Free cookie consent management tool by TermsFeed
C'est pas mon idée !

vendredi 31 août 2018

L'exploitation des données, un terrain miné

Google
La révélation par Bloomberg d'un accord secret de commercialisation d'informations de paiement entre Mastercard et Google semble en bonne voie de déclencher un nouveau scandale sur les excès de l'exploitation des données personnelles. Pourtant, quand Google annonçait sa démarche, en mai 2017, nul ne s'en inquiétait…

Résumons. Depuis plus d'un an, donc, le géant de la publicité sur le web expérimente une nouvelle technique destinée à donner aux annonceurs une mesure plus précise de l'efficacité de leurs campagnes en ligne sur leurs ventes en magasin. L'enjeu est colossal, car il lui permet de démontrer concrètement la valeur de ses solutions marketing et incite les entreprises à accroître leurs budgets, au profit du chiffre d'affaires de Google, qui ne cesse de progresser malgré une impression de saturation du marché.

Pour cela, ses redoutables algorithmes combinent sa connaissance intime des internautes (qui cliquent sur les résultats de recherche sponsorisés), la détection de leur présence dans les boutiques de ses clients (grâce à Google Maps installé sur leur téléphone)… et les caractéristiques des transactions de paiement que lui fournissent ses partenaires (couvrant 70% des cartes en circulation aux États-Unis) – on peut supposer que le lieu et l'heure, a minima, procurent déjà de solides bases de rapprochement.

Par rapport à cette présentation succincte du service, la seule information inédite qu'apporte Bloomberg est la participation de Mastercard. Même si j'avais, à l'époque, plutôt imaginé que les données étaient transmises par des émetteurs de cartes, il n'y a pas vraiment là de quoi être très surpris. Alors pourquoi cette offre « Attribution » de Google suscite-t-elle autant d'émoi aujourd'hui ? Probablement parce que la sensibilité du grand public à l'usage de ses données a été exacerbée par les affaires récentes.

Il suffit alors – comme ce fut le cas avec le fiasco ING en 2014 – de monter l'initiative en épingle pour qu'elle soit rapidement perçue comme un abus de pouvoir. Les acteurs en cause ont beau arguer des précautions (crédibles, à mon avis) qu'ils déploient pour garantir la protection de la vie privée des consommateurs, via anonymisation et chiffrement des données mises en œuvre, le mal est fait. Et, encore une fois, le manque de transparence de Mastercard peut justifier, partiellement, au moins, l'indignation.

Le résultat prévisible de cette « affaire » (si elle ne s'éteint pas d'elle-même) sera, comme toujours, un coup d'arrêt sur les projets des institutions financières. Idéalement, ce pourrait surtout être une occasion pour elles de s'interroger sur la nature de leurs ambitions : quand elles peuvent démontrer, clairement, sans ambiguïté et en toute transparence, qu'elles utilisent les données de leurs clients à leur avantage, pour leur offrir un meilleur service, elles ne devraient pas craindre de retombées négatives.

Google Attribution

jeudi 30 août 2018

Pourquoi se rendre dans une agence bancaire ?

BIL
Quelles occasions justifient-elles encore de franchir les portes d'une agence bancaire, alors que les services financiers sont désormais à portée de clic à toute heure du jour et de la nuit ? Voilà une question que se posent peut-être de plus en plus de consommateurs et à laquelle la Banque Internationale à Luxembourg (BIL) tente de répondre.

Les recommandations formulées ne surprendront personne. Elles s'étendent du banal – le dépôt et le retrait d'espèces et de chèques, qui ne laissent pas le choix tant qu'ils sont en usage – au haut de gamme – le sempiternel conseil à forte valeur ajoutée dans les moments de vie importants –, en passant par le tactique – la formation aux outils en ligne et mobiles des réfractaires à la technologie. Il faut pourtant bien s'y arrêter car elles paraissent toujours aussi décalées par rapport aux réalités d'une agence.

Dans le registre du conseil, BIL fournit plusieurs exemples précis. Le cas de l'achat d'une résidence est un incontournable auquel elle sacrifie, en mentionnant non seulement l'utilité d'interroger son conseiller pour déterminer sa capacité d'emprunt et les options de financement disponibles (une forme d'assistance qui s'applique aussi au crédit à la consommation), mais également pour obtenir des informations sur le marché immobilier, les aides publiques au logement, la conjoncture économique…

Vient ensuite la gestion patrimoniale, pour laquelle le banquier sera un précieux allié pour évaluer et consolider les actifs de son client, ainsi que pour l'accompagner dans la mise en place de sa succession, en prenant naturellement en compte les indispensables aspects légaux et fiscaux. Idem pour l'investissement, il pourra aider à sélectionner une assurance-vie ou donner les clés du choix entre la location et l'acquisition d'un appartement… Jusqu'à la création d'entreprise, dont il saura guider chaque étape…

Article myLife (BIL)

Wow ! La promesse fait rêver et, avec un tel panel de compétences, il ne fait pas de doute que les consommateurs continuent longtemps à plébisciter l'agence pour leurs besoins bancaires les plus exigeants. Mais est-elle tenue ? Est-elle seulement réaliste ? D'emblée, il est évident que le conseiller « standard », dédié à la relation « courante », ne saura pas remplir l'ensemble de ces missions. Il faudra donc plutôt compter sur des spécialistes de chaque sujet et espérer qu'ils soient suffisamment disponibles.

Cependant, dans ses conditions, il reste difficile de comprendre ce qu'il adviendra du modèle opérationnel de la banque. L'agence ne deviendra-t-elle qu'un lieu de rendez-vous avec des experts ? Les circonstances exceptionnelles justifiant le recours au conseil sont elles assez nombreuses pour en sauver le concept ? Quelles tâches assumeront les conseillers « ordinaires » s'il faut maintenir l'occupation des locaux ? Ne serait-il pas plus efficace (surtout à Luxembourg !) de se déplacer chez les clients ?

La vision de BIL – à laquelle font écho tellement d'établissements – ressemble à une utopie, tant elle est éloignée des pratiques en vigueur, sans que les immenses efforts qui permettraient de la concrétiser ne semblent être ni mis en œuvre ni planifiés. Si on la prend au pied de la lettre, c'est une proposition de banque privée pour tous qu'elle dessine ainsi. Or elle ne pourra la réaliser qu'en développant une approche technologique du conseil, pas uniquement en vantant les mérites théoriques des agences.

mercredi 29 août 2018

La banque qui voulait devenir FinTech

Finserve
Le Kenya ne vient peut-être pas immédiatement à l'esprit pour ses banques innovantes, mais la révolution qu'y a engendré la téléphonie mobile – dont M-Pesa reste le pionnier emblématique – n'en finit plus de transformer le paysage, au point de conduire une des principales institutions du pays à envisager une remise en question totale.

En quelques années, ce qui n'était au départ qu'un porte-monnaie mobile facilitant et sécurisant les échanges d'argent dans un pays sous-bancarisé a bouleversé les usages en matière de services financiers, avec l'introduction de solutions de crédit, d'assurance, d'épargne… accessibles très simplement sur le téléphone. Au-delà des nouveaux entrants qui ont lancé le mouvement, les banques traditionnelles ont rapidement dû s'adapter à ce changement de contexte et proposer des services similaires aux consommateurs.

Pour le deuxième établissement kenyan, Equity Group Holdings, le développement de l'inclusion financière qui a accompagné le phénomène (de 4% à la fin du siècle dernier à plus de 80% aujourd'hui) s'est traduit par une croissance exponentielle du nombre de clients (de quelques milliers à 12,5 millions). Mais cette progression lui a imposé simultanément de ré-inventer ses modes de fonctionnement, sa chaîne de valeur et son socle technologique (sans parler de son expansion en Afrique de l'Est).

Jusqu'à maintenant, l'innovation était portée au sein d'Equity par sa division technologique, créditée de la plupart de ses réalisations récentes, dont l'ensemble de ses services web et mobiles et même la création d'un opérateur téléphonique virtuel. Or, réalisant que le modèle de banque historique est voué à l'échec sur son marché et que l'avenir est aux transactions « digitales » (qui représentent la majorité des interactions avec ses clients), elle décide [PDF] de rendre autonome cette activité.

La « spin-off » issue de cette opération, baptisée Finserve et présentée comme une FinTech, devient donc en quelque sorte la nouvelle façade de la banque, avec l'objectif plus ou moins explicite de gérer la transition du modèle classique (avec ses agences en propre, en particulier) vers une offre reposant essentiellement sur des outils mobiles, articulée avec un réseau d'agents indépendants. Elle vante, au passage, l'efficacité économique de sa structure de coût variable (grâce, notamment, au recours à des infrastructures tierces réduisant drastiquement les investissements nécessaires).

Si l'idée qu'une banque se convertisse en entreprise technologique prête à sourire, les premiers projets déployés par Finserve révèlent au contraire une démarche très sérieuse, qui devrait même être perçue comme humiliante par la plupart de nos banques, entre, Jenga Payment Gateway, une plate-forme d'encaissement en ligne universelle, et, surtout, JengaAPI, proposant aux entreprises d'intégrer tous les services financiers (paiement, transfert, change, gestion de compte, crédit…) dans leurs processus.

La démarche d'Equity est caractéristique d'une prise de conscience d'un besoin de rupture dans un modèle d'entreprise dépassé : il est souvent préférable, dans ces circonstances, de repartir sur des bases saines, avec une nouvelle entité. En l'occurrence, la décision est probablement facilitée par la brutalité de la transformation du contexte local. Toutefois, bien que moins directement visible, l'ampleur du changement est aussi conséquente dans nos pays et devrait susciter des réactions du même ordre.

Equity Group Holdings

mardi 28 août 2018

L'identité au cœur de l'assurance de demain

Allstate
L'acquisition par Allstate – une des plus importantes compagnies d'assurance américaines – d'InfoArmor – un spécialiste de la protection d'identité – pour plus d'un demi-milliard de dollars souligne simultanément 3 tendances majeures pour le secteur : nouvelle ligne d'activité, virage technologique et priorité à la prévention.

Avec plus de 16 millions de victimes enregistrées en 2017 (aux États-Unis), la fraude à l'identité, sous ses multiples formes (vol, usurpation, détournement…), représente un des fléaux de l'ère numérique. Le sujet attire donc naturellement les appétits des assureurs, qui y voient une opportunité d'enrichir leurs catalogues de solutions. Cependant, comme avec toutes leurs tentatives plus générales autour des cyber-risques (qu'il s'agisse de sécurité informatique, d'e-réputation, etc.), les progrès sont encore timides.

Le défi à relever est en effet immense et il ne se limite pas à appréhender un domaine nouveau, sur lequel les actuaires manquent de recul, rendant difficile la détermination des conditions de couverture et d'indemnisation. Il implique également pour la compagnie de s'immerger dans les technologies qui sont au cœur de la gestion d'identité, d'autant plus qu'il n'est plus question pour elle de se « contenter » de proposer des garanties en cas de sinistre : l'anticipation et la prévention sont au moins aussi cruciales.

Autant de raisons pour lesquelles Allstate a donc préféré intégrer un acteur existant – au prix fort – plutôt que de chercher à développer elle-même les compétences nécessaires. Elle disposera ainsi, dès la conclusion de la transaction, d'une offre complète destinée aux entreprises (car le modèle d'InfoArmor est conçu comme un avantage mis à la disposition de leurs salariés), incluant surveillance du web souterrain, des établissements de scoring et des réseaux sociaux, détection de fraude, plans de remédiation…

InfoArmor

Plus profondément, l'enjeu est aussi – certes peut-être indirectement ou ponctuellement, à ce stade – de faire évoluer le fonctionnement des métiers de l'assurance. Comme on l'entend déjà régulièrement dans le secteur bancaire, il devient impératif de passer à un véritable statut d'entreprise technologique, capable de répondre aux attentes de ses clients par la mise en place d'outils informatiques adaptés, de l'analyse de données qui en constitue le fondement jusqu'à la relation client sur le web et sur mobile.

Aujourd'hui, la nécessité de cette transformation est évidente pour la cyber-assurance, demain, elle le sera tout autant dans tous les champs d'intervention. Quand l'automobile sera intégralement pilotée par des algorithmes, quand l'habitation sera surveillée en temps réel par une batterie de capteurs, quand la santé sera systématiquement assistée par l'intelligence artificielle… tous les produits d'assurance – qui seront alors avant tout des assistants de prévention – reposeront entièrement sur des logiciels et des robots.

lundi 27 août 2018

Un chatbot pour souscrire une assurance ?

MACSF
Quand la MACSF, mutuelle des professionnels de la santé, installe le premier chatbot d'information et de souscription d'assurance sur Facebook Messenger en France, elle adopte une démarche expérimentale dont une carence majeure risque malheureusement de limiter la valeur d'enseignement qu'elle aurait pu espérer en tirer.

Comme toutes les entreprises qui s'adressent au grand public, la MACSF est confrontée à une profonde évolution des comportements de ses clients, actuels et futurs, notamment parmi les jeunes générations. Il devient ainsi de plus en plus important de venir présenter et commercialiser les produits et services qui leur sont destinés sur les médias où ils passent le plus de temps – tels que les messageries sociales – afin de faciliter le dialogue et effacer les frictions d'une entrée en relation traditionnelle.

Dans le cas de la mutuelle, une cible idéale pour valider une approche de ce genre est constituée des étudiants en médecine. Le nouveau « chatdoc » leur propose donc de découvrir et souscrire sur Messenger un produit spécialement conçu pour eux : une garantie de responsabilité civile professionnelle, accompagnée d'une protection juridique. En pratique, l'automate décrit succinctement la solution, puis pose quelques questions personnelles afin d'établir le contrat, sans avoir à quitter la plate-forme.

ChatDoc MACSF

Même si la MACSF ne la présente pas explicitement sous cet aspect, l'initiative rassemble les conditions d'un test bien organisé : une cible limitée de « cobayes » potentiellement appétents, une absence de barrière à l'entrée (par la gratuité), un périmètre fonctionnel soigneusement circonscrit, une mesure facile des résultats obtenus… Seul défaut, et il risque hélas d'être rédhibitoire, les maigres compétences du chatbot nuisent fortement à la qualité de l'expérience et, en définitive, à l'intérêt de la démonstration.

En effet, pour être probante, l'expérience doit prouver qu'il est possible de vendre sur Messenger un produit plus sophistiqué qu'une chemise ou un morceau de musique, par exemple. Or le « chatdoc » s'avère (dans mes tentatives) incapable de fournir, en amont, des explications détaillées sur le concept de responsabilité civile professionnelle, se contentant d'une description sommaire initiale, impossible à approfondir. Il s'agit d'un point de blocage certain, même s'il ne ressort pas dans le cadre d'une offre gratuite.

Il est aisé de comprendre la logique retenue : un développement interne (assumé) avec un budget serré, de manière à vérifier l'adhésion des clients au concept. Il aurait pourtant été judicieux, avant de déterminer les sacrifices à consentir, d'analyser les antécédents, qui, tous, révèlent que le plus grand danger de désaffection vis-à-vis des chatbots est lié à leurs difficulté à interpréter les demandes des utilisateurs et à leur apporter une réponse satisfaisante. Voilà un résultat qu'il était inutile de chercher à reproduire…

dimanche 26 août 2018

La Banque d'Angleterre s'inquiète de la prochaine révolution industrielle

Bank of England
En rupture avec les discours rassurants habituels, l'économiste en chef de la Banque d'Angleterre alerte sur les risques majeurs que fait courir au pays (et au monde) la troisième (ou quatrième ?) révolution industrielle que devrait engendrer l'émergence puis la généralisation de l'intelligence artificielle dans tous les secteurs d'activité.

Le point de départ du raisonnement que développe Andy Haldane fait aujourd'hui consensus : les progrès actuels de l'informatique et de la robotisation vont transformer profondément le monde du travail, dans des proportions au moins équivalentes – et probablement supérieures – aux crises ayant accompagné les première et seconde révolutions industrielles (au début des XIXème et XXème siècles, respectivement). Mais ce constat l'inquiète beaucoup plus que la plupart des observateurs.

Prenant référence des précédents historiques, il anticipe a minima la même détérioration brutale du marché du travail, les mêmes tensions sociales, la même progression des inégalités… qui ont marqué les grandes mutations du passé. Et il invite les responsables politiques à se souvenir des leçons apprises alors, entre la nécessité d'assurer la formation des citoyens aux nouveaux métiers utiles et l'introduction de filets de sécurité pour les exclus, sous la forme de programme sociaux, notamment.

En conséquence, la priorité – qui paraît aujourd'hui fort négligée – devrait impérativement porter sur la préparation à une reconversion massive des forces vives. Il s'agit d'abord d'identifier les compétences les plus menacées puis d'imaginer dans quels domaines le monde de demain aura le plus besoin de qualités humaines, c'est-à-dire où se déplaceront les futures réserves d'emploi. Afin de limiter le trou d'air qui ne manquera pas de survenir entre les deux, il faudra enfin mettre en place un plan de transition.

Le chantier est d'autant plus gigantesque qu'un aspect crucial du problème est rarement abordé et traité. En effet, en considérant que, pour simplifier, les métiers en danger sont ceux qui impliquent majoritairement des tâches « mécaniques » et que ceux qui deviennent indispensables font appel soit à des expertises pointues (technologiques), soit à des talents relationnels, le passage des uns aux autres représente un défi considérable (insurmontable ?), que n'ont jamais affronté les autres révolutions industrielles.

En contrepartie, et ce versant positif de l'équation attire évidemment plus l'attention au point d'être le message exclusif dans nombre de cas, les changements en cours promettent que l'activité professionnelle, enfin débarrassée de ses fonctions répétitives et sans intérêt, sera plus satisfaisante, plus motivante, plus enrichissante… La réalité est qu'une telle ambition requiert d'extraordinaires efforts d'éducation, voire une transformation radicale de la perception du travail dans la société.

Ex Machina

samedi 25 août 2018

Avec Beam, l'engagement rapporte

Beam
Un compte bancaire qui rapporte 200 fois plus que ses concurrents ? C'est la promesse qu'affiche Beam, une jeune pousse américaine, sur sa page d'accueil et elle n'est pas aussi farfelue qu'il y paraît au premier abord. Mais sa principale qualité est son approche qui stimule l'épargne de ses clients tout en contribuant à son propre développement.

À l'instar de tant d'entrepreneurs de la FinTech, le fondateur et directeur général de Beam s'est fixé pour mission de réparer ce qu'il considère comme une injustice de la banque moderne : l'écart excessif entre la rémunération des dépôts des particuliers (actuellement moins de 1% en moyenne, aux États-Unis) et celle que perçoivent les institutions financières (4 à 5%). Sa conviction est que la différence est engloutie dans des inefficacités structurelles (dont les réseaux d'agences) qui n'ont plus lieu d'être.

L'alternative consiste, sans surprise, à exploiter le meilleur de la technologie afin de concevoir une offre dont le coût de fonctionnement minimal permet de faire profiter aux clients de taux plus élevés sur leur épargne, ne serait-ce que pour limiter l'érosion de leur capital due à l'inflation. Le principe se traduit naturellement par une application mobile, moyen exclusif pour l'utilisateur d'exécuter les opérations nécessaires (versements, suivi, retraits), grâce à une connexion directe avec son compte primaire.

À cette proposition alléchante en tant que telle, Beam ajoute cependant une astuce supplémentaire. Ainsi, elle annonce un rendement compris entre 2 et 4% et, en pratique, le taux d'intérêt effectivement octroyé à chaque individu va dépendre de son engagement avec son compte et avec la marque. Chaque soir, il va être révisé en fonction des récompenses – dénommées « billies » – engrangées au fil de ses accès à l'application (et l'activation d'une animation à l'écran), de ses parrainages validés…

Accueil Beam

L'objectif majeur de cette petite ruse est de renforcer l'usage du service et d'inciter les consommateurs à augmenter leurs dépôts. Bien entendu, on peut y voir une manœuvre destinée à gonfler les revenus de la startup (basés uniquement sur une petite fraction de la rémunération des comptes, à l'exclusion de toute autre forme de frais et commissions). Mais, dans le même temps, il s'agit d'un moyen original – dans un contexte qui voit se répandre les outils d'épargne automatique – de favoriser les gestes d'épargne.

On peut certes douter, comme l'esquisse Stephen Greer (analyste de Celent), de la capacité de l'épargnant à maintenir son intérêt pour le dispositif de Beam dans la durée. Il représente pourtant une rare tentative dans le secteur financier de forcer l'attention des consommateurs sur leur épargne, un enjeu critique face aux sirènes de la consommation immédiate (et souvent à crédit). Pour l'instant, son approche ludique semble opérer, puisque deux tiers des utilisateurs consultent leur compte quotidiennement…

vendredi 24 août 2018

La banque qui veut se faire aussi agile que la startup

J.P. Morgan Chase & Co
S'il revenait aujourd'hui, Jean de la Fontaine aurait fort à faire pour adapter ses fables au monde moderne. Comment, par exemple, se serait-il délecté des tentatives de certaines banques de se donner les atours des plus belles startups de la FinTech, à l'image de celle que préparerait actuellement J.P. Morgan Chase aux États-Unis ?

Quand les institutions financières observent les trublions du secteur, elles sont parfois promptes à considérer que leur principale caractéristique différenciante réside dans leur approche gratuite ou à très faible coût. C'est ainsi que se sont multipliées ces derniers temps les offres de comptes courants à petit prix… et que J.P. Morgan Chase serait donc en passe de lancer une plate-forme d'investissement en actions sans frais de transaction (dans certaines limites et/ou sous conditions, toutefois).

Les analystes estiment en effet que l'initiative – depuis longtemps évoquée par Jamie Dimon, son directeur général – est une réaction directe au succès rencontré par RobinHood, dont l'application mobile de trading entièrement gratuite a déjà conquis 5 millions de clients (en moins de 5 ans). Même avec sa grille de tarifs moins transparente, J.P. Morgan Chase espère bien reproduire cet exploit auprès des 47 millions d'américains qui ont recours à ses services mobiles ou web (soit la moitié des foyers du pays).

Mais quelle est la stratégie de la banque, au-delà de la seule ambition de capter une nouvelle génération d'investisseurs (parmi les jeunes adultes notamment) ? Sachant que, il y a encore peu, elle facturait chaque opération 25 dollars, il lui faut une puissante motivation pour faire un tel cadeau à ses clients, surtout dans une période de marges sous pression… Or tout semble indiquer qu'il ne s'agit que d'un mouvement tactique, porté par un secret espoir de voir disparaître par magie les concurrents gênants.

Il faudrait pourtant se remémorer que le concept même de startup est celui d'un état instable et que la gratuité de son produit ne représente qu'un aspect transitoire de son développement. Peut-être est-elle simplement dans un cycle d'acquisition de clients, peut-être vise-t-elle à ajouter une offre payante plus complète (principe de « freemium »), peut-être imagine-t-elle un modèle économique radicalement innovant (c'est le cas de RobinHood, a priori)… Ces jeunes pousses doivent bien générer des revenus !

Les grands groupes qui se contentent de répliquer l'agressivité tarifaire des nouveaux entrants se trompent de cible. Bien sûr, cela peut suffire à contenir la menace pendant un temps, en réduisant l'écart aux yeux des clients. Mais la bataille ne se termine pas là : elle se prolonge jusqu'à l'atteinte d'un équilibre par la startup, combinant performance économique et efficacité opérationnelle. Les banques qui s'aventurent dans le low cost ont-elles bien en tête tous les enjeux stratégiques qui accompagnent ce choix ?

Trading

jeudi 23 août 2018

Braavo finance l'économie mobile

Braavo
Depuis 3 ans, Braavo développe une offre originale à destination des créateurs d'applications mobiles, combinant de puissants outils d'analyse avec des options de financement personnalisées, afin de les aider à démultiplier leurs ventes. Un parfait exemple de solution précisément ajustée aux besoins d'une niche attractive.

Les éditeurs de logiciels qui commercialisent leurs titres sur les AppStores d'Apple et de Google, mais également ceux qui tirent leurs revenus de la publicité et passent pour cela par des régies telle que AdMob (Google également), sont confrontés à des délais de versement de leurs gains atteignant parfois 2 ou 3 mois. Comme toutes les entreprises qui subissent ce genre de désagréments, ils doivent alors faire face à des tensions de trésorerie, qui limitent leur capacité de développement, voire menacent leur survie.

La réponse classique à cette situation est l'affacturage et c'est justement, d'une certaine manière, ce que propose Braavo avec son produit « Accelerate », en capitalisant sur les particularités du marché des applications pour smartphone pour rendre le processus extraordinairement efficace. Le client est d'abord invité à partager l'accès à ses comptes sur les différentes plates-formes de distribution sur lesquelles il est présent. Dès lors, la startup dispose d'une visibilité totale sur les redevances dues et entre en action.

En fonction des besoins du demandeur, elle peut donc payer jusqu'à 85% des montants en attente, chaque semaine, utilisables à volonté, pour des campagnes de promotion ou pour recruter un développeur supplémentaire, par exemple. À l'échéance de facturation, elle encaisse elle-même les recettes de la période, sur lesquelles elle prélève la somme des avances qu'elle a déboursées précédemment, ainsi que sa rémunération (sous forme d'honoraires fixes peu élevés), et elle transfère le solde à son client.

Braavo

Outre cette offre de lissage de la trésorerie, Braavo a conçu un deuxième produit, « Extend », plus proche d'un crédit de fonctionnement, ayant pour vocation de financer la croissance future de l'entreprise. Les prêts accordés sont cette fois réservés à des démarches d'acquisition de clientèle sur une sélection de plates-formes pré-approuvées (Facebook, Instagram, Apple, Google…). Naturellement, dans ce cas également, la connexion directe avec les distributeurs de logiciel joue un rôle déterminant.

Tout d'abord, c'est la connaissance détaillée de l'activité du client qu'elle autorise qui permet à Braavo d'estimer objectivement son potentiel de croissance et, en conséquence, l'opportunité de lui octroyer un crédit. D'autre part, le remboursement (et le prélèvement des frais, toujours fixes) reste totalement maîtrisé : un montant constant est ponctionné automatiquement sur les revenus, avant leur restitution. Et en cas de baisse de régime, les paiements seront simplement étalés dans le temps.

L'approche représente un véritable cas d'école, en ce sens qu'elle montre comment exploiter les spécificités d'une catégorie de clientèle pour apporter à des problèmes génériques une solution beaucoup plus efficace que celles qui étaient disponibles auparavant. Enfin, l'introduction d'outils d'analyse focalisés sur les ventes d'applications mobiles illustre la vision à long terme qu'entretient Braavo de devenir l'expert capable d'accompagner ses clients dans l'ensemble de leurs préoccupations.

mercredi 22 août 2018

Avec Alexa, Aviva veut mobiliser ses clients

Aviva
Aviva semble décidément passionnée par Alexa et ses capacités d'interaction vocale. Après une première expérimentation au début de 2017, elle vient de lancer – au Royaume-Uni, toujours – une « skill » proposant à ses clients d'épargne-retraite de consulter le montant de leur pension. Une initiative modeste pour un enjeu majeur…

Au premier abord, la nouvelle application que met Aviva à la disposition de ses assurés sur l'assistant vocal interactif d'Amazon ne devrait pas changer la face du monde. Réservée aux détenteurs de certains produits d'épargne-retraite, préalablement inscrits sur sa plate-forme de services en ligne, elle leur offre une fonction unique : la restitution du solde de leur compte. Pour l'utiliser, il suffit de poser la question « Alexa, demande à Aviva le montant de ma pension » puis d'énoncer le code PIN défini à l'enrôlement.

La compagnie affiche cependant une grande ambition avec cette solution, puisqu'il s'agit de lutter contre l'éternel désintérêt des consommateurs pour l'assurance en général et pour leur épargne de long terme en particulier. Constatant que plus de la moitié de ses clients ne vérifie pas plus d'une fois par an l'état de leur contrat et réagissant à leur demande d'un accès plus facile à leur compte, elle espère que l'interrogation via Alexa répondra à leurs attentes et contribuera à renforcer leur engagement.

Aviva sur Alexa

Bien que la démarche parte d'une bonne intention, il est difficile de ne pas douter de sa validité. Passons sur le choix d'un média certes en vogue mais pas nécessairement le premier auquel pensent les personnes qui expriment le désir d'une meilleure visibilité (apparemment, une application mobile serait déjà appréciée !). Surtout, comment imaginer que la seule consultation régulière de leur compte suffise à inciter les utilisateurs à s'intéresser plus sérieusement à leur future retraite ?

L'enquête que cite Aviva dans sa communication donne pourtant un indice crucial pour comprendre les ressorts essentiels qu'il faudrait activer pour réellement engager les clients. Devant la simplicité d'accès à l'information, ils placent en effet le besoin d'éducation en matière d'épargne-retraite, soulignant ainsi leur désarroi face aux contrats qui leur sont proposés. En prolongeant la réflexion, je pense même que la difficulté à se projeter dans l'avenir est la principale raison de leur apparente insouciance.

L'abstraction que représente le montant de pension communiqué par l'assureur, combiné aux incertitudes que comportent tous les produits qui s'inscrivent dans un temps long, est le plus sûr moyen de décourager les consommateurs. La seule solution efficace consisterait plutôt à mettre en place des mécanismes permettant de re-connecter la vision future aux préoccupations concrètes et individuelles du client, par exemple en la mettant directement en perspective avec les projets qu'il envisage pour sa retraite.

mardi 21 août 2018

Titan, le hedge fund pour Mr Tout le Monde

Titan
Nouvelle étape dans la démocratisation de l'investissement, Titan a été fondée par des anciens collaborateurs de hedge funds frustrés de voir les performances de leurs produits mises uniquement à la disposition des plus riches. Leur objectif est donc d'offrir un service similaire à tous les consommateurs, à partir de 1 000 dollars.

Prolongeant les promesses des robo-conseillers plus classiques (tels que WealthFront aux États-Unis ou nos WeSave et Yomoni français), la jeune pousse s'adresse à un segment particulier de personnes qui désirent accéder à des supports plus élaborés que les fonds indiciels (ETF) sur lesquels reposent les offres de ces acteurs. Elle ne leur propose pas un fonds alternatif à proprement parler mais elle adopte quelques principes de ce genre de solutions pour en émuler les caractéristiques à moindres frais.

Les portefeuilles des clients de Titan sont donc composés en majorité de fractions d'actions cotées, à savoir 20 titres de grands groupes, sélectionnés par les gérants parmi les préférences des grands hedge funds dont les actifs détenus sont publiés, et ajustés trimestriellement. À ce socle commun à tous les investisseurs, la startup ajoute un volant de couverture des risques de baisse, sous la forme d'un découvert sur l'indice de marché, à hauteur de 0 à 20% selon l'appétence au risque déterminée lors de l'entrée en relation.

Titan

Titan se fixe également une seconde mission, complémentaire, qui consiste à contribuer à l'éducation financière de ses clients, qu'elle veut convertir en véritables partenaires de sa stratégie. Pour ce faire, elle rédige et partage des documents d'analyse approfondis sur les sociétés qu'elle intègre dans ses portefeuilles, qu'elle accompagne de vidéos d'information, d'alertes spécifiques… tous contenus accessibles en permanence depuis l'application mobile qui constitue son média d'interaction préféré.

Là où les « vrais » fonds alternatifs développent des modèles d'investissement complexes dont la rentabilité requiert des niveaux d'engagement importants (donc réservés aux nantis), Titan conçoit un produit qui en reprend les mécanismes essentiels mais les simplifie au maximum afin de pouvoir atteindre le grand public, avec une perspective de retours élevés, de risques maîtrisés… et de coûts réduits. Les multiples raccourcis qu'elle emprunte – outre la déontologie discutable du quasi-plagiat qu'elle met en œuvre – soulèvent toutefois la question de la fiabilité de son approche, à long terme.

En tout état de cause, il ne fait aucun doute que, comme toutes les niches du secteur financier, celle des hedge funds, aujourd'hui réservée à une poignée de privilégiés, suscite les convoitises de nouveaux entrants. Ils recherchent activement les moyens d'en optimiser le fonctionnement, afin de toucher une clientèle plus large ou de capter le marché existant avec une meilleure proposition de valeur. Peut-être Titan n'y parviendra-t-elle pas, mais d'autres suivront à coup sûr pour continuer à ébranler le statu quo.

lundi 20 août 2018

Starling aborde le crédit sous un angle original

Starling Bank
Forte de sa licence bancaire, la britannique Starling Bank ajoute une option de crédit à la consommation à son catalogue. En l'abordant comme un produit complémentaire au découvert autorisé qui accompagne déjà son offre de compte courant, elle essaie de faciliter l'accès de ses clients à la solution optimale pour leur besoin.

En effet, le fonctionnement du nouveau prêt personnel de la néo-banque s'avère assez original : en fonction de sa fiabilité et de son comportement financier, chaque détenteur de compte se voit attribuer une ligne de crédit qui peut atteindre 5 000 livres au maximum. Rien que de très classique… si ce n'est que cette réserve permanente peut être utilisée à volonté, entre, d'une part, un découvert autorisé, et, d'autre part, un crédit à la consommation, pré-approuvé, aux conditions évidemment plus avantageuses.

D'une point de vue opérationnel, la souscription d'un emprunt est simplifiée à l'extrême. Outre un formulaire traditionnel sur lequel il suffit de préciser le montant et l'objet de la demande, il est également possible de sélectionner un achat récent dans l'historique de transactions afin de solliciter son financement (a posteriori, donc). Il ne restera ensuite qu'à indiquer la durée de remboursement désirée et fournir quelques informations sur ses revenus et dépenses moyens pour débloquer les fonds, instantanément.

Prêts personnels de Starling Bank

Grâce à ce dispositif, les clients de Starling Bank ont au bout des doigts le choix de la meilleure solution en fonction de leur situation. Dans l'hypothèse d'un dépassement ponctuel de leur budget, ils peuvent se contenter de laisser entrer en jeu leur option de découvert. S'ils ont à faire face à une charge imprévue et relativement importante, ils préféreront recourir (explicitement) à un véritable crédit, permettant un étalement des remboursements sur une durée pré-déterminée et supportant un taux moins élevé.

Notons que, dans tous les cas, l'application mobile tient le consommateur informé en détail des frais qu'il supportera et que, naturellement, toutes les opérations afférentes sont entièrement automatisées. Les échéances des prêts, en particulier, sont prélevées directement sur le compte courant, sans requérir la moindre intervention.

Rétrospectivement, l'approche mixte de Starling Bank est parfaitement logique, dans la mesure où le découvert et le crédit à la consommation sont deux solutions destinées à financer des « objets » identiques, dans des contextes distincts (relatifs à la perspective de remboursement). En revanche, elle incite à prolonger le raisonnement : les clients seront-ils à même de comprendre la différence et de faire un choix avisé ? Ne faudrait-il pas plutôt, en amont, les orienter vers l'option la plus pertinente, qui pourrait être déterminée à partir de leurs habitudes et des circonstances qui les affectent ?

dimanche 19 août 2018

Tally gère les dettes automatiquement

Tally
On connaissait les solutions destinées à assister les consommateurs dans une meilleure gestion de leurs finances personnelles, voici Tally, la première application mobile qui optimise automatiquement le pilotage de leurs cartes de crédit, en leur permettant d'économiser sur leurs frais et de réduire leurs dettes, presque sans y penser.

Une forte proportion de la population américaine – et il en est de même partout dans le monde – est en permanence angoissée par les questions d'argent, avec une sensation d'abandon, voire de trahison, de la part d'institutions financières qui commercialisent des produits dont le modèle économique consiste à stimuler les dépenses (via des primes, réductions et autres avantages) et à encourager l'imprévoyance, de manière à collecter des pénalités en cas de retard de paiement et des intérêts sur les encours.

Afin de lutter contre ce qui se transforme fréquemment en un cercle vicieux d'endettement, l'approche de Tally vise à introduire plus de transparence et, surtout, plus de simplicité dans les processus. En pratique, après avoir installé son application sur son smartphone, l'utilisateur va d'abord connecter les comptes de ses différentes cartes, tandis que son score de crédit est vérifié (la solution ne s'adresse qu'à des personnes fiables), après quoi un plan d'optimisation des flux pourra être mis en place.

À ce stade, plusieurs options sont disponibles. Cas le plus simple, pour les porteurs qui règlent leurs achats sans attendre, il est possible, a minima, d'automatiser le règlement du solde de toutes leurs cartes à échéance et éviter de la sorte les frais de retard. À ceux qui entretiennent une dette, Tally va ouvrir une ligne de crédit, à un taux dépendant de leur historique de crédit, mais plus avantageux que celui de leurs cartes, et va proposer d'assumer à leur place, en totale autonomie, le règlement de leurs échéances.

Tally

Pour ce faire, les algorithmes de la startup vont transférer, autant que possible, les encours des cartes sur le crédit accordé, en sélectionnant en priorité ceux qui portent les taux d'intérêt les plus élevés. Par la suite, chaque mois, ils se chargeront de calculer une mensualité minimale, comprenant les remboursements exigés par les émetteurs, ainsi que les intérêts et une petite fraction du capital du prêt. L'objectif primaire est donc de réduire le coût des cartes de crédit, sans en restreindre les usages.

Mais Tally offre également d'accompagner les démarches de désendettement. Dans ce cas, elle invite l'utilisateur à décider de sa stratégie, à travers une simulation grâce à laquelle il va évaluer la durée nécessaire pour apurer ses comptes, en fonction de ses habitudes de consommation (telles qu'elles ressortent de ses dépenses passées) et de sa capacité à augmenter le niveau de ses mensualités. Là encore, une fois le processus enclenché, l'application peut, sur demande, en assurer automatiquement l'exécution.

Naturellement, des imprévus peuvent survenir. Non seulement est-il alors possible, à tout moment, d'ajuster les conditions de fonctionnement mais les algorithmes sont-ils aussi capables de moduler le déroulement du plan retenu selon les circonstances, sans intervention humaine, le cas échéant. D'autre part, une analyse globale de la situation est effectuée tous les 6 mois, qui permet aux clients qui respectent leurs échéances de bénéficier de taux plus attractifs et de limites de crédit plus élevées.

La prochaine génération d'assistants de gestion de finances personnelles sera à l'image de Tally : après l'approche par analyse historique, puis la recommandation contextuelle, l'avenir sera aux outils pro-actifs, qui prennent l'initiative pour faciliter la vie des consommateurs, au mieux de leur intérêt. Incidemment, l'exemple des cartes de crédit expose la menace que font peser ces solutions émergentes sur des modèles historiques reposant sur une relation déséquilibrée entre l'institution financière et son client.

samedi 18 août 2018

CommBank crée un outil de gestion pour PME

CommBank
Avec le lancement de la plate-forme Wiise, l'australienne CommBank ajoute son nom à la liste des banques incluant un outil de gestion pour les PME dans leur catalogue. Contrairement à la plupart de ses consœurs, qui misent sur une intégration avec des services tiers, elle a préféré développer sa propre solution, avec KPMG et Microsoft.

Après avoir été longtemps négligées, les petites entreprises deviennent rapidement l'objet de toutes les attentions de la part des institutions financières. Elles perçoivent là une réserve de croissance – notamment parce que ce segment a été mal servi jusqu'à maintenant – et un potentiel d'extension de leurs activités hors de leur strict domaine de compétence. Dans ce registre, une des approches les plus en vogue actuellement consiste à proposer à ces clients de les assister dans leurs tâches administratives.

Le raisonnement s'appuie sur un constat simple : les entrepreneurs veulent se consacrer à leur métier, en conséquence, tout ce qui peut contribuer à alléger la gestion de l'entreprise est bienvenu. Les banques estiment que combiner au sein d'une même plate-forme l'accès aux comptes et les logiciels de comptabilité, de facturation, de paye, d'inventaire… constitue un moyen de répondre à cette attente. Dès lors, sont apparues les premières offres conjointes, telle que celle de NAB (en Australie aussi).

En comparaison de ces pionniers (dont font également partie ANZ, Bank of America ou Revolut, entre autres), l'ambition que porte Wiise ne se limite pas à faciliter la vie quotidienne de l'entreprise avec des outils parfaitement intégrés. Elle crée donc avec ses partenaires une plate-forme entièrement nouvelle – une sorte d'ERP dans le cloud – dans le but de prendre pied sur un marché adjacent à son univers historique et se diversifier dans le domaine de l'édition logicielle, initialement à destination des PME.

Wiise

La promesse de Wiise est de consolider l'ensemble de l'activité de l'entreprise – banque, finance, comptabilité, ressources humaines, opérations, productivité… – comme aucun concurrent ne le propose à ce jour, grâce à une solution tout-en-un, connectée nativement aux infrastructures de CommBank et à la suite Office 365 de Microsoft. Trois versions distinctes sont déjà disponibles, comprenant des fonctions plus ou moins riches. À l'avenir, des déclinaisons spécialisées par métiers seront aussi commercialisées.

Le lancement de Wiise est un épisode supplémentaire de l'émergence de la banque invisible. Plus encore que pour les particuliers, les services aux petites entreprises seront bientôt immergés dans la gestion quotidienne de leur activité, à travers des outils conçus pour prendre en charge tous leurs besoins avec un minimum d'intervention humaine. La stratégie de CommBank dans cette vision est de fournir la plate-forme, là où d'autres s'orientent plutôt vers une association avec des acteurs existants.

Dans tous les cas, les initiatives actuelles ne constituent qu'une première étape. Il restera en effet aux banques à concrétiser leur capacité à offrir des produits personnalisés, au moment opportun, en fonction du contexte et du besoin immédiat de leur client, à partir de la connaissance de leur activité que procure leur solution de gestion à 360°.

vendredi 17 août 2018

La qualité du logiciel est vitale

Wells Fargo
Depuis l'introduction de l'informatique dans la banque, une certaine tolérance aux bogues a toujours été admise et les incidents ne sont pas si rares. Une mésaventure ayant affecté quelques centaines de clients de Wells Fargo souligne pourtant que l'enjeu de qualité est potentiellement aussi critique que dans la santé ou l'aéronautique.

Les faits se sont déroulés entre 2010 et 2015, en pleines retombées de la crise financière. Des millions d'américains se débattaient alors avec leur emprunt hypothécaire pour tenter de conserver leur logement. Or une erreur dans un module de calcul des frais légaux applicables aux renégociations de prêts a conduit Wells Fargo à refuser ou ne pas offrir à tort une solution à 625 clients, dont 400 ont fini par être expulsés de leur domicile.

Les logiciels qui, à l'origine, n'étaient qu'un moyen d'accélérer et de rendre plus fiable les traitements comptables élémentaires sont devenus progressivement le cœur de la banque, régissant toutes ses activités et, comme le démontre ce cas dramatique, disposant ainsi d'un pouvoir immense sur la vie de ses clients. Quand une erreur se produisait, autrefois, elle était rapidement repérée par les collaborateurs qui continuaient à assurer l'essentiel des tâches. Aujourd'hui, elle est détectée 5 ans plus tard.

Logiquement, les applications critiques devraient faire l'objet de procédures de qualité exceptionnelles, de niveau quasiment vital. Malheureusement, la culture informatique des institutions financières n'a pas évolué à la mesure de l'augmentation de responsabilité des logiciels mis en œuvre. Bien que de sérieux progrès aient été faits en quelques décennies, les DSI n'appréhendent pas toujours les conséquences de leurs choix et les implications concrètes que peut avoir une anomalie dans un système.

Une telle négligence augure mal de l'avènement promis de l'intelligence artificielle. Qu'il soit question d'erreurs de programmation pures et simples ou de biais cognitifs introduits malencontreusement dans les modèles d'apprentissage automatique, il n'est pas envisageable que les vies des consommateurs et des entreprises soient à la merci d'un aléas technique. Il serait donc grand temps que l'informatique bancaire passe à l'âge adulte et s'attelle à garantir l'absence de bogues dans les applications les plus sensibles, en s'inspirant, si nécessaire, des pratiques des industries pionnières en la matière.

Expulsion

jeudi 16 août 2018

Une néo-banque avec un cœur de vieille

Xinja
C'est une question que se posent tous les entrepreneurs qui se lancent dans la création d'une néo-banque : si ma différenciation concurrentielle réside réellement dans une expérience client exceptionnelle, puis-je la faire reposer sur un cœur de système traditionnel ? En choisissant la solution de SAP, l'australienne Xinja fait un pari audacieux.

Pour une jeune pousse de la banque, une des premières décisions à prendre est aussi une des plus importantes pour son avenir : quel socle pour bâtir mon offre ? Celle qui privilégie la rapidité de déploiement préférera s'appuyer sur la plate-forme d'une banque existante, y compris avec sa licence, dans la plupart des cas. Celle qui veut s'assurer de son indépendance et de son autonomie s'engagera plutôt dans le développement – long et coûteux – de l'ensemble de son infrastructure technique.

Peut-être parce que la première solution n'est pas viable en Australie, faute de partenaire disponible dans un contexte de concentration de l'activité entre les mains de 4 institutions financières, Xinja retient une option intermédiaire, consistant donc à acquérir un système du marché. De la sorte, elle conserve une certaine maîtrise de sa technologie, tout en pouvant espérer une mise en œuvre plus rapide que si elle devait tout construire et en concentrant ses efforts sur les interactions avec les clients.

Incidemment, la sélection de la solution de SAP n'est pas sans ironie puisque CommBank, l'un des grands établissements du pays, a fait plus ou moins le même choix il y a dix ans, à l'occasion de son gigantesque chantier de rénovation. Bien que Xinja adopte la version en cloud du progiciel, alors que son aînée l'exploite dans ses propres centres informatiques, voilà une occasion rêvée de vérifier si l'idée selon laquelle il est possible de créer une offre différente en partant d'une base identique est valide.

Accueil Xinja

Le défi n'est pas mince, car la plate-forme de SAP est relativement moderne et elle a notamment permis à CommBank, au moins durant les quelques années qui ont immédiatement suivi sa mise en place, d'accélérer sa transformation et de délivrer une expérience utilisateur de premier ordre. En revanche, elle semble avoir perdu son élan innovateur ces derniers temps et il est inévitable de se demander si son cœur de système, atteignant les limites de sa flexibilité, n'est pas en partie responsable.

Ce risque est commun à toutes les approches dans lesquelles la startup ne contrôle pas la totalité de son infrastructure et il en a conduit plus d'une à basculer d'une collaboration avec une banque à la ré-internalisation de toute son activité. En effet, les produits simples des débuts sont toujours faciles à mettre en œuvre avec une solution prête à l'emploi. Mais quand les besoins deviennent plus sophistiqués et les exigences de rationalisation des processus plus précises, les limites sont facilement atteintes.

L'aventure de Xinja méritera d'être suivie à plus d'un titre. Elle représente d'abord un test pour SAP et sa capacité à travailler efficacement avec des jeunes pousses, et non plus seulement les grands groupes qui retiennent généralement son progiciel bancaire. Elle offrira en outre un exemple rare de néo-banque dont la stratégie consiste à implémenter un système du marché pour concevoir sa plate-forme, dont les enseignements seront utiles pour les suivantes, quand elles seront confrontées au même dilemme initial.

mercredi 15 août 2018

UBS, futur Netflix de la banque d'investissement

UBS
Depuis longtemps, le commerce en ligne a substitué aux conseils des vendeurs d'antan de redoutables algorithmes de recommandation capable d'analyser nos préférences personnelles et d'en déduire les autres produits que nous devrions apprécier. UBS expérimente maintenant cette approche dans la banque d'investissement.

Bien qu'il n'y ait rien de commun entre le choix d'un film et la sélection d'un actif financier, les techniques de vente mises en œuvre sont similaires. Aujourd'hui, les commerciaux apprennent à découvrir les priorités de leurs clients – sociétés de gestion d'actifs et autres fonds alternatifs – et leurs proposent les transactions les plus susceptibles de correspondre à leur « goût ». Alors, pourquoi ne pas appliquer demain la même recette qu'un Netflix, pour ne prendre que cet exemple emblématique ?

Selon le Financial Times, le projet en est à ses balbutiements. Décliné exclusivement sur le marché obligataire, dans un premier temps, il reste, de surcroît, sous le contrôle des intermédiaires habituels, qui décident de transmettre ou non les suggestions automatiques à leurs clients. Naturellement, si l'expérimentation est concluante, elle sera étendue à d'autres classes d'actifs et la généralisation pourra court-circuiter entièrement les commerciaux, qui devront donc valoriser leurs compétences différemment.

Il est vrai que la comparaison entre Netflix et UBS a ses limites. La différence entre le marché de masse de l'une et la clientèle sélective de l'autre, pour commencer, représente un défi pour la fiabilité des recommandations. En effet, les algorithmes qui les concoctent ne sont efficaces que par le volume et la variété des données disponibles, à la fois sur chaque utilisateur, afin de filtrer ses préférences, et sur l'ensemble de la population, de manière à détecter des tendances pertinentes par proximité affinitaire.

Or, même pour une grande banque d'investissement telle qu'UBS, il est peu probable que le nombre d'opérations traitées approche l'ordre de grandeur d'une plate-forme de vidéo à la demande. En outre, certains observateurs considèrent que les clients de ces institutions ont chacun des motivations spécifiques qui nuisent à tout principe de comparaison et de rapprochement des comportements entre pairs. La première phase du test devra vérifier si, malgré ces handicaps, les algorithmes sont suffisamment performants.

Enfin, une fois ces obstacles techniques levés, le cas échéant, il restera à franchir l'étape la plus difficile (comme d'habitude) : la banque aura-t-elle la confiance et l'audace nécessaires de connecter directement ses clients avec ses algorithmes ? Autre tâche tout aussi ardue, il lui aura fallu, au préalable, également convaincre ces derniers des bénéfices qu'ils pourront retirer d'un système qui remplace leurs échanges réguliers avec leur intermédiaire habituel. Le poids des opérations dont il est question ici (sans commune mesure avec une location de film !) induit le doute chez plus d'un expert…

UBS

mardi 14 août 2018

La transformation passe par la formation

IBF Singapour
Dans notre monde en mutation, les dirigeants et les collaborateurs des banques s'accordent sur ce constat : les métiers et les rôles que nous connaissons aujourd'hui dans le secteur sont appelés à changer profondément. Mais cette prise de conscience se traduit-elle par une évolution concomitante des cursus de formation de la profession ?

À la simple consultation du catalogue d'un organisme spécialisé tel que le CFPB français, avec ses qualifications de conseiller (en agence ou à distance, pour diverses catégories de clientèle), autour des risques et de la conformité, dans la gestion d'actifs… il est permis d'en douter. Certes, ces différents parcours prennent certainement en compte les technologies modernes qui font le quotidien de ces positions. Mais rien ne laisse entrevoir que les besoins de demain, à l'ère de l'intelligence artificielle, sont appréhendés.

C'est donc à Singapour qu'il faut se rendre pour découvrir les prémices d'une approche projetée sur l'avenir. L'« Institute of Banking and Finance » (IBF) – une association sectorielle destinée à promouvoir et encadrer le développement des compétences – vient d'y mettre sur pied [PDF] une division spécifique, dont la mission exclusive est d'accompagner et soutenir les professionnels de la banque et de la finance dans leur acquisition de nouveaux savoir-faire et leur adaptation à de nouvelles fonctions.

En pratique, et sans fournir lui-même de programmes pédagogiques (qui n'entrent pas dans son champ de responsabilité), l'« IBF Careers Connect » a vocation à offrir un service d'orientation pour tous les salariés de banques qui s'interrogent sur leurs perspectives de carrière. Ils bénéficieront de recommandations concrètes sur les connaissances à acquérir, les formations disponibles pour rester pertinents sur le marché de l'emploi (qui, en parallèle, sont développées avec les établissements concernés)…

IBF Careers Connect

Naturellement, ce sont les impacts potentiels des technologies émergentes, intelligence artificielle en tête, qui suscitent un tel effort d'anticipation. À l'extrême, les responsables du dispositif s'attacheront en outre à identifier au plus tôt les métiers menacés d'obsolescence et travailleront en collaboration avec les institutions financières afin d'organiser les reconversions nécessaires de manière préventive, qu'il s'agisse d'ajuster les rôles existants ou de proposer des changements complets d'orientation.

La démarche de l'IBF répond à un enjeu considérable. En effet, les institutions financières risquent de devoir faire face, à moyen terme, à une crise majeure dans leurs ressources humaines, qui se matérialisera, d'une part, par l'inadéquation des profils actuels aux besoins futurs et, d'autre part, par une difficulté croissante à recruter les compétences requises pour faire prospérer une entreprise « digitale ». Seule une approche pro-active de formation, conciliant les deux facettes du problème, permettra d'éviter le désastre en gestation. Et elle doit être mise en place maintenant, car, bientôt, il sera trop tard.

lundi 13 août 2018

L'intrapreneuriat selon Sberbank

Sberbank
Les programmes d'intrapreneuriat sont rapidement devenus populaires parmi les grandes institutions financières et il en existe désormais toutes sortes de variations. Celui dont la russe Sberbank vient d'annoncer le début de la quatrième phase est sans conteste l'un des plus aboutis qu'il m'ait été donné de découvrir, à ce jour.

Si on écarte d'emblée les simples opérations de communication (interne ou externe) sans substance, l'ambition profonde d'une démarche d'intrapreneuriat sincère est double : il s'agit de permettre à des collaborateurs tentés de créer leur propre structure de continuer à s'épanouir au sein de leur organisation, tout en faisant bénéficier à cette dernière d'une opportunité de participer au lancement de nouvelles activités, en s'appuyant sur des personnes motivées et familières de leur environnement.

Sous une forme générale d'incubateur, Sber#Up constitue un dispositif à 4 étages destiné à accompagner les volontaires dans la création d'une véritable startup d'entreprise (viable, autant que possible). Le premier jalon, ouvert à tous les salariés, est un classique appel à candidature qui a valu à la banque russe de recueillir près de 600 propositions, dans toutes sortes de domaines. Apparemment, aucune sélection n'intervient à ce stade et tous ceux qui en ont la volonté peuvent poursuivre le parcours.

Dans sa deuxième étape, celui-ci consiste essentiellement en actions de formation (ou d'information), de manière à fournir aux apprentis les bases de la création d'une entreprise. Des rencontres avec des fondateurs de startups, des séminaires avec des experts, des sessions d'approfondissement des plans d'affaires… figurent au planning… principalement en dehors des heures de travail habituelles, donc sans impact sur l'activité normale de l'employé (qui doit de la sorte démontrer sa motivation !).

À partir de là commencent les choses sérieuses. Parmi les projets « survivants », un comité choisit les 12 plus prometteurs, à savoir ceux qui savent prouver qu'il existe une demande pour leur produit. Ceux-là ont alors deux mois (à temps plein) pour bâtir un prototype et rechercher leurs premiers clients. Le résultat est enfin présenté à un jury, composé de dirigeants de la banque et d'investisseurs privés, afin de déterminer ceux qui méritent d'être financés pour la prochaine phase de leur développement.

Au début de ce mois, Sberbank a ainsi apporté 27 millions de roubles (environ 350 000 euros) de capital-risque à 6 jeunes pousses qui l'ont conquise, dans des secteurs variés, de l'analyse de données à l'assistant vestimentaire, en passant par la gestion de programmes de fidélité, entre autres. Une septième ne reçoit pas de fonds mais sera tout de même soutenue. Dans tous les cas, un objectif pour la banque est aussi d'intégrer ces futures entreprises dans son écosystème (dont l'e-commerce fait partie).

En synthèse, ce qui rend l'approche intrapreneuriale de Sberbank crédible et solide tient en 3 caractéristiques essentielles, rarement combinées : un objectif clair (faire émerger des startups enrichissant la proposition de valeur de la banque), un processus structuré de bout en bout (du concours d'idée au premier tour de financement… et plus ?), une absence de complaisance (aussi sévère paraisse-t-il, le filtrage de 6 ou 7 dossiers sur 575 est normal). Il n'est pas question ici de faire briller quelques paillettes marketing !

Carrières à Sberbank

dimanche 12 août 2018

Un coffre-fort à bitcoin dans une banque ?

Bitcoin
Selon un article de la revue American Banker, plusieurs grandes institutions financières américaines – JPMorgan Chase, Northern Trust, Goldman Sachs, BNY Mellon…, entre autres, sont citées – réfléchiraient actuellement à la création de services de conservation sécurisée de crypto-monnaies. En seraient-elles vraiment capables ?

Au premier abord, l'idée paraît évidente. Que le bitcoin et ses homologues soient considérés comme des devises ou des actifs, le métier de la banque est et a toujours été (au moins en partie) d'assurer le stockage d'instruments de ce genre pour le compte de ses clients. En fait, il existe même une réglementation fédérale qui impose le recours à un intermédiaire pour la conservation de fonds au-delà de 150 millions de dollars, sur laquelle pourraient s'appuyer les tentatives de lancement des nouvelles offres.

Du point de vue des clients potentiels, et d'autant plus que la cible privilégiée serait donc principalement les détenteurs de portefeuilles importants, l'attrait d'un établissement traditionnel pour le dépôt de leur crypto-patrimoine reposerait classiquement sur la confiance qu'il inspire. En la matière, il est question autant de la conviction de la robustesse et la pérennité de l'entreprise (fondée sur sa réputation) que des protections qu'induisent automatiquement les réglementations auxquelles elle est soumise.

Ce sont des qualités que n'ont évidemment pas les acteurs qui proposent dès aujourd'hui aux détenteurs de crypto-monnaies de leur confier leur précieux trésor. Tous sont des startups, souffrant collectivement d'une réputation mitigée en raison des cyber-attaques dramatiques dont les plus fragiles sont régulièrement victimes. Et, bien qu'elles bénéficient généralement d'un statut officiel, les exigences qui pèsent sur elles sont relativement limitées et pas toujours suffisamment rassurantes pour leurs clients.

Les banques sauront-elles profiter d'auspices aussi favorables ? Hélas, rien n'est moins sûr. Le premier handicap dont elles souffrent dans cette course est leur lenteur proverbiale. En effet, du côté des startups, les solutions sont d'ores et déjà disponibles, tandis que, pour elles, il ne s'agit que d'hypothèses et de conjectures qui, si elles aboutissent, engendreront des projets de plusieurs années (dont le résultat pourrait, en outre, être décevant). En attendant, la confiance a le temps de basculer…

Une autre faiblesse structurelle des institutions financières est leur lourdeur, qu'elle soit due au poids légitime des réglementations qu'elles doivent respecter ou à leur culture. Son impact peut être dévastateur à la fois sur l'expérience utilisateur – lors des opérations d'ouverture de compte, de dépôt et de retrait – et sur les coûts du service, en particulier face à la concurrence de jeunes pousses agiles et nativement technologiques. Ce ne sont pas les meilleurs arguments pour convaincre des clients qui, de surcroît, tendent (pour l'instant) à être réfractaires au système bancaire en place.

Cependant, la question majeure qui se pose face à ces rêves de crypto-coffre-fort, est de savoir si les établissements historiques oseront franchir le pas. Quand les mêmes refusent d'entrer en relation avec de jeunes pousses lançant un projet autour du bitcoin ou quand elles ferment sans avertissement les comptes de petits traders du dimanche, il est tout de même difficile de les imaginer devenir dépositaires industriels de crypto-monnaies ! Sauf, peut-être, pour une éventuelle frange infime de grands groupes « de confiance » qui s'aventureraient par hasard sur ce territoire.

Si, enfin, la réglementation finit par effacer leurs hésitations (seul un texte officiel y parviendra, vraisemblablement), il leur restera encore un obstacle de taille à lever : trouver l'audace d'explorer un domaine certes proche de leur métier d'origine mais aussi totalement inconnu. Serait-il tellement surprenant que se rejoue là le même scénario que dans la gestion d'identité numérique, pour lequel l'alignement de planètes était idéal mais dont les implications en termes de responsabilité ont découragé le développement ?

Coffre-fort

samedi 11 août 2018

Comment BBVA a ingéré une startup

BBVA
Fin 2014, BBVA annonçait l'acquisition de Madiva, jeune pousse madrilène spécialiste des « big data », afin de renforcer ses capacités dans le domaine de l'analyse de données. Trois ans et demi plus tard, les deux partenaires dressent un bilan de cette intégration, soulignant au passage quelques clés essentielles de sa réussite.

Toutes les banques du monde ont plus ou moins le même rêve de devenir plus agiles, plus efficaces, plus séduisantes… et beaucoup d'entre elles considèrent que la collaboration avec des startups est un excellent raccourci sur la route conduisant vers cette destination. Qu'elles concrétisent leur espoirs par un rachat – comme dans le cas de Madiva – ou par d'autres moyens, il s'avère que le chemin est semé d'embûches et qu'il n'est pas aisé de mettre les qualités d'une petite structure au service d'un grand groupe.

Les fondateurs de la « proie » de BBVA le confirment d'emblée : la première année au sein de son nouvel environnement a été difficile pour l'équipe (une quinzaine de personnes), qui s'est sentie perdue dans cette organisation géante. Même si son activité d'origine consistait à apporter ses compétences à des entreprises de taille similaire, la perception est très différente quand il faut trouver ses clients dans des départements et filiales dont on ne connaît rien et qui ne sont pas spontanément demandeurs.

Ce n'est qu'après une longue période d'adaptation que Madiva a commencé à trouver ses marques. Un projet en particulier lui a permis de démontrer la valeur ajoutée de son approche : en s'appuyant sur une estimation du pouvoir d'achat des consommateurs en fonction de leur lieu de résidence, elle a identifié une clientèle de haut gamme échappant aux segmentations traditionnelles en raison d'une relation limitée avec la banque. Une campagne dédiée à cette population a généré 300 millions d'euros de revenus.

Madiva

Forte de ce succès retentissant, la jeune pousse a pu développer d'autres déclinaisons de ses modèles d'analyse au sein de BBVA et affermir de la sorte sa réputation, en interne, entre le pré-calcul de la prime d'assurance d'une habitation à partir de sa seule adresse (qui aide le conseiller à mieux argumenter l'importance de souscrire une police) et l'application mobile Valora View qui combine un maximum d'informations contextuelles afin de faciliter la recherche d'un bien immobilier à acheter ou à louer.

Outre la patience nécessaire pour réussir l'osmose entre deux entités aussi disparates, quelques règles fondamentales contribuent à maintenir le fragile équilibre de leur mariage. En premier lieu, une frontière infranchissable est tracée entre les domaines d'intervention de l'une et de l'autre : les experts de Madiva se consacrent exclusivement à l'exploitation de données d'origine externe, laissant aux départements spécialisés de la banque la responsabilité des usages des informations sur ses clients.

D'autre part, la société continue à offrir ses services à des entreprises hors du groupe BBVA (elles représentent plus de la moitié de son chiffre d'affaires), ce qui a notamment pour avantage d'assurer la diversité de ses missions et, donc, de ses sources d'inspiration. Enfin, bien qu'étant intégrée dans l'organisation et alignée avec son modèle de gouvernance, elle conserve une équipe de direction relativement autonome. L'objectif est, bien sûr, de perpétuer les qualités de startup qui ont motivé son acquisition.

Les exemples d'intégration (ou de simple collaboration) vraiment fructueuse entre grands groupes et petites structures sont suffisamment rares pour mériter de s'attarder sur la délicate alchimie que parvient à mettre en œuvre BBVA et sur les différents éléments qui la rendent possible. Il ne faut cependant pas perdre de vue que la maturité « digitale » exceptionnelle de la banque est une autre condition déterminante de ce succès.