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C'est pas mon idée !

dimanche 17 février 2019

Du chatbot recruteur au collaborateur robot

DBS Bank
Pour le meilleur et pour le pire, l'intelligence artificielle s'infiltre petit à petit dans tous les processus des entreprises. La récente attribution par l'EFMA d'un prix de l'innovation à DBS pour son robot d'assistance au recrutement nous procure une excellente opportunité de questionner les limites de l'automatisation dans un domaine hautement sensible.

JIM (« Jobs Intelligence Maestro ») a vu le jour pour accompagner la croissance rapide de l'activité de gestion de patrimoine à laquelle fait face la banque singapourienne et qui lui impose un rythme soutenu d'intégration de nouveaux conseillers. Il est donc conçu dans le but de soulager les personnels en charge de la sélection des candidats des tâches répétitives et à faible valeur ajoutée (ou, du moins, considérées comme telles) : filtrage des profils, réponses aux questions simples, tests psychométriques…

En pratique, JIM prend la forme d'un chatbot qui guide l'utilisateur dans les premières étapes du dépôt de son dossier. Au travers d'une sorte de conversation interactive, menée par écrit, en ligne, il commence par présenter les postes à pourvoir, puis collecte les informations utiles sur son interlocuteur – identité, formation, parcours professionnel… –, l'interroge sur ses motivations (y compris par le biais de questions ouvertes) et le soumet aux tests usuels, de personnalité et autres. Les données sont ensuite analysées afin d'établir la recommandation qui détermine la suite de son parcours.

Naturellement, l'approche présente des avantages évidents, autant pour les équipes de la banque que pour les candidats à l'embauche. Les premiers, dont 40 heures par mois sont désormais libérées grâce à la contribution de JIM, ont ainsi plus de temps à consacrer aux entretiens en tête-à-tête qui complètent le processus de recrutement. Les seconds, quant à eux, bénéficient de plus de flexibilité dans leurs démarches, qu'ils peuvent initier au moment de leur choix, et d'une certaine garantie de réactivité.

Prix de l'innovation EFMA pour DBS

Pourtant, il est difficile de ne pas s'inquiéter de possibles excès de l'automatisation dans la sélection des CV, sans même s'engager dans des considérations morales et/ou sociales (qui seraient également légitimes). En effet, il faut se souvenir que ce qu'on nomme intelligence artificielle aujourd'hui est un ensemble d'outils auto-apprenants dont l'unique but est, en synthèse, d'identifier des motifs répétitifs dans des jeux de données historiques et d'en répliquer les conclusions sur de nouvelles sources.

Décliné dans le contexte des ressources humaines, ce principe implique que le rôle délégué aux algorithmes consiste à comprendre les qualités valorisées parmi les spécialistes de la gestion de patrimoine et à détecter les dossiers présentant des caractéristiques similaires. Mais quel sera le résultat d'une telle mécanique ? Probablement une inéluctable uniformisation des profils retenus, qui aboutira tout aussi inévitablement à envisager une automatisation du métier de conseiller lui-même…

Les grands groupes ont déjà une fâcheuse tendance à favoriser, par leurs processus hyper structurés, la conformité des recrutements à un modèle standard, ce qui nuit dramatiquement à leur capacité d'adaptation dans un monde qui change. Or, l'intelligence artificielle, si elle n'est pas appliquée avec suffisamment de discernement (mais est-ce seulement possible ?), risque de renforcer ce biais. Que deviendra alors l'entreprise dont les algorithmes finiront par ne recruter que des clones (humains ou non) ?

1 commentaire:

  1. Je suis tout à fait d'accord avec votre article, qui remet en place quelques vérités.
    En effet, à l'heure où le terme « intelligence artificielle » est dans la bouche de tous les journalistes et commentateurs de tous poils (qui en général n'ont jamais codé une ligne de code de leur vie) Il est bon de rappeler, et je vous cite : « il faut se souvenir que ce qu'on nomme intelligence artificielle aujourd'hui est un ensemble d'outils auto-apprenants dont l'unique but est, en synthèse, d'identifier des motifs répétitifs dans des jeux de données historiques et d'en répliquer les conclusions sur de nouvelles sources. ». C'est absolument exact. Encore faut-il préciser que ce que l'on appelle « auto-apprenants » n'est jamais in fine que l'amélioration du résultat par augmentation des échantillons de données en entrée, permettant statistiquement de réduire les marges d'erreur.
    Dans certain contexte de l'utilisation de cette technique, il faut effectivement craindre une uniformisation des résultats allant à l'encontre du discernement humain, ce qu'on appelle communément « l'intelligence » à juste titre.
    Si l'intelligence artificielle existait vraiment, j'aimerais qu'elle me permette de remplacer les développeurs que je cherche désespérément sur le marché. Curieusement je n'ai jamais entendu ce cas d'usage à la radio ni dans les médias.
    Ce vocabulaire (intelligence artificielle) est trompeur, et nourrit des fantasmes en tout genre chez monsieur tout le monde. Il serait bon de trouver un autre terme pour désigner cette technique utile pour détecter des similitudes ou des ressemblances, difficiles à traiter en algorithmique classique. Et rappeler que, une fois les similitudes trouvées, il reste tout le traitement algorithmique classique à effectuer, ou bien le traitement humain si cela requiert de l'intelligence.

    Cdlt,
    Patrick Villeneuve - CDLK

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