais une chose est sûre : pour une banque, c'est aujourd'hui qu'il faut choisir son positionnement pour demain.

vendredi 12 juillet 2019

Amazon prépare le monde du travail de 2025

Amazon
S'il est de bon ton de critiquer Amazon sur ses pratiques contestables en matière de ressources humaines, la nouvelle initiative qu'elle annonce en vue d'adapter les compétences de ses troupes (américaines) aux mutations du marché du travail d'ici à 2025 est plus exemplaire et pourrait inspirer bien des grands groupes dans le monde.

Le géant du e-commerce déclare son intention d'investir 700 millions de dollars pour accompagner la transition de 100 000 de ses employés (soit un tiers de ses effectifs aux États-Unis) vers les métiers qui sont les plus demandés pour les 5 ans à venir. Mais, au-delà de ces chiffres, surtout destinés à redorer le blason de l'entreprise, ce qui retient l'attention dans sa démarche est sa prise de conscience de l'impératif de changement et son choix de s'appuyer sur ses femmes et ses hommes pour préparer l'avenir.

La réflexion d'Amazon émane d'abord d'une analyse de l'évolution de ses propres besoins. Le constat est clair : depuis 2015, elle observe une explosion des recrutements de spécialistes technologiques de haut niveau dans les domaines de la cartographie des données (multipliés par 9), de la « data science » (par 6), d'architecture de solutions (par 5), de sécurité (par 3)… Même dans ses entrepôts, certaines qualifications montent rapidement en puissance : coordination logistique, optimisation des processus…

Complété des statistiques de l'administration fédérale, cet état des lieux a servi de fondation à l'élaboration du programme de remise à niveau, par des collaborateurs, avec des collaborateurs, pour les collaborateurs. L'« Amazon Technical Academy », par exemple, propose à ceux qui n'ont aucune connaissance technique un cursus de formation à l'ingénierie logicielle, tandis que la « Machine Learning University » offre aux informaticiens une spécialisation délivrée par les « data scientists » maison.

Une employée dans un entrepôt Amazon

Derrière la manœuvre, il ne faut (évidemment) pas espérer trouver de l'angélisme de la part de l'entreprise. Celle-ci a simplement compris que, demain, son modèle opérationnel imposera une redistribution massive des fonctions… et il est plus facile de permettre aux employés existants d'acquérir les expertises nécessaires (en les motivant par une perspective de revalorisation, autant en interne qu'à l'extérieur) plutôt que d'aller les chercher sur un marché de l'emploi, déjà tendu, où elles sont rares et onéreuses.

En outre, Amazon s'inscrit plus largement dans une logique de flexibilité des compétences. La conviction de ses dirigeants est que l'avenir du travail se joue à la fois sur la capacité des organisations à intégrer les nouvelles technologies (qui pourraient surtout le détruire, notamment dans ses entrepôts) et sur la faculté des individus à s'adapter au dynamisme de la demande, qui ne fait que s'accélérer. Au bout du raisonnement, l'employé idéal devrait en permanence être prêt à changer de métier tandis que son employeur aurait la responsabilité de lui assurer la formation adéquate.

Sans peut-être tomber dans de telles extrémités, les grands groupes – du secteur financier et d'ailleurs – devraient se pencher sur l'approche d'Amazon et en prendre de la graine : étudier les grandes tendances de l'emploi en leur sein et sur leurs territoires, projeter leurs besoins à moyen terme, évaluer les opportunités de reconversion sur les métiers menacés (sans hypocrisie face à l'automatisation galopante)… Il s'agit autant d'une saine stratégie de développement que d'un service à rendre aux collaborateurs.