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C'est pas mon idée !

jeudi 28 février 2019

Des geeks et des téléphones pliables

Apple
Tandis que les ventes de smartphones s'essoufflent dans le monde, une poignée de constructeurs présentent, à l'occasion du congrès mondial du mobile (MWC), leur idée révolutionnaire pour relancer le marché : le téléphone pliable. Et Steve Wozniak de s'inquiéter qu'Apple, qu'il a co-fondée il y a plus de 40 ans, prenne du retard sur la tendance…

Si je m'arrête aujourd'hui sur une actualité en apparence éloignée des thèmes habituels de ces colonnes, c'est qu'elle me semble caractéristique d'une dérive des démarches d'innovation qui se retrouve fréquemment dans tous les secteurs… et, en particulier, dans les institutions financières. En effet, ce qui est à l'œuvre chez Samsung, Huawei et les autres est le syndrome de l'ingénieur ou la fascination pour la prouesse technologique avant la recherche de la satisfaction d'un besoin, explicite ou implicite.

Il n'est donc pas surprenant que Steve Wozniak regrette l'absence de la firme à la pomme dans cette course, lui qui fut toujours l'incorrigible « geek » de l'entreprise (comme le soulignait le film « Steve Jobs »). Cependant, ce qu'a justement prouvé Apple depuis des années est que la réussite d'une innovation – ou, plus précisément et plus objectivement, ce qui définit une innovation – n'est pas le seul fait de créer un produit qui n'existait pas auparavant mais surtout que celui-ci génère des usages et trouve une audience.

À ce stade, il est évidemment impossible de savoir si le grand public adoptera ces smartphones. On peut tout de même déjà s'inquiéter de l'approche retenue pour leur présentation. L'accent est en effet mis sur l'exploit industriel que représente leur écran pliable (qui reste à confirmer au-delà des prototypes) et, plus généralement, leur fiche technique. Une démonstration de Samsung vante la possibilité d'exploiter 3 applications simultanément… mais est-ce suffisant pour susciter l'intérêt d'acheteurs potentiels ?

Samsung Fold

Je ne suis pas à la place de Tim Cook et nul ne sait comment Steve Jobs aurait réagi à ces annonces, mais l'histoire d'Apple laisse aisément imaginer que sa vision du sujet serait (sera ?) totalement inversée. Si un iPhone pliable est révélé un jour lors d'une keynote, il faut s'attendre à un exposé destiné à convaincre tout un chacun de l'utilité et de la valeur de l'objet dans sa vie quotidienne… et non à provoquer l'admiration vis-à-vis de son écran. Autrement dit, la séduction des clients passera avant tout par l'expérience utilisateur promise et en aucun cas par le produit lui-même.

Naturellement, cette leçon est applicable dans tous les secteurs d'activité. Les exemples qui, peut-être avec une moindre portée médiatique, rappellent le cas du Samsung Fold sont courants : combien de fois arrive-t-il que les banques et les compagnies d'assurance lancent des solutions exploitant le dernier concept à la mode sans avoir préalablement imaginé et défini l'expérience qu'elles voulaient offrir à leurs clients ? Rien n'interdit (au contraire) de s'approprier les technologies les plus récentes mais il ne faut pas oublier cette étape essentielle de design avant toute mise sur le marché.

mercredi 27 février 2019

Rosbank teste l'analyse émotionnelle

Société Générale
Dans le monde moderne, les entreprises veulent, parfois à l'excès, mesurer la satisfaction de leurs clients lors de chaque interaction. Hélas, les questionnaires utilisés pour ce faire n'apportent qu'une vision partielle et rarement objective. La filiale russe de Société Générale expérimente donc une autre solution dans ses centres d'appel.

La technologie mise en œuvre, fournie par le spécialiste Neurodata Lab, écoute les conversations et en analyse divers paramètres – à la fois au niveau vocal (ton, volume, variations…) et du contenu (vocabulaire, pauses, durée…) – afin de calculer un index de satisfaction en temps réel. Il devient ainsi possible de connaître l'état d'esprit du client, non seulement à la fin mais tout au long de son échange (et donc d'en estimer l'évolution au fil des réponses qui lui sont données), sans avoir à l'interroger directement.

L'objectif n'est pas, officiellement en tous cas (et la tentation sera grande…), d'évaluer les téléconseillers mais plutôt de déterminer la qualité des processus en vigueur dans le centre d'appel. Armée de statistiques extensives sur le déroulement des entretiens, la banque pourra notamment déterminer les thématiques sur lesquelles les clients restent sur leur faim (et les scripts correspondants) ou encore les moments spécifiques où les éléments de discours restitués ne conviennent pas aux attentes.

En définitive, c'est d'un véritable outil de pilotage que cherche à s'équiper Rosbank. Il doit en effet lui permettre de valider en permanence l'efficacité des pratiques de son centre d'appel et, évidemment, d'améliorer constamment les déficiences qu'elle identifiera, au niveau le plus fin. La disponibilité systématique d'un instrument de mesure offre en outre un moyen particulièrement flexible de procéder à des optimisations par ajustements successifs, susceptibles de rendre la démarche plus rapide et plus fiable.

Neurodata Lab

La même approche vaudrait naturellement d'être adoptée dans bien d'autres domaines. Aussi la filiale de Société Générale envisage-t-elle déjà, si la technologie de Neurodata Lab fait ses preuves, de la déployer à d'autres fins. Une première piste envisagée serait d'utiliser sa déclinaison vidéo pour jauger, via leurs expressions faciales, les réactions des visiteurs vis-à-vis des innovations mises à leur disposition dans les agences. Là aussi, il s'agirait de confirmer l'impact réel sur la satisfaction effective du client.

L'analyse émotionnelle peut constituer un puissant auxiliaire de l'amélioration de la qualité de service et de nombreuses jeunes pousses (y compris françaises) explorent ses opportunités dans différents secteurs. Comme dans tous les domaines où l'intelligence artificielle (même embryonnaire) touche à l'humain, elle risque cependant de soulever de nombreuses questions éthiques (visiblement moins problématiques en Russie), qui devront impérativement être traitées avant d'aborder le moindre cas d'usage d'ampleur.

mardi 26 février 2019

Un service de paiement mobile pour le Japon

J-Coin Pay
Dans le pays – le Japon – qui faisait fantasmer les observateurs occidentaux il y a près de 15 ans avec le lancement, par ses opérateurs de télécommunication, des premières solutions de paiement par mobile (et leur succès), les banques se décident aujourd'hui à se positionner. Mais elles semblent surtout préoccupées par la menace chinoise…

Précisons d'emblée que, malgré la présence du terme « coin » dans son nom et la confusion qu'entretiennent quelques journalistes, il n'est pas question ici de créer une nouvelle monnaie ou devise (pas plus, d'ailleurs, que dans le cas du JPM Coin de JPMorgan, qui ne traduit évidemment pas le revirement dépeint par les médias de son directeur général Jamie Dimon, suite à ses déclarations tonitruantes sur le bitcoin). Ainsi, « J-Coin Pay » est une simple plate-forme de paiement (en yen) sur smartphone.

L'application mobile qui en constitue le cœur fonctionnera sur un principe classique de porte-monnaie virtuel prépayé, sur lequel l'utilisateur pourra verser et retirer (gratuitement) des fonds depuis et vers son compte de dépôt, détenu dans l'une quelconque des banques participantes. Au démarrage, vendredi prochain, seuls les clients de Mizuho Bank auront ce privilège, mais une soixantaine d'autres établissements rejoindront progressivement le dispositif à partir du courant du mois de mars.

Si le Japon avait été pionnier des paiements sans contact (de type NFC) avec son quasi-standard Osaifu-Keitai, au début des années 2000, « J-Coin Pay » fait en revanche le choix d'une technologie d'échange par QR-Code, moins sophistiquée mais plus populaire sur le continent asiatique. Avantage déterminant, celle-ci permettra un usage à la fois pour le règlement des achats en boutique – une poignée de grandes marques de la distribution étant déjà affiliées – et pour des transferts d'argent entre particuliers.

Application mobile J-Coin Pay

Au-delà de ces considérations, les banques japonaises ont aussi vraisemblablement considéré que le QR-Code offrait une opportunité d'interopérabilité internationale, importante pour l'avenir, comme le souligne l'accent porté à l'ouverture du système aux visiteurs étrangers, à travers, notamment, des partenariats avec les chinois UnionPay et AliPay. Une telle stratégie est à la fois un moyen de capter une clientèle familiarisée avec ces modes de paiement et une défense, au moins partielle, contre une possible tentative d'invasion par les géants technologiques de l'Empire du Milieu.

L'initiative est soutenue par le gouvernement, qui en fait un instrument de son ambition de réduire l'utilisation des espèces dans le pays (historiquement très importante, puisque l'objectif serait de passer sous la barre des 60% en 2025). Ce facteur joue évidemment dans la capacité des institutions financières à collaborer ensemble sur un projet commun d'une telle ampleur, un exploit plutôt rare. Cependant, rien ne permet de prédire la réaction des japonais face à cette nouvelle solution, dans un contexte à la fois proche et tellement lointain de son voisin chinois, où la même approche s'est imposée…

lundi 25 février 2019

Une carte pour des dépenses durables

Doconomy
Aujourd'hui, je suis particulièrement heureux de parler du prochain lancement – en Scandinavie, initialement – de la carte DO, conçue par la startup Doconomy en partenariat avec Mastercard, parce qu'elle représente la concrétisation d'une idée simple en faveur du développement durable que j'attendais depuis au moins 10 ans…

Bien sûr la sensibilité du grand public au changement climatique s'est fortement développée ces derniers temps, mais il reste encore beaucoup d'efforts à faire pour qu'elle se traduise en actes concrets. Et, après tout, nul n'est à blâmer, tant il s'avère difficile pour chacun de nous de savoir, par exemple, comment changer ses habitudes de consommation, en pratique, dans l'optique de réduire son impact environnemental personnel ou familial. L'ambition de Doconomy est de répondre à cette lacune.

En premier lieu, parce qu'il est indispensable de disposer d'une mesure objective de la situation avant d'envisager toute amélioration, la carte DO fournit à son porteur, par l'intermédiaire de l'application mobile qui lui est associée, une évaluation de l'équivalent en émissions de gaz à effet de serre de chacune de ses dépenses (sur la base d'une référence indépendante, l'index Åland, mise en place dans le cadre d'une initiative similaire que j'ai déjà eu l'occasion de relayer il y a quelques années).

À ces fondations, qui doivent permettre à l'utilisateur de prendre conscience de son empreinte environnementale et, idéalement, d'agir volontairement pour sa modération, Doconomy ajoute ensuite quelques outils complémentaires destinés à encourager les bonnes volontés. Il faut notamment citer le compte d'épargne climatique, alimenté, entre autres, par les programmes de remises (cash-back) des commerçants affiliés. Sa vocation est de compenser les émissions résiduelles ou d'investir dans des fonds verts.

Everyday Climate Action

En comparaison de la démarche évoquée précédemment d'Ålandsbanken (qui, incidemment, est le partenaire bancaire de Doconomy), la startup se distingue non seulement par sa portée plus large, d'abord à l'échelle nationale puis au-delà (peut-être), mais également par son approche inclusive. En effet, nul besoin de changer de banque pour commencer à surveiller et maîtriser son impact écologique, la carte DO se connecte à un compte existant, auquel elle ne fait qu'apporter ses services supplémentaires.

Face à l'urgence climatique, les institutions financières, avec les entreprises d'autres secteurs, ont été promptes à en faire leur cheval de bataille. Hélas, en dehors de campagnes de communication et de quelques actions symboliques, leur engagement tarde à se matérialiser. En particulier, alors qu'elles sont parfaitement positionnées pour aider leurs clients à faire de meilleurs choix pour la planète, au quotidien, elles ne paraissent guère pressées de s'aventurer sur ce terrain. Heureusement, comme sur tant d'autres sujets, de jeunes pousses innovantes viennent combler leurs carences.

dimanche 24 février 2019

Les clés de la banque de demain selon McKinsey

McKinsey Insights
Quand les analystes de McKinsey se penchent sur la transformation du secteur bancaire, ils identifient une poignée de facteurs critiques qui feront les leaders de demain (dont certains commencent à émerger dès maintenant) : évolution de la distribution, expérience client, optimisation de la productivité, dégroupage des offres et réintermédiation…

La première recommandation formulée répond directement à une observation faite sur le terrain, qui ne peut surprendre personne : le vieux modèle de développement de la banque, qui reposait sur une corrélation étroite entre la densité du réseau d'agences et le niveau des dépôts (le nerf de la guerre), a vécu. Les fermetures de points de vente s'accélèrent partout dans le monde tandis que les clients recourent aux plates-formes numériques pour réaliser une part de plus en plus importante de leurs opérations.

Face à ce constat, il est absolument crucial, pour continuer à capter les flux financiers, de renforcer les capacités « digitales » de la banque. Il s'agit non seulement de fournir les outils adaptés aux clients qui ont déjà changé de mode de relation mais également de convaincre tous les autres d'accepter la transition, en leur offrant des services parfaitement intégrés avec leurs démarches omni-canal et, en particulier, en facilitant le passage à l'acte (la souscription) après une recherche d'information.

En arrière-plan de ces considérations, l'expérience client affirme désormais son impact sur les résultats des banques : les meilleures élèves dans ce domaine génèrent un surcroît de satisfaction (+40% par rapport aux moins bonnes), entraînant à son tour une croissance supérieure des dépôts (+46%). Pour atteindre une telle performance, les applications web et mobiles de qualité ne suffisent pas. Ce sont les parcours utilisateurs dans leur ensemble qu'il faut soigner et personnaliser, à commencer par ceux qui comptent le plus (l'ouverture de compte…), qui devront d'abord être reconnus.


Sur un plan plus discutable, McKinsey estime qu'une nouvelle vague d'efforts de productivité accompagne la transformation, favorisant notamment les économies d'échelle dans les plus grandes institutions financières. Les technologies autorisant l'automatisation de processus encore largement manuels et la généralisation de la banque « digitale » sont en effet des facteurs d'amélioration de l'efficacité opérationnelle… mais elles sont probablement plus aisément à la portée de petites structures agiles.

Enfin, le dernier phénomène à prendre en compte est celui de l'éclatement des métiers de la finance (qui devrait particulièrement inquiéter les banques françaises). Grâce, entre autres, aux plates-formes numériques, les consommateurs peuvent facilement choisir des fournisseurs différents pour chacun de leurs besoins, en sélectionnant celui qui a la meilleure proposition de valeur. Cette tendance stimule naturellement l'apparition d'acteurs de niche, capables de développer des solutions mieux ciblées.

Pour maintenir leur relation de confiance avec leurs clients, les institutions peuvent capitaliser sur un accès privilégié aux données de transactions (sans nécessairement en être à l'origine, incidemment), qui représentent une richesse incomparable, et, par exemple, les exploiter afin de créer de nouveaux produits. En prolongeant la perspective, cette vision mène vers des intrusions dans de nouveaux marchés, non bancaires, portées par l'intégration invisible des services financiers dans des parcours de vie.

Si on écarte les réflexions sur la productivité, qui semblent décalées par rapport aux autres préoccupations, ce que souligne le rapport de McKinsey est, en synthèse, le changement de cible que doivent opérer les banques dans leurs stratégies pour rester pertinentes dans les années à venir : leur focalisation historique sur les produits devra impérativement laisser la place à un recentrage sur les clients et, plus spécifiquement, sur la manière dont ils veulent être accompagnés en matière de finances.

samedi 23 février 2019

Fifth Third se lance dans l'épargne intelligente

Dobot
Le concept d'épargne intelligente n'est certes pas nouveau et ce n'est même pas la première fois qu'une banque s'en empare (RBS, notamment, est déjà passée par là). Le lancement de Dobot par l'américaine Fifth Third n'en mérite pas moins de nous y attarder, en raison de son histoire et, surtout, de la stratégie originale qui l'anime.

Le principe de l'application est aussi simple que classique. Après avoir créé son profil, qui correspond également à la création d'un compte d'épargne, l'utilisateur définit les projets, petits et grands, pour lesquels il souhaite mettre de l'argent de côté, chacun d'eux étant caractérisé par son nom, une photo, un montant et une échéance. Il ne reste plus alors qu'à connecter un compte courant pour que les algorithmes déterminent à intervalle régulier les sommes optimales à prélever pour atteindre les buts fixés.

Comme toujours, des garde-fous sont mis en place pour rassurer les consommateurs. D'une part, il est toujours possible de désactiver les mouvements automatiques et de se contenter, dans ce cas, de bénéficier de conseils à appliquer manuellement. D'autre part, la banque garantit que les modèles d'analyse statistique qu'elle met en œuvre sont conçus pour ne jamais placer un compte en situation de découvert et que, si un tel incident se produisait malgré tout, elle rembourserait l'intégralité des frais encourus.

En alignement avec les exigences de notre ère mobile, les fonctions de Dobot sont accessibles exclusivement sur smartphone. L'envoi de notifications par SMS est toutefois intégré au dispositif, pour signaler les virements effectués automatiquement (à intervalles de quelques jours) ou pour offrir des recommandations personnalisées. L'objectif est de maintenir un engagement actif des clients, renforcé par la possibilité additionnelle de transmettre par le même canal des instructions simples (par exemple le choix du projet auquel affecter la somme économisée ou la consultation du solde disponible).

Accueil Dobot

Une première particularité de l'initiative tient à sa genèse. En effet, malgré son annonce récente, Dobot a, en réalité, vu le jour en mars 2016 au sein d'une startup de la FinTech. Cette dernière a été rachetée par Fifth Third au début de l'année dernière, probablement après que ses dirigeants aient pris conscience qu'il leur serait difficile de conquérir rapidement la confiance nécessaire pour espérer capter les économies de monsieur tout le monde (et prendre le contrôle sur son compte courant, de surcroît !).

L'acquisition de la jeune pousse par la banque a ensuite engendré une vision ouverte pour cette dernière, qui se matérialise par une mise à disposition de l'application auprès de tous les américains, quel que soit l'établissement détenteur de leur compte courant. Le modèle économique sous-jacent repose même, vraisemblablement, sur la capacité de l'outil à devenir un instrument particulièrement attractif d'acquisition de nouveaux clients, via l'ouverture de comptes d'épargne, générateurs de dépôts convoités.

Dans une certaine mesure, Fifth Third expérimente un changement d'orientation majeur dans le positionnement d'une institution financière, répondant aux évolutions profondes des attentes des citoyens. Il n'est ainsi plus question de la performance des produits ou des prix agressifs des services (les principaux arguments employés jusqu'à maintenant pour séduire les clients) mais de la qualité de l'accompagnement individuel dans la gestion des finances personnelles et la réalisation de grands objectifs de vie.

vendredi 22 février 2019

IA et emploi, les masques tombent

Citi
Bien que les dirigeants des grands groupes (financiers et autres) tentent désespérément de nous convaincre que l'intelligence artificielle ne menace pas les emplois, la pression sur les marges et la recherche de gains de productivité leur font envisager une réalité différente. À l'occasion d'une interview pour le Financial Times, Mike Corbat, directeur général de Citi, a ainsi commencé à dévoiler ses batteries…

La quatrième banque américaine souffre d'une rentabilité en retrait par rapport à celle de ses concurrentes directes et elle explore donc naturellement les moyens d'améliorer son efficacité opérationnelle. En l'occurrence, une cible privilégiée pour réduire ses coûts est identifiée au sein de ses centres d'appel, dans lesquels plusieurs dizaines de milliers d'emplois (sur un effectif global d'environ 209 000 personnes) pourraient être supprimés progressivement grâce à une démarche structurée d'automatisation.

Ce choix ne constitue pas une surprise puisque les téléconseillers œuvrent dans un cadre généralement contraint, sur des processus en majorité hautement standardisés. Mike Corbat indique ainsi qu'une trentaine de parcours client parmi les plus fréquemment sollicités sont considérés comme des candidats faciles au transfert vers des assistants virtuels, en raison de leur relative simplicité. Ce sont par exemple les demandes de renouvellement de cartes de crédit ou les questions sur les relevés de comptes.

Une dimension particulièrement intéressante du raisonnement de Citi est qu'elle n'est pas uniquement motivée par la maîtrise des coûts. En effet, grâce aux progrès des technologies, de l'informatique cognitive mais aussi de reconnaissance et de synthèse vocale (la démonstration de Google Duplex, incarnant avec réalisme un humain au téléphone, est dans tous les esprits), la banque espère également optimiser sensiblement l'expérience utilisateur, a minima en termes de réactivité, évidemment.

Interview de Mike Corbat, DG de Citi

Incidemment, ces considérations devraient logiquement conduire l'entreprise à s'interroger, simultanément, sur la qualité de ses services « digitaux ». Car, même si tous les clients ne sont vraisemblablement pas prêts à se détourner du téléphone pour résoudre leurs problèmes, l'accès facile, en toute autonomie, sur le web et sur mobile, aux processus courants devrait contribuer à une diminution sérieuse des recours aux téléconseillers pour les besoins basiques visés par ses désirs de rationalisation.

Dans une certaine mesure, il serait donc plus raisonnable d'imputer la perte massive d'emplois à venir non à l'émergence de l'intelligence artificielle elle-même mais à ce qu'elle révèle des inefficacités considérables régnant dans les institutions financières (Citi n'est pas seule concernée !) et qui sont l'héritage de modes opératoires historiques en souffrance de rénovation profonde. Selon cette logique, d'autres pans des organisations, au-delà des centres d'appel, seront rapidement touchés par le phénomène.

jeudi 21 février 2019

Nouvelles rumeurs sur la carte Apple Pay

Apple Pay
Il en était déjà question il y a quelques mois, et c'est encore le Wall Street Journal qui relance aujourd'hui les spéculations : Apple s'apprêterait donc à lancer avec Goldman Sachs une carte de crédit destinée à compléter son porte-monnaie mobile. Mais, cette fois, certains détails laissent entrevoir une nouvelle proposition de valeur.

En effet, jusqu'à maintenant, la perspective de l'émission par la marque à la pomme de ce qui, finalement, ne serait qu'une autre carte affinitaire n'avait aucune raison de déclencher les passions, au-delà, peut-être, de l'espoir pour les analystes financiers d'un rebond de l'entreprise sur un marché de substitution tandis que ses ventes de smartphones marquent le pas. En revanche, l'hypothèse selon laquelle des services complémentaires seraient ajoutés à l'application Apple Pay semble plus intéressante.

À ce stade, les informations fournies sont maigres (et sujettes à caution). Pourtant, derrière l'idée évoquée d'un outil de suivi de budget, assorti de possibilités de fixer des objectifs (ou des plafonds ?) de dépenses, il est tentant d'imaginer le développement d'une véritable plate-forme de gestion des finances personnelles, qui, à l'image des premiers pas d'Apple dans la santé, combinerait une approche rénovée du sujet (bientôt les cercles du bien-être financier ?) avec des solutions tierces soigneusement intégrées.

Carte de crédit Apple Pay

Ce ne serait, bien entendu, qu'à la condition que ces fonctions puissent s'appuyer sur une vue à 360° des comptes des utilisateurs (donc multi-établissements), et non sur les seules opérations réalisées avec la carte Apple Pay, que la démarche prendrait une dimension révolutionnaire. Pour commencer, cela représenterait pour les consommateurs un nouveau standard dans la surveillance courante de leur situation financière, mettant à mal un des principaux usages actuels des applications mobiles des banques.

Surtout, la mise en place d'un socle d'accès aux données accumulées sur l'iPhone (encore une fois, un peu comme ce qu'autorise le kit HealthKit pour la santé) pourrait stimuler, outre ce que le fabricant concevrait lui-même, une extraordinaire créativité en matière d'éducation financière, d'outils d'accompagnement à l'adoption de meilleurs comportements avec l'argent, d'assistance à l'épargne ou au remboursement de dettes… favorisant, à son tour, la démocratisation de ce genre de solutions.

Nous n'en sommes certes pas encore là mais une telle évolution n'a rien d'utopique. En fait, elle est beaucoup plus réaliste que l'éventualité de création d'une banque par Apple, avec laquelle aiment se faire peur les acteurs en place, et elle aurait un effet tout aussi conséquent sur leur relation avec leurs clients, en positionnant le porte-monnaie mobile comme le premier « interlocuteur » auquel, potentiellement, ils s'adresseraient non seulement pour consulter l'état de leurs comptes mais aussi pour obtenir des conseils…

mercredi 20 février 2019

Strands transforme le PFM en coach financier

Strands
Comme plusieurs autres acteurs de sa catégorie, et parce qu'une simple analyse des rentrées et dépenses passées n'est finalement jamais très utile, Strands complète la plate-forme de gestion de finances personnelles qu'elle commercialise auprès des banques avec une nouvelle brique de recommandations pro-actives personnalisées.

Plutôt que de laisser l'utilisateur se débattre avec ses comptes après lui avoir présenté sa position budgétaire sous une forme aussi esthétique qu'implacable, tout le monde sait dorénavant qu'il est préférable, pour l'efficacité et la performance de l'approche, de comprendre son comportement, à travers une analyse de ses opérations, de lui prodiguer des conseils pratiques afin de corriger ses défauts ou de l'aider à réaliser ses projets et de lui permettre de mettre en œuvre ces recommandations d'un geste.

Dans le cas de Strands, le concept se traduit par l'identification de plus de 200 situations spécifiques – difficultés ou opportunités – donnant lieu chacune à une ou plusieurs propositions d'actions, conçues pour développer une meilleure santé financière. Un exemple typique est la détection d'un prochain passage à découvert, qui pourra conduire à suggérer d'effectuer un virement depuis un autre compte ou de demander une ligne de crédit. Autre cas, une entreprise dont les résultats sont en forte croissance depuis 3 mois se verra orienter vers un produit d'épargne ou la création d'une nouvelle provision.

Strands Engager

Naturellement, le plus grand défi auquel feront face les banques qui souhaiteront adopter la solution Engager 2.0 est celui de l'intégration. En effet, une fois sélectionnées les préconisations qu'elles voudront associer aux différents événements détectés, elles devront faire en sorte qu'elles soient exécutables avec un minimum d'effort (idéalement un appui sur un bouton). Si l'utilisateur est renvoyé vers un processus complexe ou, pire, vers son conseiller habituel, il ne faudra pas s'étonner d'une déperdition massive.

La progression des outils de PFM vers l'accompagnement pro-actif du client est extrêmement prometteuse pour l'avenir d'un segment de marché qui tend aujourd'hui à piétiner, faute de valeur démontrée. Malheureusement, le déploiement de ces fonctions risque d'être sérieusement ralenti par les contraintes qu'il impose sur l'existant, car, dans une certaine mesure, on peut considérer que la mise en place d'API sur tous les composants du Système d'Information constitue un pré-requis incontournable.

Incidemment, il n'est probablement pas de hasard si la singapourienne DBS, une des banques pionnières dans ce type de recommandations actionnables (avec Moneythor), est également l'une des plus avancées en matière d'exposition de ses services.

L'occasion est excellente pour rappeler que la publication d'API ne se réduit pas à une exigence réglementaire. Ici, elle relève d'un enjeu beaucoup plus important de flexibilité : dans l'univers « digital » contemporain, les produits financiers s'insinuent dans les gestes du quotidien, dont le coach budgétaire est un des avatars, et cette vision ne sera possible qu'à la condition de pouvoir les insérer très simplement dans d'autres contextes.

mardi 19 février 2019

DeadHappy, l'assurance décès centrée client

DeadHappy
S'il est difficile de vendre une assurance à un être humain qui, par nature, n'est pas enclin à anticiper un accident futur, une couverture contre le décès ajoute à ce handicap la réalité d'un sujet auquel la plupart des gens préfèrent ne pas penser. Voilà une opportunité idéale pour un fournisseur de replacer le client au cœur de son modèle !

Telle est justement la stratégie qu'adopte la jeune pousse britannique DeadHappy. Elle intègre ainsi à sa promesse de valeur – avec une touche d'humour noir qui ne sera probablement pas sans déplaire à nos voisins d'outre-Manche – à la fois la simplicité de la souscription, en 4 questions (mais, pour l'instant en tous cas, réservée aux personnes en parfaite santé), un coût modéré et une flexibilité inédite, à travers une logique de « pay-as-you-go » autorisant les changements de conditions à tout moment.

Cependant, ce qui attire plus particulièrement mon attention dans la solution de DeadHappy est son approche par projet. En effet, plutôt que de focaliser la garantie proposée sur un classique versement d'indemnité forfaitaire, le visiteur se voit d'abord inciter à réfléchir à ce qu'il aimerait pouvoir accomplir après sa mort, jusqu'à, en pratique, faire de ce souhait le point d'entrée dans le processus d'adhésion.

Le site de la startup est même prêt à partager ses suggestions, qui peuvent aller des très classiques financement des études d'un enfant, remboursement d'un emprunt immobilier ou règlement des obsèques jusqu'à des idées plus originales, telles que d'offrir des vacances ou une virée de shopping à un proche (pour le consoler), voire résolument farfelues, comme l'érection d'une statue en bronze à l'effigie du défunt.

Accueil DeadHappy

Sans grande surprise, hélas, le projet considéré se transforme rapidement en choix d'une valeur sonnante et trébuchante accompagné de la désignation d'un bénéficiaire, même si, dans certains cas, DeadHappy apporte son aide pour cette conversion (j'ai ainsi appris qu'il fallait compter un minimum de 20 000 livres sterling pour une statue en bronze). Ce ne serait certes pas aisé à implémenter, mais on rêverait d'une assurance qui, allant jusqu'au bout du concept, s'engagerait à l'exécution effective des dernières volontés !

C'est là une limitation commune à bien des tentatives de réaligner les produits financiers sur des besoins réels, par exemple dans l'épargne par objectif ou l'investissement automatisé (les « robo-advisors »)… Trop souvent, le projet constitue un prétexte pour stimuler l'entrée en relation – en donnant de la sorte un sens nouveau à des outils conçus historiquement par et pour des professionnels – mais il se trouve abandonné en cours de route, laissant la place à des fiches d'information techniques et des performances annuelles qui découragent le consommateur de maintenir son engagement.

Or un enjeu majeur pour la plupart des acteurs de l'assurance et de la finance est de fidéliser leurs clients. Les placer au centre des attentions de l'entreprise, en imaginant leurs attentes, leurs objections, leurs réticences… et en leur proposant une perspective sur les produits qui soit ajustée à leurs préoccupations concrètes doit donc commencer dès le premier contact… et se prolonger pendant toute la durée de la relation.

lundi 18 février 2019

De l'assurance à l'expérience de location immobilière

Jetty
Initialement, la new-yorkaise Jetty visait à mettre à la disposition des locataires de maisons et d'appartements un produit d'assurance plus simple, plus transparent, plus complet. Avec son nouveau tour de financement, elle veut désormais proposer une solution globale, qui s'intègre dans l'expérience offerte par les bailleurs professionnels.

Au moment de choisir un logement et d'engager toutes les démarches qui vont aboutir à l'emménagement dans un nouveau nid, le consommateur moyen ne met généralement pas la priorité sur la souscription d'une assurance. Quand, de surcroît, les polices disponibles sont rédigées dans un jargon incompréhensible et quand les services en ligne (et, encore plus, mobiles) des compagnies se révèlent fréquemment déficients, tout est fait pour décourager ceux qui se préoccupent tout de même d'une protection.

Mais ce n'est là qu'une partie du cauchemar (universel) de la location immobilière. En effet, il faut parfois également passer par la recherche d'une caution solidaire, notamment pour les personnes qui ne peuvent justifier d'un emploi salarié suffisamment bien rémunéré. Et il reste enfin à ajouter le versement de l'incontournable dépôt de garantie, représentant en général une somme rondelette, que, à tout le moins, le locataire préférerait pouvoir consacrer à ses dépenses d'installation (ou à tout autre fin).

Accueil Jetty

Toutes ces tracasseries ressortent finalement d'une même préoccupation d'établissement d'une relation de confiance entre deux parties d'un contrat. Or Jetty estime pouvoir jouer un rôle d'intermédiaire à valeur ajoutée sur tous ces plans, en offrant, outre l'assurance locative, une caution institutionnelle pour le règlement des loyers et une alternative au dépôt de garantie, qui n'engage qu'une fraction du montant demandé par le bailleur. Idéalement, la startup résout de la sorte tous les problèmes d'un coup !

Naturellement, cette proposition de valeur cumulée rencontre un écho particulier auprès des propriétaires, qui vont trouver ainsi le moyen de protéger simultanément leur bien et leurs revenus tout en offrant à leurs locataires une solution beaucoup moins contraignante que ce qui leur est imposé habituellement. La dernière étape, qui constitue donc maintenant la nouvelle stratégie de Jetty, consiste à intégrer l'ensemble au cœur des offres des grandes plates-formes locatives américaines de manière à rendre l'assurance invisible dans le parcours client, pour le bénéfice de tous les acteurs.

dimanche 17 février 2019

Du chatbot recruteur au collaborateur robot

DBS Bank
Pour le meilleur et pour le pire, l'intelligence artificielle s'infiltre petit à petit dans tous les processus des entreprises. La récente attribution par l'EFMA d'un prix de l'innovation à DBS pour son robot d'assistance au recrutement nous procure une excellente opportunité de questionner les limites de l'automatisation dans un domaine hautement sensible.

JIM (« Jobs Intelligence Maestro ») a vu le jour pour accompagner la croissance rapide de l'activité de gestion de patrimoine à laquelle fait face la banque singapourienne et qui lui impose un rythme soutenu d'intégration de nouveaux conseillers. Il est donc conçu dans le but de soulager les personnels en charge de la sélection des candidats des tâches répétitives et à faible valeur ajoutée (ou, du moins, considérées comme telles) : filtrage des profils, réponses aux questions simples, tests psychométriques…

En pratique, JIM prend la forme d'un chatbot qui guide l'utilisateur dans les premières étapes du dépôt de son dossier. Au travers d'une sorte de conversation interactive, menée par écrit, en ligne, il commence par présenter les postes à pourvoir, puis collecte les informations utiles sur son interlocuteur – identité, formation, parcours professionnel… –, l'interroge sur ses motivations (y compris par le biais de questions ouvertes) et le soumet aux tests usuels, de personnalité et autres. Les données sont ensuite analysées afin d'établir la recommandation qui détermine la suite de son parcours.

Naturellement, l'approche présente des avantages évidents, autant pour les équipes de la banque que pour les candidats à l'embauche. Les premiers, dont 40 heures par mois sont désormais libérées grâce à la contribution de JIM, ont ainsi plus de temps à consacrer aux entretiens en tête-à-tête qui complètent le processus de recrutement. Les seconds, quant à eux, bénéficient de plus de flexibilité dans leurs démarches, qu'ils peuvent initier au moment de leur choix, et d'une certaine garantie de réactivité.

Prix de l'innovation EFMA pour DBS

Pourtant, il est difficile de ne pas s'inquiéter de possibles excès de l'automatisation dans la sélection des CV, sans même s'engager dans des considérations morales et/ou sociales (qui seraient également légitimes). En effet, il faut se souvenir que ce qu'on nomme intelligence artificielle aujourd'hui est un ensemble d'outils auto-apprenants dont l'unique but est, en synthèse, d'identifier des motifs répétitifs dans des jeux de données historiques et d'en répliquer les conclusions sur de nouvelles sources.

Décliné dans le contexte des ressources humaines, ce principe implique que le rôle délégué aux algorithmes consiste à comprendre les qualités valorisées parmi les spécialistes de la gestion de patrimoine et à détecter les dossiers présentant des caractéristiques similaires. Mais quel sera le résultat d'une telle mécanique ? Probablement une inéluctable uniformisation des profils retenus, qui aboutira tout aussi inévitablement à envisager une automatisation du métier de conseiller lui-même…

Les grands groupes ont déjà une fâcheuse tendance à favoriser, par leurs processus hyper structurés, la conformité des recrutements à un modèle standard, ce qui nuit dramatiquement à leur capacité d'adaptation dans un monde qui change. Or, l'intelligence artificielle, si elle n'est pas appliquée avec suffisamment de discernement (mais est-ce seulement possible ?), risque de renforcer ce biais. Que deviendra alors l'entreprise dont les algorithmes finiront par ne recruter que des clones (humains ou non) ?

samedi 16 février 2019

Les clients digitaux de BBVA sont plus fidèles

BBVA
Pour la plupart des banques traditionnelles, leur réseau d'agences représente le meilleur facteur de création de liens avec leurs clients et les services en ligne ne sont perçus que comme une commodité additionnelle. Avec l'avance qu'elle possède dans sa « digitalisation », BBVA montre que ces convictions méritent d'être questionnées.

Depuis plusieurs années, le groupe espagnol fait de ses applications web et mobiles une composante à part entière de sa relation client, sans hiérarchie par rapport aux autres, notamment le conseiller humain. Son objectif est de laisser à ses utilisateurs le libre choix de leur média préféré pour gérer leur argent, en leur offrant toujours le même niveau de qualité. C'est ce qui permet à son président d'annoncer que, à la fin de 2018, plus de la moitié de sa clientèle mondiale était désormais « digitale ».

La première conclusion à tirer de ce résultat est que, quand elle en a la possibilité, sans aucun frein, une bonne partie de la population adopte spontanément les outils à distance, autant pour les petites transactions du quotidien que pour souscrire des produits financiers plus ou moins sophistiqués (41% des ventes de BBVA en 2018 ont été conclues en ligne). La forte attente que met en lumière ce constat devrait déjà inciter à considérer la plate-forme « digitale » comme la seule priorité stratégique.

À ces arguments, le retour d'expérience de la banque ajoute donc maintenant une importante observation supplémentaire : les personnes adeptes de la relation à distance expriment une satisfaction supérieure à la moyenne et ils sont presque deux fois moins nombreux à changer d'établissement, en comparaison de ceux qui n'interagissent que par les moyens traditionnels. Depuis quand un programme de modernisation des agences (aux coûts pharaoniques) n'a-t-il pas visé des bénéfices aussi ambitieux ?

La digitalisation crée la satisfication

Ce phénomène révèle les effets d'un profond changement dans les comportements des individus. Quand beaucoup d'entreprises continuent à concevoir leurs « canaux » électroniques comme des compléments à leurs modèles historiques, leurs clients ont, eux, basculé dans un monde dans lequel tous les services sont disponibles indifféremment dans un point de vente ou au bout des doigts, leur sélection s'effectuant en fonction de leurs habitudes et préférences, du contexte, de leur besoin…

Pour compliquer encore la démarche de « digitalisation », BBVA rappelle que la transition n'est pas instantanée ni automatique. Ce n'est qu'en gagnant progressivement la confiance des utilisateurs, par une démonstration permanente de la valeur et de l'efficacité générées, que la banque réussit à les convaincre de passer de la recherche d'information à l'exécution d'opérations simples puis à l'achat de produits. Les institutions qui négligent d'accompagner leurs clients dans cet apprentissage risquent de rater le coche.

Car c'est par son anticipation des exigences des consommateurs et des entreprises que BBVA prend aujourd'hui un avantage concurrentiel déterminant. Sa stratégie « digitale » (et il faut ici insister sur cette notion de stratégie, tant maltraitée dans les grands groupes) – atteignant la maturité en même temps que la population à qui elle s'adresse – devient de la sorte le principal moteur de satisfaction de la clientèle et la clé de son avenir.

vendredi 15 février 2019

La banque en ligne qui prend visage humain

UBank
L'australienne UBank possède déjà une certaine expérience des chatbots, à la fois pour répondre aux questions de ses clients et pour accompagner ses conseillers, sur les thématiques relatives au crédit immobilier. Mais elle désirait aussi donner un visage humain à son modèle 100% en ligne, aussi s'apprête-t-elle à déployer Mia.

Mais qui est donc Mia ? De son nom complet « My Interactive Agent », il s'agit d'une assistante virtuelle, à l'apparence et au comportement artificiels mais relativement réalistes, avec laquelle les visiteurs et les clients de la banque pourront dialoguer, par la voix et en langage naturel, depuis leur micro-ordinateur ou leur smartphone. Ses concepteurs nous promettent que, dès sa mise en ligne, à la fin du mois, elle sera à même de répondre à toutes les questions les plus courantes sur les prêts à l'habitat.

Mia sait être modeste. Ainsi, elle n'a pas l'ambition, à ce jour, de devenir conseillère financière. Sa seule mission, et c'est certainement celle pour laquelle elle a les meilleures aptitudes, consiste uniquement à être disponible à tout instant pour fournir l'information qui manque, qu'on ne trouve pas sur le site, qui ne mérite pas de contacter le centre d'appel et qu'on ne veut pas attendre plusieurs heures après l'envoi d'un courriel. L'incarnation de l'établissement est donc une réductrice de petits tracas…

Quand on sait qu'une des premières raisons pour lesquelles les consommateurs persistent à plébisciter les agences dans leur relation avec leur banque est de pouvoir s'y rendre quand ils ont des difficultés à résoudre, ce positionnement de Mia prend un relief particulier. Il lui restera cependant à démontrer que l'intelligence artificielle dont elle est équipée parviendra à assumer pleinement ce rôle, éminemment sensible.

Mia – UBank

Un autre axe important que la filiale de NAB explore avec son assistante, toujours dans la perspective de rendre plus humaine son approche des contacts avec ses clients, consiste à la doter d'une personnalité. Il ne s'agit, dans un premier temps, que de compléter ses compétences professionnelles avec quelques traits de caractère spécifiques, par exemple un peu d'humour et des expressions faciales décalées, mais l'enjeu au long cours est d'établir une connexion émotionnelle dans un moment clé pour l'emprunteur.

Une dizaine d'années après une première vague sans lendemain, il semblerait qu'une deuxième génération d'avatars s'apprête désormais à envahir les services en ligne. Alors que les versions d'antan tenaient du gadget, rapidement débordées par les questions qui leur étaient posées, la maturité croissante des technologies, notamment en matière de reconnaissance vocale et d'interprétation du langage, permet en effet de commencer à en envisager des applications stratégiques.

En prolongeant cette première réalisation, peut-on imaginer que la banque nous offre bientôt un interlocuteur virtuel plus efficace, plus performant et plus agréable de conversation que le conseiller humain qu'elle nous propose aujourd'hui ?

jeudi 14 février 2019

Peut-on transformer la banque avec IBM ?

IBM
Depuis le début de l'année 2019, 3 des plus importantes banques européennes ont annoncé la signature avec IBM de partenariats pluri-annuels, pour des montants se comptant en centaines de millions d'euros. À chaque fois, la transformation « digitale » est invoquée pour justifier ces accords. Mais ne serait-ce pas plutôt une fuite en avant ?

La série a commencé, doucement, avec Nordea et son contrat d'externalisation des opérations de ses grands systèmes (« mainframes »). BNP Paribas a ensuite enchaîné sur un déploiement de solutions cloud. Enfin, plus récemment, Santander s'engage, quant à elle, dans une vaste collaboration technologique. Dans tous les cas, ce sont donc d'excellents clients historiques d'IBM qui prolongent leurs relations de la sorte, aidant au passage l'entreprise à redresser ses comptes, moroses ces derniers temps.

Il n'est pas question ici de dénigrer la qualité intrinsèque des solutions retenues mais un premier point d'interrogation s'impose face aux affirmations de leur valeur pour accompagner la transformation des institutions financières. En particulier, il semblerait terriblement naïf d'imaginer que le recours au cloud ou l'accès aux technologies big data et Watson (qui mue discrètement d'informatique cognitive en intelligence artificielle), en tant que tels, sont des préalables pour mener à bien les changements nécessaires.

Faut-il encore rappeler que ce ne sont pas les outils qui définiront la banque de demain ? Que les utilisateurs (de toujours) de ses produits fassent appel à IBM pour les aider à améliorer l'efficacité de la gestion de leurs systèmes en place est légitime. En revanche, il est dangereux de mêler dans le même package ce qui concerne l'existant et ce qui relève de l'innovation : la combinaison des deux profite évidemment aux résultats de l'éditeur, mais elle deviendra une contrainte pour les futurs nouveaux projets.

IBM Cloud

Il faudrait, en outre, et surtout, se pencher attentivement sur la possible exigence de rupture qui devrait accompagner la réinvention de la banque. En effet, pour prendre le problème à rebours, peut-on envisager une modernisation de fond en comble – qui implique les processus, l'organisation, les collaborateurs, les systèmes informatiques… – en conservant intacte, d'une certaine manière, la « culture IBM » interne (qui, dans les 3 banques citées, est particulièrement enracinée) ? Cette dernière ne risque-t-elle pas alors de devenir un phare ralliant tout ce (et tous ceux) qui rejette(nt) le changement ?

En conclusion, les initiatives de Nordea, BNP Paribas et Santander ne préjugent pas nécessairement d'une transformation « digitale » mal engagée mais, à tous le moins, elles envoient des messages extraordinairement contradictoires, en mixant sans retenue une logique de continuité, rassurante, avec des prétentions de changement profond. Eu égard au conservatisme traditionnel du secteur financier, avouons qu'un soupçon d'insincérité pèse automatiquement sur la deuxième partie de leurs affirmations…

mercredi 13 février 2019

Un laboratoire de psychologie dans une banque

Sberbank
Si, au fil du temps, les institutions financières nous ont habitués à la création de « labs » d'innovation, ceux-ci étaient en général consacrés à des projets technologiques. Face à l'évolution des attentes de la population vis-à-vis de ses métiers, la russe Sberbank ouvre maintenant un lieu dédié aux neurosciences et au comportement humain.

Naturellement, la banque semble se passionner pour la création de laboratoires de recherche et d'expérimentation. Elle a déjà à son actif des installations œuvrant sur, entre autres, l'intelligence artificielle, la réalité augmentée et virtuelle, la robotique… Dans tous les cas, son objectif est, sans relâche, d'explorer avec chaque nouvelle discipline les opportunités qui seront susceptibles de façonner ses activités de demain. Le dernier né ne dérogera pas à cette mission… mais sous un angle plus original.

Basé à Saint Petersbourg et Moscou, le nouveau laboratoire a en effet vocation à compléter les approches technologiques usuelles avec un volet humain. Sous la direction d'un scientifique reconnu, Andrey Kurpatov, disposant aussi d'une expérience de l'entreprise, les travaux porteront notamment sur la neurophysiologie, la psychologie sociale, les sciences cognitives… avec, toujours, en perspective, l'application concrète des résultats obtenus dans les différentes branches de l'organisation.

La motivation de cette initiative est limpide. Elle part du constat préliminaire que la mutation « digitale » du monde est la combinaison de l'apparition de nouveaux outils informatiques, parmi lesquels les « big data » et l'intelligence artificielle figurent au premier plan, et de changements profonds des attitudes des individus, les deux phénomènes s'entretenant mutuellement. Il ne fait donc pas de sens de chercher à innover sans prendre soin, au préalable, de comprendre comment raisonnent les clients aujourd'hui.

Alors, il s'agit d'appréhender les mécanismes psychologiques qui entrent en jeu dans le rapport à l'argent, puis, dans un second temps, aux produits et services fournis par la banque, de manière à garantir que ces derniers continuent à répondre à des besoins réels. C'est le chantier qu'engage le « lab » de Sberbank et qui doit aboutir, en pratique, à offrir des recommandations opérationnelles quant à la relation à établir avec les clients, que ce soit à l'occasion d'un entretien avec un conseiller ou dans une app mobile.

Les institutions financières qui se vantent d'être à la fois humaines et « digitales » ont certainement raison d'afficher un tel slogan, tant il est impossible d'écarter le facteur humain dans les questions d'argent. Mais cet aspect devrait en priorité se refléter dans la recherche inlassable d'une meilleure connaissance des clients, de leurs peurs, de leurs envies… Ne serait-il pas temps de se pencher attentivement sur les sciences comportementales pour ce faire ? En évitant toute dérive, bien entendu…

Psychologie

mardi 12 février 2019

La France à la traine de l'expérience client

Forrester
Ma position d'observateur un peu isolé des tendances du secteur financier me fait parfois douter de mes conclusions, surtout quand les principaux intéressés se récrient avec virulence. Heureusement, il arrive de temps à autre une confirmation extérieure, comme celle qu'apporte aujourd'hui le cabinet Forrester sur le thème de l'expérience client.

C'est à l'occasion d'un événement parisien dédié à ce sujet que les analystes de la firme ont présenté leur état des lieux et échangé avec quelques 150 représentants de groupes de l'hexagone. D'emblée, le ton est donné : la mesure d'index CX – un indicateur propriétaire – en France révèle que seuls 3% de nos concitoyens estiment avoir une bonne expérience avec une marque, 56% la considèrent passable… et les autres (42%) la jugent exécrable. Ces scores nous placent parmi les plus mauvais élèves.

Pour David Truog, VP Forrester, qui expose ces résultats, les explications à cette situation sont multiples. Elles peuvent s'étendre d'une culture de l'attention au client déficiente, notamment en comparaison du Royaume-Uni ou des États-Unis, jusqu'à la perception que l'enjeu se résume à définir une interface et un parcours utilisateur optimaux, sans se rendre compte qu'il implique une transformation beaucoup plus vaste, en passant par une certaine indifférence des départements marketing.

Tout cela est certainement vrai, mais je soupçonne que, plus profondément, il faudrait d'abord invoquer ce qu'on pourrait appeler le syndrome de l'ingénieur, tellement caractéristique de la France (et qui n'affecte pas que les ingénieurs, hélas !). En effet, il subsiste encore largement, dans toutes nos organisations, petites et grandes, cette idée que le produit est tout ce qui compte et que, s'il est bon, il se vendra tout seul. Et les approches de design thinking qui viennent ensuite ne sont que vernis cosmétique…

Le même défaut se traduit également dans la conviction répandue que tout problème peut trouver sa solution dans la technologie. Le compte-rendu de Forrester nous en donne d'ailleurs deux exemples presque caricaturaux (bien qu'anecdotiques), quand le CDO de BNP Paribas Personal Finance souligne l'importance des interfaces mobiles et conversationnelles ou quand celui de BPCE insiste, pour sa part, sur l'exigence préalable de disposer de données de qualité pour profiter du potentiel de l'intelligence artificielle.

Or, les dangers de ce dédain inné pour les attentes des utilisateurs commencent à apparaître au grand jour. On pourrait évoquer l'incompréhension généralisée vis-à-vis du développement des géants technologiques américains. Attardons-nous plutôt sur les startups de la FinTech – N26 ou Revolut, Shine ou Quonto, Alan ou Wemind… – dont la concurrence est balayée d'un revers de main, en dépit de l'incontestable supériorité de leur expérience client : « leurs catalogues sont bien plus réduits que les nôtres » !

Il ne sera certes pas facile de changer les habitudes de nos compatriotes, mais il faudra bien s'y atteler car aujourd'hui moins que jamais le produit ne définit le succès. Deux transformations complémentaires seront nécessaires pour progresser. Il y aura, d'une part, la « centricité » client réelle, qui doit conduire l'entreprise à concevoir des solutions répondant à des problèmes rencontrés effectivement sur le terrain. Oublions enfin les « machins » extraordinaires dont nul ne sait à qui ou quoi ils servent.

D'autre part, il devient urgent de prendre conscience de l'ampleur de la révolution interne qu'implique l'obsession de l'expérience client. Il ne peut seulement être question du design des applications mobiles ou de l'aménagement des agences. Toutes les composantes de l'organisation y contribuent : ses processus, ses opérations, ses fonctions support, ses systèmes informatiques, ses partenaires… et, surtout, ses femmes et ses hommes (et pas uniquement celles et ceux qui sont « au front »).

En synthèse, le constat est toujours identique. Bien que la mutation dite « digitale » en cours émane directement de l'innovation technologique, elle affecte nos vies tout entières. Les entreprises qui tentent d'adapter leurs offres doivent donc nécessairement comprendre que leur riposte ne peut se résumer à quelques outils et que, pour faire face à des comportements nouveaux (qui pariait il y a 10 ans sur une demande de paiement instantané ?), elles sont contraintes de remanier leur existant de fond en comble.

Labyrinthe

lundi 11 février 2019

AXA s'infiltre dans WeChat

AXA
En proposant aux voyageurs chinois une solution complète d'assurance et d'assistance au cœur de WeChat, une de leurs plate-formes mobiles préférées de communication, d'information, de divertissement et de commerce, AXA veut d'abord être présente là où les consommateurs passent le plus clair de leur temps. Mais pas seulement…

Sous la forme d'une mini-application déployée dans l'espace spécialisé WeChat Go, consacré au tourisme à l'étranger, le service AXA Go permet aux utilisateurs de souscrire une garantie d'un geste, puis d'avoir en permanence, à portée de clic, tout ce dont ils peuvent avoir besoin pour solliciter un rapatriement, signaler une hospitalisation, demander une indemnisation pour un retard ou la perte de leurs bagages…, ainsi que pour obtenir des informations sur leur destination (climat, conditions sanitaires…).

Bien que WeChat soit fondamentalement un outil de tchat, il faut souligner que les applications hébergées sur la plate-forme ne sont généralement pas conçues dans un format conversationnel et rien ne laisse supposer qu'il en soit autrement pour celle d'AXA. En revanche, les concepteurs sont fortement incités à adopter un design ne présentant qu'un seul choix par écran, ce qui est, finalement, la tendance la plus importante du moment, en attendant une vraie intelligence de dialogue.

À l'inverse, une orientation dans laquelle s'engage la compagnie sans réserve est l'immersion de ses produits au cœur d'une expérience étendue. En l'occurrence, WeChat Go est le socle qui assemble et consolide un ensemble de services destinés à accompagner le voyageur tout au long de son périple. Parmi ceux-ci, AXA Go se positionne comme une sorte d'ange gardien, disponible instantanément en cas de besoin, mais qui reste discrètement à l'arrière-plan dans des circonstances normales.

Lancement AXA Go

Cette approche est certainement une esquisse de ce que réserve l'avenir aux institutions financières du monde entier, dont les solutions ont inexorablement vocation à être enfouies dans des parcours plus vastes. L'exemple chinois est un précurseur en la matière – et il est, pour l'instant, difficile à répliquer ailleurs – pour une raison simple : c'est le seul marché où une « méta-application » s'impose comme un support universel de l'expérience utilisateur, dans toutes sortes de domaines de la vie quotidienne.

Si Facebook a pu, un temps, être perçu comme un équivalent potentiel, cette opportunité semble maintenant définitivement manquée. En conséquence, le modèle d'intégration des services sera probablement très différent dans les pays occidentaux, impliquant des partenariats avec de multiples acteurs ou, peut-être, l'émergence de plates-formes thématiques dédiées. Pour les institutions financières, l'impact sera toutefois le même qu'en Chine, à terme : la relation avec le client passera souvent par un tiers.

dimanche 10 février 2019

GFiN, innovation et réglementation sans frontière

FCA
Si une harmonisation des réglementations à l'échelle mondiale n'est évidemment pas d'actualité, la disparition des frontières dans l'innovation du secteur financier – au sein des institutions historiques comme chez les nouveaux entrants – a inspiré à la FCA britannique la création d'un réseau international destiné à coordonner les initiatives.

Modeste pour son lancement, la mission confiée au GFiN (« Global Financial Innovation Network ») consiste à renforcer la coopération entre les organismes participants, afin, notamment, de faciliter les partages d'expérience et stimuler l'innovation à travers différents marchés. Pour son démarrage, le groupe accueille 29 membres, représentant, outre le Royaume-Uni, Hong Kong, Singapour, l'Australie, 4 provinces canadiennes, les États-Unis, quelques pays africains et moyen-orientaux, la Hongrie, la Lithuanie…

Une première action pilote est d'ores et déjà engagée, de manière à valider l'efficacité potentielle de la démarche. Suivant la logique de bac à sable qu'affectionne la FCA, il s'agit d'un appel à candidature adressé aux entreprises désireuses d'expérimenter une idée simultanément dans plusieurs juridictions. La promesse faite aux candidates n'est pas qu'elles échapperont à l'exigence de se conformer aux règles de chaque pays qu'elles visent – en fait, elles doivent déposer un dossier dans chacun d'eux – mais, a minima, elles auront à leur disposition des interlocuteurs qui communiquent entre eux.

Global Financial Innovation Network

Avant même toute velléité d'accélération de l'innovation, le principal objectif recherché par les régulateurs qui rejoignent le GFiN est de développer leur capacité à accompagner les défis auxquels ils sont confrontés dans un monde en pleine transformation. Pour ce faire, les collaborations rapprochées autour de projets disruptifs – menés sous contrôle – apparaissent comme un outil à privilégier, entre mutualisation des ressources et des efforts et possible répartition des responsabilités par domaines d'expertise.

Quoique moins palpables, surtout au début, les avantages du programme de bac à sable pour ses bénéficiaires devraient s'affirmer au fil du temps, en particulier pour tous ceux qui testent des concepts spécifiquement transfrontaliers. En effet, les échanges entre les autorités devraient favoriser des prises de décision plus rapides, assises sur une vision élargie des enjeux en présence, et, à plus long terme, promouvoir une convergence éminemment souhaitable entre les approches en vigueur dans chaque région.

Comme d'autres secteurs d'innovation, la FinTech tend de plus en plus à transcender les frontières nationales, ne serait-ce que pour développer des modèles économiques viables. En revanche, elle est particulièrement contrainte par des exigences légales hétérogènes et souvent complexes à appréhender. En conséquence, les régulateurs qui veulent encourager l'innovation n'ont d'autre choix que de travailler ensemble, même en conservant leur autonomie propre, pour résorber cet antagonisme latent.

Information repérée grâce à Fabien Risterucci (merci !)

samedi 9 février 2019

Arkéa propose un chatbot aux commerçants

Arkéa
Comme la plupart de ses consœurs, Arkéa s'intéresse aux usages des chatbots. Mais elle ne limite pas ses explorations à des applications bancaires. Au contraire, elle profite de sa montée en compétences pour évaluer les opportunités d'apporter à ses clients professionnels des services complémentaires, par exemple dans le m-commerce.

Ainsi, c'est une expérimentation d'achat de billets de cinéma, concoctée avec l'exploitant de salles CinéAlpes, qu'Arkéa présentait  [PDF] cette semaine. Accessible sur tous les téléphones équipés de l'outil Google Assistant, elle permet à l'utilisateur de consulter la programmation et de réserver sa séance à travers une interface conversationnelle, par la voix ou par des messages textuels. Banque oblige, un soin particulier a été apporté à la fonction de paiement, intégrée de manière totalement transparente et sécurisée.

Le chatbot se revendique de deuxième génération, en ce sens qu'il ne se contente pas de guider le mobinaute, pas à pas, dans un parcours d'achat structuré et relativement figé, enchaînant les questions et interprétant les réponses jusqu'à la finalisation de la commande. Il est également capable de laisser le client entièrement libre de son utilisation, autorisant les retours en arrière, les changements d'avis, l'abandon d'une réservation… à tout moment et sans heurts dans l'expérience globale.

Chatbot Arkéa

Au-delà de ce premier déploiement pour une salle de cinéma, Arkéa affirme que, grâce à son recours à des technologies d'intelligence artificielle, sa solution est conçue pour s'adapter à différents secteurs d'activité et ajuster ses caractéristiques à leurs particularités respectives. Si le test actuel est concluant, la banque semble donc envisager de commercialiser sa technologie auprès de tous ses clients – voire, peut-être, les non clients – en quête d'une plate-forme innovante de vente à distance.

Là réside bien l'originalité de l'initiative. Les quelques acteurs, startups et grands groupes confondus, qui s'aventurent aujourd'hui à accompagner les professionnels dans leurs velléités de développement de capacités de tchat-commerce, se contentent de leur proposer une brique de paiement ou bien, quand le contexte local s'y prête, tentent de créer leur propre place de marché. Entre ces deux extrêmes, Arkéa choisit un positionnement de fournisseur à la fois financier et technologique, probablement plus pertinent pour les PME qui ne disposent pas des ressources pour se lancer seules.

Elle combine de la sorte deux orientations majeures qui façonneront la banque de demain. D'une part, son chatbot constitue un des instruments de l'expérience de consommation simple, intuitive et transparente – avec, notamment, son paiement quasi invisible – qui s'impose progressivement. Il s'agit, en outre, de rechercher des domaines adjacents à son métier d'origine, sur lesquels l'institution financière peut justifier de sa valeur ajoutée et, potentiellement, développer ses futurs modèles économiques.

vendredi 8 février 2019

Youse, l'ange gardien du locataire sans garant

Youse
Je n'ai pas encore eu l'occasion de parler de cette startup atypique, émanation du groupe CNP Assurances, qui offre aux locataires et aux propriétaires de logements une alternative élégante aux demandes de garanties. Aussi l'annonce du partenariat de Youse avec la plate-forme SeLoger me donne-t-elle aujourd'hui l'occasion de corriger cet oubli…

Exemple (rare) de démarche d'intrapreneuriat réussie, Youse se présente essentiellement comme le garant que les agences immobilières ou les propriétaires réclament quand ils jugent la situation de leur locataire trop précaire, soit que ses revenus semblent trop justes, soit qu'il ou elle exerce une activité instable (non salariée, notamment), soit qu'il s'agisse d'une exigence systématique du bailleur. La solution s'adresse donc d'abord à tous ceux qui ne savent vers qui se tourner pour assumer une telle responsabilité.

Pour accomplir sa mission, la filiale de CNP adopte une approche aussi inclusive que possible, optimisée par un recours poussé aux technologies. Ainsi, faisant fi du statut professionnel et des bulletins de salaire rituels, les demandes de caution sont principalement accordées en fonction du comportement financier du locataire, évalué par une analyse de ses 3 derniers relevés de comptes (qui mériterait d'être encore simplifiée grâce à un accès direct aux plates-formes bancaires, via un agrégateur).

Cependant, en réalité, Youse n'est pas seulement un garant. En effet, la jeune pousse joue également un rôle d'intermédiaire de confiance pendant toute la durée de la relation entre le locataire et le propriétaire. Elle met à leur disposition un processus dématérialisé de signature du bail et, surtout, elle prend en charge les flux financiers, prélevant les loyers (et sa commission, de 3,8%) d'un côté et les reversant de l'autre, en introduisant entre les deux l'équivalent d'une assurance contre les impayés, active jusqu'à 24 mois.

Partenariat entre Youse et SeLoger

L'ensemble de la prestation, et plus particulièrement la médiation des paiements, qui constitue un facteur de sécurisation considérable (surtout avec l'appui de CNP), rend naturellement la solution plus attractive pour les propriétaires que les traditionnels mécanismes de garant et la complexité de leur déclenchement en cas de besoin. Cette valeur ajoutée – gratuite pour eux, en outre – est essentielle pour les convaincre de recourir à un nouveau système… et préférer les locataires cautionnés par Youse.

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant qu'une place de marché immobilière telle que SeLoger l'ajoute à son offre. Le service sera proposé aux bailleurs qui y mettent leurs biens en location. Ils pourront de la sorte accéder plus simplement aux candidats préalablement validés et bénéficier instantanément de tous les avantages associés. La seule inconnue qui subsiste est le degré d'intégration : idéalement, la prise de garantie devrait devenir (presque) totalement transparente dans le parcours client.

En synthèse, c'est à un renversement radical de modèle que procède Youse, cachant derrière une réponse complète à l'épineux problème de la caution locative une véritable garantie contre les loyers impayés, invisible et indolore aussi bien à la souscription (d'autant plus qu'elle n'est pas facturée au propriétaire) qu'en cas d'activation. Voilà une intéressante manière de faire de l'assurance un service désirable, en l'inscrivant dans une expérience utilisateur étendue, avec une promesse de valeur à plusieurs étages…