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C'est pas mon idée !

dimanche 12 mai 2019

L'étrange régression des services financiers

Simple
En même temps que le ralentissement généralisé de l'innovation que j'évoquais hier, le secteur financier semble être victime ces derniers temps d'un étrange et inquiétant phénomène de régression qui voit les pionniers du « digital » redonner un coup de jeunesse aux paiements en espèces, aux chèques ou encore aux conseillers humains…

En effet, n'y a-t-il pas de quoi être surpris quand, en l'espace de quelques jours, Amazon annonce que sa première supérette Amazon Go à New York sera équipée d'une caisse traditionnelle, acceptant les règlements en cash ? Ou quand Google dévoile la possibilité de payer les achats réalisés sur son Android Market auprès de l'épicier du coin ? Ou quand une des premières néo-banques américaines, Simple, propose désormais un chéquier à ses clients ? Ou encore quand ING en France vante le contact humain ?

Que disent donc ces initiatives ? À écouter les discours officiels, il faudrait croire que ces entreprises, qui ne juraient jusqu'à maintenant que par le numérique, prennent soudain conscience de l'existence d'une population qui n'est pas prête pour les usages technologiques qu'elles ont développés. À moins qu'elles ne soient prises d'un désir d'élargir leur champ d'action à ces personnes « oubliées ». Mais je crains qu'il ne s'agisse en fait d'une réaction expéditive face à un problème mal appréhendé.

Plus précisément, Amazon est contraint par une législation qui, dans certains états, impose aux commerces d'accepter les espèces, par crainte d'exclusion d'une partie des consommateurs. Google, de son côté, ne paraît pas soumis à ces mêmes exigences, faute de présence physique, mais il lui faut impérativement faciliter les paiements sur mobile afin d'atteindre une performance équivalente à celle de l'AppStore d'Apple, sur un segment de clientèle qui, pour partie, privilégie des téléphones bon marché.

Un chéquier pour Simple

Du côté d'ING, la campagne marketing qui appuie son « nouveau » positionnement tente de valoriser le conseil que rien n'est censé mieux apporter qu'un échange (téléphonique) avec un professionnel. Pourtant, quand on réalise que, en moyenne, chaque collaborateur aurait potentiellement à gérer 4 000 clients, il faut déchanter : la personnalisation de la relation n'est qu'un prétexte. Enfin, le cas de Simple est le seul qui soit candide : la faculté de commander un chéquier répond à la demande des utilisateurs.

Car là réside bien le nœud de ce retour vers la préhistoire. Qu'elles soient explicites ou non, ce sont les exigences des consommateurs qui guident ces évolutions : le besoin de prendre en compte la masse de citoyens non bancarisés, pour le régulateur qui « gêne » Amazon ou pour Google, les réclamations directes de chéquiers ou d'explications sur des opérations importantes chez Simple ou ING… Or il faut admettre que, dans la plupart des cas, ces doléances sont légitimes et méritent d'être traitées.

Cependant, il serait triste de s'en tenir à un raisonnement aussi trivial. Comme avec tout besoin à combler, il est indispensable d'approfondir l'analyse pour être certain de fournir une réponse optimale et non juste tactique. En l'occurrence, il ne faut pas creuser longtemps pour identifier la racine des frustrations qui s'expriment, entre l'échec des instruments de paiement modernes à supplanter définitivement leurs ancêtres et la complexité persistante des offres bancaires du point de vue du commun des mortels.

Alors, en parallèle – sinon en substitution – d'initiatives rétrogrades qui ne sont que palliatives, ne serait-il pas temps de se pencher sur les vrais difficultés qui handicapent l'accès aux services financiers et d'explorer des solutions permanentes pour les lever ? Il est bien des domaines et, surtout, des régions dans lesquels l'inclusion financière par la technologie fonctionne (en Chine et en Afrique, notamment, pour les paiements). Les leçons apprises là-bas montrent bien qu'il n'y a rien d'impossible à cette vision.

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