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C'est pas mon idée !

mercredi 31 octobre 2018

BBVA, une stratégie digitale gagnante

BBVA
Il m'arrive rarement de commenter les résultats trimestriels des grands groupes de la finance. Ceux qu'a présentés BBVA hier, pour la période couvrant les neuf premiers mois de l'année 2018, méritent toutefois une exception, tant ils me semblent marquer un tournant important (aussi discret soit-il, à ce stade) dans les habitudes du secteur.

En effet, une fois passée l'incontournable restitution des chiffres du trimestre (aux couleurs mitigées, apparemment), la banque espagnole a consacré une partie conséquente de son exposé [PDF] (aux analystes comme aux journalistes) à la démonstration de la pertinence de son positionnement de banque « digitale » ET d'entreprise technologique. Pour une fois, nous pouvons donc mesurer les retombées concrètes d'une stratégie de transformation sur l'évolution d'une institution financière.

En premier lieu, BBVA revient bien évidemment sur la performance de ses ventes « digitales » qui, après avoir franchi le seuil des 50% sur un mois (en Espagne) sont en forte progression dans tous ses pays d'implantation (la moyenne globale atteint presque 40% sur une année). Les détails fournis permettent de découvrir que la croissance est particulièrement forte sur le segment des PME et sur les produits d'assurance. Il convient également de noter que le crédit hypothécaire approche les 10%.

Plus intéressant encore, la banque révèle la part en valeur de ces ventes « digitales » (et non plus seulement en nombre). Si elle est naturellement plus faible (un peu plus de 30% à l'échelle mondiale) car les produits simples et à moindre rendement sont plus fréquemment souscrits en ligne ou sur mobile (sauf aux États-Unis), la différence n'est pas si importante qu'on pourrait l'imaginer a priori. Ce constat confirme que le choix de déployer l'ensemble du catalogue sur tous les canaux de la relation client est avisé.

Résultats BBVA 3ème Trimestre 2018

D'autres indicateurs procurent une perspective tout aussi passionnante sur la transformation de BBVA. Son impact sur la fidélité, par exemple, est aux antipodes de certaines croyances : un an après leur « digitalisation », le nombre de produits souscrits par les clients espagnols croît (de 3,5 à 4,7 en moyenne), alors qu'il stagne pour ceux qui conservent une relation classique, ce qui se traduit mécaniquement par une augmentation de 22% de la marge brute qu'ils dégagent, contre une baisse de 5% pour les autres).

Enfin, BBVA réserve une place (certes modeste) dans sa présentation à quelques éléments marquants qui contribuent à l'efficacité de son organisation informatique. Elle fait notamment valoir l'adoption de méthodes agiles par 12 000 de ses collaborateurs, grâce auxquelles elle estime que la productivité de ses développeurs explose (multiplication par 6 en 2 ans du nombre de fonctions réalisées par chacun). Elle vante aussi sa capacité de réutilisation, citant l'exemple d'un projet mis en œuvre au Mexique, puis au Pérou et en Colombie, avec une réduction sensible des délais à chaque fois.

Le groupe considère que son positionnement « digital » est essentiel à sa performance à court terme – participant directement à la croissance de son ROE, aujourd'hui à plus de 12% – et à long terme. En conséquence, il poursuit sans hésiter ses investissements en la matière, à la fois pour accélérer son développement et améliorer son efficacité opérationnelle. Quel contraste avec BNP Paribas, annonçant le même jour une réduction du budget alloué à sa transformation afin de redresser sa rentabilité immédiate !

mardi 30 octobre 2018

DBS lance une plate-forme de tchat-commerce

DBS Bank
Parce que les services financiers s'intègrent au cœur des moments de vie des consommateurs, les banques doivent embrasser les écosystèmes auxquels ils participent. Ce raisonnement conduit aujourd'hui DBS à offrir une expérience complète de vente sur Facebook Messenger aux petites entreprises de restauration de Singapour.

Testée depuis le mois d'août avec 7 partenaires et lancée officiellement cette semaine, sa nouvelle solution Foodster est conçue pour simplifier la vie des commerçants et de leurs clients. Ces derniers entrent en relation avec leur fournisseur favori en interpellant – sur la plate-forme de messagerie, donc – son chatbot personnalisé, qui les guide ensuite dans le passage de leur commande. Il ne leur reste plus qu'à venir la retirer en boutique quelques minutes plus tard, après avoir reçu notification de sa disponibilité.

DBS ajoute à son outil un ensemble de fonctions complémentaires qui en facilitent l'utilisation. Ainsi, s'il accepte les paiements par carte bancaire (uniquement celles de sa marque, apparemment ?) ou via son porte-monnaie mobile PayLah!, il propose également une option de règlement en un « tap », après enregistrement initial des références de l'instrument choisi. Dans un autre registre, le chatbot « apprend » les préférences du client et pourra de la sorte lui suggérer les détails de sa prochaine commande.

Les commerçants, de leur côté, ont à leur disposition de riches possibilités, telles que la gestion de promotions et de programmes de fidélité, l'organisation d'enquêtes de satisfaction, ou encore des capacités d'analyse des ventes simples à prendre en main. Par ailleurs, la banque leur promet une intégration rapide et sans complexité dans leur environnement technique, grâce à son catalogue d'API, mis à contribution pour cette application (ce qui mériterait toutefois quelques explications).

DBS Foodster

Les premiers résultats de l'initiative semblent probants. L'adoption de Foodster parmi les consommateurs est soutenue, ce qui a conduit, par exemple, à une croissance de 20% des ventes pour l'une des entreprises qui l'a mise en œuvre (le café Kopi Ong). Un de ses bénéfices les plus appréciés est le surcroît d'efficacité qu'elle autorise (par l'anticipation des commandes et le suivi des habitudes et préférences des utilisateurs, notamment) et qui permet de rendre l'expérience client plus agréable.

Le concept rappelle évidemment les solutions que plusieurs grandes chaînes de restauration ont commencé à déployer depuis quelques années (McDonald's, entre autres). Avec Foodster, DBS le met à la portée des petits commerçants, en choisissant intelligemment de l'installer sur Facebook Messenger, outil de communication extrêmement populaire dans toutes les couches de population, alors que la lassitude face à la prolifération des applications mobiles s'installe, réduisant leur portée potentielle.

Du point de vue de DBS, la création de cette nouvelle plate-forme constitue une étape supplémentaire dans sa stratégie affirmée de devenir une « banque invisible ». En l'occurrence, l'acte de paiement, banalisé, disparaît (presque) entièrement derrière une expérience « digitale » optimisée pour les consommateurs et les entreprises. Dans ce modèle, il ne lui reste qu'à prendre place dans le rôle d'intermédiaire discret, qui facilite leurs parcours et en supprime toutes les frustrations et autres frictions.

lundi 29 octobre 2018

Gartner prédit la disparition des banques

Gartner
En 2015, le PDG de BBVA prédisait déjà la disparition, à terme, de la moitié des banques historiques dans le monde. En 2018, à l'occasion de son Symposium annuel, le cabinet Gartner renchérit en suggérant que 80% d'entre elles sont menacées d'extinction ou d'effacement d'ici à 2030, faute de véritable stratégie de transformation « digitale ».

Pour être précis, les perspectives d'avenir des institutions financières concernées vont de la fermeture pure et simple à la mutation en fournisseur de service banalisé et industrialisé, en passant par une survie d'apparat, sans plus réellement posséder de position concurrentielle sur le marché. En effet, ces structures auront de plus en plus de difficultés à rester pertinentes face à l'émergence puis la prise de poids de plates-formes globales, de nouveaux géants de la FinTech et autres acteurs non traditionnels.

Les causes de ce sombre tableau sont à imputer directement aux graves erreurs de jugement d'une grande partie des banques de la planète. Car, en dépit de leur communication tonitruante et universelle autour de leur transformation « digitale » et des investissements parfois considérables qu'elles affirment y consacrer, elles n'ont toujours pas pris la mesure des changements qui s'imposent à elles. Au contraire, elles continuent à fonctionner comme au siècle dernier derrière un masque légèrement modernisé.

Gartner Symposium ITxpo 2018

Pour le secteur dans son ensemble (et en dehors de rares exceptions), la priorité continue invariablement à porter sur la croissance des revenus et, pour atteindre cet objectif, les bonnes vieilles méthodes restent des valeurs sûres : rationalisations, amélioration de l'efficacité opérationnelle, augmentation de la productivité… En fait, ce que les institutions financières qualifient de « digitalisation » n'est guère que l'application brute des technologies contemporaines à ces enjeux, notamment par l'automatisation.

Or, quand elles se contentent de développer des canaux additionnels destinés à faciliter les transactions de leurs clients, quand elles se focalisent avant tout sur l'optimisation de leurs processus et organisations existants, elles perdent de vue le défi vital à relever : la transformation. Elles ne voient pas les signes de l'effondrement du secteur tel qu'elles l'ont toujours connu et de son remplacement par de nouveaux paradigmes, derrière lesquels la technologie permet d'abord de créer des modèles radicalement différents.

dimanche 28 octobre 2018

L'avenir de la gestion de patrimoine

Ayco
Lors de son acquisition par Goldman Sachs en 2003, Ayco proposait ses services de conseil financier aux dirigeants de grands groupes. Désormais, son offre s'adresse à l'ensemble des effectifs de ces entreprises, à l'instar de Google qui, selon un article de Business Insider, vient de signer un contrat extensif pour tous ses collaborateurs.

Fondée en 1971, la petite structure (elle compte 1 600 employés), a commencé son parcours en fournissant un conseil de pointe aux plus importants responsables de General Electric. Aujourd'hui, elle accompagne les directeurs généraux de 22 des sociétés du classement Fortune 100. D'une certaine manière, la récente évolution de son modèle s'est faite naturellement : pour quelques-uns de ses clients, il ne pouvait être question de déployer une solution sans qu'elle s'adresse à tout leur personnel.

Naturellement, les services sont différenciés selon la cible à laquelle ils s'adressent : quand les uns bénéficient d'un interlocuteur dédié qui les assiste individuellement dans la sélection de leurs investissements, dans leurs déclarations pour les impôts, dans la gestion de leur patrimoine…, les autres – dont les besoins sont considérés moins complexes – sont principalement pris en charge à travers une plate-forme technologique, complétée par des entretiens téléphoniques de coaching et des séminaires sur site.

Accueil Ayco

Pour les salariés des organisations clientes, la relation commence par un questionnaire sur leurs habitudes financières et se poursuit avec un programme de recommandations, ajustés selon leur profil (par exemple, les questions et suggestions différeront entre une jeune recrue et un vétéran de 55 ans) et en fonction de leur situation patrimoniale. Si elle le souhaite, l'entreprise peut d'ailleurs transmettre elle-même les informations qu'elle possède sur ses employés et, en particulier, sur leurs plans d'épargne-retraite.

À la fin de l'année, Ayco aura conquis plus d'un million d'utilisateurs, auprès desquels elle envisage maintenant de commercialiser des produits d'investissement (dans une logique apparemment similaire à celle des « robo-advisors »). Or, contrairement aux startups du secteur, son approche de conquête par l'entreprise lui permet de minimiser son coût d'acquisition de clients. Elle ouvre ainsi la perspective d'un modèle économique à la fois rapidement rentable et compatible avec une forte croissance.

En synthèse, Ayco offre une parfaite illustration de la gestion de patrimoine de demain. Au lieu d'instaurer une rupture plus ou moins arbitraire entre la masse des consommateurs auxquels ne sont proposés que des produits standardisés et quelques privilégiés dont la fortune justifie un conseil personnalisé, elle esquisse un continuum de services, capable de s'adapter progressivement au contexte de chaque client.

samedi 27 octobre 2018

HSBC teste la montre intelligente en agence

HSBC
À l'occasion de la conférence Money 20/20 qui se déroulait à Las Vegas la semaine passée, la branche américaine de HSBC présentait les détails d'une expérimentation originale en cours dans son « agence du futur » new-yorkaise, mettant en œuvre des montres intelligentes de Samsung, dans l'optique d'optimiser la relation avec les clients.

L'ensemble des personnels de première ligne (agents d'accueil, guichetiers, conseillers…) a donc été équipé d'une montre, sur laquelle est installée une application spécifique à la banque, principalement destinée à fluidifier et améliorer la communication entre les collaborateurs qui se répartissent sur les 3 étages de cette installation de prestige. Ils peuvent de la sorte émettre et recevoir des messages sans être attachés à un poste de travail fixe ni avoir à garder en permanence un téléphone ou une tablette à la main.

Les cas d'usage envisagés sont variés, entre la notification discrète à un conseiller de l'arrivée de la personne avec qui il a rendez-vous et la demande à un collègue de remplir une formalité (et la réception d'une alerte quand la tâche a été accomplie). Pour accroître la facilité d'utilisation (et éviter les distractions, notamment lors d'un entretien avec un client), les messages sont pré-définis et peuvent être envoyés avec un minimum d'efforts. La solution est en outre conçue pour être aisément enrichie de contenus additionnels.

Montre intelligente dans une agence HSBC

La montre Samsung Gear S3 retenue par HSBC étant équipé d'un module de communication 4G, les utilisateurs ne sont pas tenus de conserver leur smartphone à portée d'ondes, ce qui garantit que ses fonctions sont toujours opérationnelles, en toutes circonstances, partout dans les locaux. Ils peuvent même passer des appels téléphoniques directement sur leur poignet (ce qui sera peut-être réservé, au moins dans un premier temps, à ceux qui ne craignent pas de paraître un peu extraterrestres) !

Selon la banque, les résultats préliminaires de l'initiative montrent une réduction du temps d'attente pour les visiteurs de l'agence, assortie d'une meilleure qualité de la communication entre collaborateurs et d'une plus grande réactivité de leur part. Il reste, naturellement, à vérifier si l'investissement nécessaire (probablement conséquent) pour un déploiement à grande échelle est justifiable, mais l'impact apparemment positif de la montre connectée sur la satisfaction des clients méritait bien un projet pilote…

vendredi 26 octobre 2018

Les traders de demain seront data scientists

Greenwich Associates
À l'occasion d'une grande enquête auprès des opérateurs des marchés de taux (« fixed income ») américains, le cabinet Greenwich Associates découvre que non seulement la technologie devient de plus en plus importante pour ces acteurs mais également que les compétences requises de leurs traders et commerciaux sont en pleine évolution.

Parmi les grandes et moyennes institutions interrogées, le constat d'un déclin sensible des revenus, notamment sur les marchés obligataires, est largement partagé. Certaines des raisons de cette baisse – entre faiblesse des taux, volatilité minimale et coût élevé du capital – sont peut-être en train de s'estomper, mais les opérateurs prennent aussi des mesures actives pour redresser la barre. L'investissement dans les technologies figure parmi les plus fréquemment citées et les budgets sont en augmentation significative.

Plus précisément, les efforts vont principalement porter sur la gestion, l'exploitation et l'analyse des données (ainsi que sur l'automatisation des processus, afin d'améliorer l'efficacité opérationnelle). Il s'agit, par exemple, de fournir aux forces commerciales et aux traders une meilleure connaissance de leurs clients, à travers leur historiques de transaction, la composition de leur portefeuille, leurs préférences connues…, avec l'objectif de mieux adapter les produits qui leur sont proposés à leurs attentes.

Banks have shifted their technology focus toward leveraging data and analytics to increase market share

Ces nouveaux outils, qui pointent vers un objectif plus large de tirer profit des données disponibles, impliquent en outre des changements conséquents sur les profils de leurs utilisateurs. En effet, il leur est dorénavant demandé de disposer de compétences en matière de gestion et analyse de l'information, au point que celles-ci prennent même le pas, lors des recrutements de nouveaux collaborateurs, sur les qualités relationnelles ou l'expertise financière attendues traditionnellement pour les postes concernés.

S'il n'est probablement pas question à ce stade d'embaucher de vrais professionnels de la data science, il fait peu de doute que la tendance à privilégier des personnes formées à la manipulation des données va se propager et va progressivement faire monter le niveau d'exigence. La première conséquence de cette tendance sera immanquablement d'accentuer les tensions sur le marché de l'emploi (et de la formation). La pénurie actuelle de talents dans ces disciplines n'est donc pas près de disparaître et le risque sera alors de voir des débutants prendre les commandes d'applications critiques…

jeudi 25 octobre 2018

Le crédit immobilier sur mobile fait son chemin

Tinkoff Mortgage
La plupart des banques considèrent qu'il est inutile, voire absurde, de proposer à leurs clients de souscrire un crédit immobilier (ou hypothécaire) sur mobile, sous prétexte qu'il est complexe et requiert donc un échange avec un conseiller. Pourtant, il en est qui franchissent le pas : après CIBC, au Canada, la russe Tinkoff s'y met à son tour.

Jusqu'à maintenant, l'établissement 100% à distance proposait déjà, avec un certain succès, une plate-forme en ligne destinée à prendre en charge les demandes de crédit hypothécaire, soit directement par les particuliers, soit par les intermédiaires agréés (agents immobiliers, promoteurs, courtier…). Suivant attentivement l'évolution des attentes des consommateurs, il estime maintenant qu'il doit également leur permettre de gérer ces opérations à tout moment et en tout lieu, depuis leur téléphone.

La nouvelle application Tinkoff Mortgage conçue dans ce but offre un service (presque) complet, couvrant l'ensemble du processus de souscription, depuis la simulation d'emprunt et la comparaison des solutions des différents partenaires retenus, jusqu'à la proposition d'un contrat (qu'il faudra hélas signer dans une agence de la banque sélectionnée), en passant par la transmission des justificatifs requis (passeport, certificat d'employeur, relevé de revenus…, évitant la re-saisie des informations qu'ils contiennent), le tout accompagné d'un système de suivi pas à pas de l'avancement du dossier.

Comme son équivalent sur le web, l'outil mobile est mis à la disposition non seulement du grand public mais aussi des intermédiaires enregistrés. Ces derniers peuvent ainsi remplir les formalités de la demande de crédit pour le compte de leurs clients (et percevoir une commission pour cela). Autre possibilité, les particuliers qui assument eux-mêmes les démarches peuvent choisir de partager leur dossier avec leur agent.

Tinkoff Mortgage

L'initiative de Tinkoff paraîtra certainement ridicule à tous ceux, nombreux, qui continuent à penser que les consommateurs ne sont pas prêts à souscrire un crédit immobilier sur leur téléphone. Pourtant, les arguments justifiant une telle approche se multiplient. Le premier est la proportion, certes encore faible (peut-être 5 à 10% selon les marchés) mais en croissance constante, de personnes réceptives à l'idée d'un processus entièrement sur mobile, notamment pour des opérations de montant relativement modeste.

Surtout, un grand nombre de clients sont aujourd'hui demandeurs de pouvoir accéder à une partie du parcours depuis leur plate-forme préférée. Même s'ils souhaitent rencontrer un conseiller à un moment ou un autre, ils utiliseront l'application, qui pour réaliser une simulation, qui pour surveiller l'état d'un dossier, qui pour relire les conditions du crédit proposé, qui pour signer un contrat… Et cette exigence de disponibilité des différentes étapes sur mobile, au sein d'une expérience fluide et transparente, « omni-canal », pousse évidemment vers la mise en place d'une solution de bout en bout.

Enfin, il ne faut pas négliger le syndrome de « l'absence de besoin par absence d'offre » : il est facile de se convaincre que les clients ne désirent pas un service sous prétexte qu'ils n'en font pas la demande ou qu'ils ne le plébiscitent pas à l'occasion d'une enquête. Mais, l'expérience le prouve, ces perceptions ne constituent pas une preuve. En réalité, pour éviter les biais, notamment de l'habitude et de la résignation, le seul vrai test d'appétence consiste à fournir le service et à vérifier s'il est effectivement utilisé ou non. C'est ce que fait aujourd'hui Tinkoff (un peu contrainte par son modèle, il est vrai).

mercredi 24 octobre 2018

La malédiction du changement de dirigeant

Umpqua Bank
La création par Umpqua Bank d'une filiale dédiée représentait à mes yeux une intéressante démonstration de maturité de l'innovation au sein d'une institution financière. Las, l'annonce de la cession de Pivotus Ventures à Kony, fournisseur de plates-formes technologiques, conduit à s'interroger sur la pérennité de ce genre d'initiatives.

A priori, le choix d'externaliser la fonction innovation de l'entreprise constitue un pari très audacieux, car, en contrepartie d'une autonomie d'action importante, le risque est considérable de disperser les efforts dans des directions éloignées du cœur des préoccupations du reste de l'organisation. En l'espèce, la culture développée dans Umpqua Bank semblait réussir à éviter les dérives, comme le démontre le lancement récent de l'application GoTo, héritière d'une expérimentation plus ancienne.

Pivotus Ventures a même, dans une certaine mesure, réussi l'exploit de démultiplier la valeur de sa démarche d'innovation pour sa parente – dont la taille somme toute modeste limite nécessairement le potentiel – en ouvrant son modèle à des partenaires (étrangers), à commencer par la britannique Nationwide, en 2016, rejointe ensuite par une banque néerlandaise et une « credit union » australienne. Même si les relations ne sont pas rompues, la vente de la structure va certainement mettre un frein à cet élan.

Alors, pourquoi cette séparation ? L'explication donnée par le directeur général d'Umpqua, évoquant le besoin de développer un écosystème pour accélérer sa transformation, est peu satisfaisante, puisqu'elle n'aborde pas les causes profondes susceptibles de justifier son abandon presque total du contrôle de l'innovation. Les résultats sont-ils en cause ? Quoi qu'il en soit, les 3 petites années d'existence de la filiale (qui paraissent tout de même avoir été productives) suffisent-elles à établir un jugement définitif ?

Kony acquires innovation subsidiary of Umpqua Holdings

J'ai une autre hypothèse à formuler : le départ du PDG d'Umpqua Bank, Ray Davis, initié à la fin de 2016 et finalisé au début de 2018, marque la fin d'un cycle de croissance exceptionnelle fondée sur une stratégie d'innovation constante, et son successeur désire rompre avec ce passé. Il n'est certes pas absurde de vouloir profiter du remplacement du dirigeant (surtout après 25 ans de « règne ») pour réorienter les priorités, mais il est moins raisonnable de donner l'impression de succomber à des caprices.

Le cas d'Umpqua Bank est loin d'être isolé et, très souvent, l'innovation est la première victime des mouvements de personnes, car elle s'inscrit, plus que toute autre activité, dans une logique de long terme souffrant difficilement des ruptures de rythme. Mais peut-être faut-il voir aussi dans ces accidents une manifestation de la résistance globale de l'organisation au changement, qui ferait que, à travers la nomination d'un nouveau patron, le besoin d'une pause dans la transformation s'exprimerait automatiquement.

A contrario, la capacité d'une culture et d'une stratégie d'innovation (en tant que valeurs fondamentales) à survivre prospérer indépendamment des dirigeants signalerait une vraie maturité en la matière. En l'état, beaucoup d'institutions financières sont plutôt dans une approche « forcée », qui ne parvient à avancer que par des efforts permanents et ne demande qu'à se relâcher à la première occasion. À cette aune, le départ annoncé de Francisco González de la tête de BBVA sera un test critique pour l'espagnole.

mardi 23 octobre 2018

Le score de crédit se modernise

Experian
Bien qu'elles n'en soient pas encore à exploiter des sources d'information alternatives, les grandes agences de scoring commencent à se rendre compte des opportunités qui s'offrent à elles à l'ère de la banque ouverte. Experian s'apprête ainsi à expérimenter une nouvelle référence, baptisée UltraFICO, pour une évaluation plus performante.

Traditionnellement, aux États-Unis, la mesure de la fiabilité des emprunteurs (qui se matérialise par leur score de crédit) repose sur une partie de leur historique financier, principalement celle qui concerne les prêts qu'ils ont souscrits, leurs cartes de crédit…, et leur comportement pour gérer ces dettes. Le système s'avère donc assez injuste pour ceux qui n'ont pas d'antécédents suffisants (dont les populations jeunes, bien sûr), alors qu'il agit comme un couperet définitif dans les décisions des institutions financières.

Capitalisant sur la prolifération de données individuelles en ligne, aisément accessibles, combinée à l'émergence de technologies révolutionnaires d'analyse statistique, une génération de trublions est née (comprenant des acteurs tels que Lenddo et Kreditech) avec l'idée d'appréhender le risque de crédit par des évaluations comportementales sur toutes sortes d'activités quotidiennes. Cependant, le gros du marché du crédit est toujours tenu par des établissements qui ne font confiance qu'aux instruments classiques.

C'est bien pour celui-ci qu'Experian introduit le nouvel UltraFICO, qui n'est, en réalité, qu'une extension du vieux score FICO, largement répandu outre-Atlantique. Son objectif est en effet, essentiellement, d'affiner ses calculs (de manière totalement transparente pour les institutions clientes), en particulier pour les personnes qui se situent dans des « zones grises », c'est-à-dire celles dans lesquelles quelques points en plus ou en moins peuvent faire basculer le verdict entre un accord et un refus d'octroyer un crédit.

Score UltraFico

Pour profiter de cette option, les consommateurs intéressés sont simplement invités à connecter leur compte courant, d'épargne et/ou d'investissement, afin de vérifier s'ils font preuve d'une approche responsable de leurs finances personnelles. Il n'est rien de très sophistiqué ici (pas d'intelligence artificielle, pour une fois !), puisque les critères retenus pour l'analyse sont le niveau moyen du solde, l'absence de découvert, la régularité des règlements de factures, la durée et la stabilité de la relation bancaire…

Dans une certaine mesure, l'UltraFICO donne plutôt l'impression d'être en régression par rapport à des tentatives précédentes (restées en laboratoire) d'utiliser des données extra-bancaires (que FICO testait elle-même en 2015) ou d'appliquer des algorithmes complexes sur les relevés de compte (comme le propose Equifax au Royaume-Uni). Mais qui est responsable de cet immobilisme ? Les établissements de scoring ou les institutions financières, qui préfèrent peut-être la sécurité d'outils éprouvés, même s'ils sont dépassés aujourd'hui, et ne tolèrent l'innovation que quand elle est incrémentale ?

lundi 22 octobre 2018

UOB crée une banque pilotée par les données

UOB
Dans notre monde numérique, quelle banque ne se déclare pas aujourd'hui (ou bientôt) « pilotée par les données » (data-driven) ? Pendant que la plupart d'entre elles s'en tiennent aux intentions, la singapourienne UOB est entrée dans une phase de construction active, et elle vient d'annoncer [PDF] la mise en place d'une nouvelle brique.

Son plan initial, extrêmement ambitieux, a été présenté au cours de l'été 2018. Il s'agissait de mieux répondre aux besoins de la génération « digitale », en pleine expansion dans le sud-est asiatique, avec la création d'un nouvel établissement, transnational, dont les fondations reposeraient entièrement sur l'exploitation de l'information. Pour ce faire, UOB a défini un modèle à 5 étages, comportant acquisition (de clients), transactions, génération (de données), compréhension (insight) et engagement (des utilisateurs).

C'est donc ce dernier volet que la banque adresse avec l'ouverture, dans chacun des pays où elle veut déployer son offre (Indonésie, Malaisie, Singapour, Thaïlande, Vietnam…), d'un « Engagement Lab » (ou eLab). Le rôle de cette structure, dont les équipes (en cours de recrutement) comprendront des spécialistes de disciplines diverses, depuis l'analyse de données jusqu'aux sciences du comportement, sera d'expérimenter des solutions destinées à aider les clients à faire de meilleurs choix financiers.

La vision d'UOB est entièrement centrée sur la connaissance des consommateurs par l'information : dès l'entrée en relation, puis au travers de toutes leurs interactions – les opérations bancaires du quotidien étant, naturellement, les plus nombreuses –, les gigantesques volumes de données qu'ils génèrent rendent possible de comprendre et appréhender leurs attentes, leurs préférences et leurs habitudes individuelles, grâce auxquelles elle peut leur proposer des services ultra-personnalisés.

La mission des eLab intervient précisément sur la dernière partie du dispositif : imaginer, concevoir et tester, à partir de ce que la banque apprend de chacun de ses clients et en prenant en compte leurs particularités culturelles locales (qui justifient la répartition géographique des efforts), les moyens de leur procurer une expérience optimale, reposant sur l'anticipation de leurs attentes et la pro-activité du conseil. La cible est d'établir avec eux une relation étroite et fructueuse permettant de renforcer leur engagement.

UOB a bien intégré la nouvelle donne : en 2018, une institution financière ne peut plus se contenter de fournir aux consommateurs (et aux entreprises) des applications web et mobiles, même au design parfait (et garantissant [PDF], incidemment, une souscription dématérialisée, en moins de 15 minutes, de l'ensemble de son catalogue), pour distribuer ses produits habituels. La véritable banque « digitale » que demandent maintenant les clients doit aussi se mettre inconditionnellement à leur écoute et à leur service.

Powering Innovation across ASEAN – UOB

dimanche 21 octobre 2018

Un test pour évaluer la connaissance client

Robot
Qu'il soit question de solutions révolutionnaires créées par des startups ou de nouveaux produits concoctés par des entreprises établies, leur inadéquation aux besoins des clients visés est toujours une des principales causes d'échec de l'innovation. Mais comment faire pour s'assurer que ce qui, au départ, n'est qu'une idée trouvera sa cible ?

Le principe est connu et il constitue même la base d'une des méthodes de conception les plus populaires à l'heure actuelle, le « design thinking » : le succès d'une innovation se mesure à sa capacité à satisfaire une attente, explicite ou implicite, parmi les utilisateurs auxquels elle s'adresse. Hélas, cette demande latente est, naturellement, difficile à prédire avant de pouvoir en éprouver concrètement les hypothèses sur le marché. Il existe tout de même quelques critères déterminants pour effectuer un premier filtrage.

En particulier, il est parfaitement illusoire d'espérer réussir un projet quand les personnes qui le portent n'ont pas une connaissance intime de leur future clientèle. C'est ce qui justifie la recommandation aux innovateurs de « savoir se mettre à la place de son utilisateur » dans toutes les phases de la création, qui, bien qu'elle semble évidente, reste rarement appliquée dans les faits. Dans son nouveau livre, Guillaume Villon de Benveniste propose une méthode simple pour vérifier cette exigence fondamentale.

Inspiré du test de Turing destiné à évaluer la qualité d'une intelligence artificielle, son test de Benveniste consiste à soumettre à une même série d'une dizaine de questions, d'un côté, un panel d'utilisateurs représentatifs et, d'autre part, l'équipe désireuse de créer un nouveau produit, puis à demander à un « jury » isolé d'identifier les « vrais » clients uniquement à travers leurs réponses. Si les innovateurs font illusion dans un nombre suffisant de cas (30% ?), on peut considérer qu'ils connaissent leur cible.

L'auteur fournit un exemple (réel) tristement caricatural d'utilisation de son test, avec la question « pourquoi écoutez-vous de la musique ? », à laquelle les réponses à départager comprennent « la nouvelle appli, elle est top ! » et « c'est très reposant, cela permet de faire un break »… Devinez-vous laquelle émane des fondateurs d'une jeune pousse construisant une énième plate-forme de musique en ligne ? Évidemment, ces derniers auront du mal à convaincre qu'ils appréhendent les besoins qu'ils pensent combler.

Le problème est plus important qu'il n'y paraît, même s'il n'est pas toujours aussi flagrant. Entre les enquêtes consommateur orientées (dont le classique « si tel ou tel objet ou service existait, l'utiliseriez-vous ? »), les experts affirmant péremptoirement connaître leur marché grâce à leur longue expérience, les croyances universelles admises sans contrôle…, les certitudes non éprouvées sérieusement auprès des premiers intéressés sont légion et mènent au développement d'une multitude de solutions sans usages.

Si la connaissance des clients ne suffit pas à garantir le succès futur de concepts innovants, ignorer l'état d'esprit des personnes auxquelles on désire vendre quelque chose est le plus sûr moyen d'échouer. Ce risque est fréquent dans les grandes entreprises, quand les projets sont conduits par des équipes – informatiques, notamment – exclusivement concentrées sur l'expertise de leurs membres. Tous les intervenants devraient, au contraire, cultiver une immersion dans la peau des utilisateurs visés, et le test de Benveniste permet désormais de s'assurer que tel est bien le cas !

Test de Turing et test de Benveniste

samedi 20 octobre 2018

Ces innovations inutiles…

Société Générale
Après avoir été l'une des premières banques à commercialiser en France la carte de paiement à code de validation dynamique, Société Générale annonce fièrement qu'elle expérimente une carte à lecteur d'empreinte digitale intégré. Au-delà de la curiosité technologique, ce concept mérite-t-il vraiment d'être déployé, même pour un test ?

Il semblerait que l'histoire soit prête à se répéter et elle n'est pas très glorieuse pour les institutions financières. Elle a commencé il y a longtemps avec les assurances dédiées aux paiements en ligne, promettant un remboursement en cas de fraude, bien que ces risques soient déjà couverts (légalement) par les conditions générales de fonctionnement des cartes. Le code dynamique, facturé 12 euros par an par Société Générale sous couvert de sécurité supplémentaire, n'est qu'une déclinaison de la même idée.

Les consommateurs se laissent tenter, car, d'une part, la présentation des offres se veut très rassurante, et, d'autre part, les garanties existantes sont très largement passées sous silence (sans compter les obstacles artificiels qui sont souvent dressés pour faire valoir ses droits en cas d'incident). Grâce à ce tour de passe-passe, la banque rouge et noire se vante d'avoir séduit 400 000 clients avec le code dynamique, soit près de 5 millions d'euros de revenus annuels pour réduire les coûts de fraude qui ne leur incombent pas.

Sur un plan légèrement différent, la nouvelle carte biométrique s'apprête à reproduire un schéma similaire. Destinée à rendre possible les paiements sans contact sans limitation de montant grâce à une authentification systématique du porteur par son empreinte digitale, elle sera en effet probablement facturée aux clients, alors que les mêmes possibilités sont aujourd'hui disponibles avec Apple Pay (et autres solutions de paiement sur mobile), sans surcoût pour l'utilisateur… mais pas toujours pour la banque.

Carte biométrique Société Générale

Toutes ces innovations ont en commun d'être développées au profit quasiment exclusif de la banque et non de ses clients, en méprisant une de leurs attentes primordiales : la transparence. En l'occurrence, les acteurs en place paraissent prêts à détourner leurs clients du paiement via mobile, après des années d'efforts infructueux pour l'imposer, parce que ce sont d'autres acteurs qui ont réussi à le rendre (enfin !) utilisable. Il leur faudra pourtant accepter que la carte en plastique est condamnée à disparaître !

Et pour ajouter à la démonstration de l'absurdité de la démarche, pensons un instant à la planète. Car ces cartes, dont le plastique constitue lui-même une menace pour l'environnement, contiennent maintenant des produits polluants supplémentaires (dont une pile au lithium). Certes, la banque encourage le recyclage, mais, outre que cela ne suffira pas à éviter des rejets dans la nature, il s'agit, au minimum, d'un gaspillage de ressources, alors que les fonctions offertes ont toute leur place sur un téléphone qui, à défaut d'être « écologique », supporte une multitude de fonctions.

En conclusion, pour revenir à mon interrogation de départ, je pense que, assurément, certaines expérimentations ne devraient pas être menées : quand leur objet n'apporte pas de bénéfices significatifs aux clients (et il ne faut pas s'y tromper : ils finiront par le réaliser et leur ressentiment sera alors intense et brutal) et quand, de plus, il va directement à l'encontre des valeurs défendues par l'entreprise… il est vraisemblablement d'autres priorités à explorer (par exemple en matière de transparence).

vendredi 19 octobre 2018

Une banque (populaire) pour toute la famille

Banque Populaire
Une des plus anciennes préoccupations des banques en matière de connaissance client consiste à explorer les opportunités de capitaliser sur les liens entre personnes, notamment entre les membres d'une même famille. Avec son nouveau « Pack Famille », Banque Populaire devient la première à transformer l'idée en un produit concret.

Parce que, aujourd'hui, les institutions financières sont essentiellement centrées sur les produits qu'elles commercialisent et non sur leurs clients, la relation qu'elles entretiennent avec les ménages est souvent un peu étrange, depuis le cas où elle ne concerne qu'une moitié du foyer, l'autre étant prise en charge par un autre établissement, jusqu'au compte joint utilisé uniquement pour les dépenses en commun, en passant par les comptes séparés dont seul un conseiller avisé sait peut-être qu'ils sont liés.

Selon cette logique, la promesse (idéalisée) du Pack Famille est donc de replacer la famille au cœur de la relation bancaire. Pour ce faire, Banque Populaire propose une solution globale, susceptible de répondre à différents besoins, avec deux comptes individuels et un compte joint pour les parents, complétés par des comptes dédiés pour les enfants (jusqu'à 28 ans), tous comprenant évidemment cartes de paiement, intégration avec Apple Pay, Samsung Pay et Paylib, applications web et mobile de pilotage…

Pack Famille Banque Populaire

Il reste toutefois du chemin à parcourir avant d'atteindre l'ambition d'une offre focalisée sur les attentes de la famille. En effet, si l'accompagnement par un conseiller unique – dans les interactions du quotidien comme dans les moments de vie importants – constitue un pas dans la bonne direction, il n'est pas question (pour l'instant ?) d'une approche unifiée équivalente sur les canaux à distance : où est l'application qui permettra aux parents de gérer simultanément leurs opérations personnelles et celles du foyer, de préparer un grand projet ensemble, de surveiller les transactions des enfants…?

Espérons que l'espoir d'une inversion de perspective dans la relation avec les clients ne soit pas déçu et que, par exemple, la promotion commerciale du « Pack Famille » sur la base de son prix ne reflète pas sa seule justification réelle (et que, par conséquent, le reste ne soit pas que le fruit de mon imagination). Car la démarche mérite d'être approfondie et étendue : une autre cible évidente pour un traitement similaire est celle des entrepreneurs (au sens large), pour lesquels une prise en compte à 360° de leurs besoins, personnels et professionnels, serait certainement aussi bienvenue.

mercredi 17 octobre 2018

Slyp amène les tickets de caisse dans la banque

La jeune pousse australienne Slyp n'est certes pas la première à vouloir dématérialiser les tickets de caisse mais son approche originale d'intégration avec les applications de banque mobile rend sa solution à la fois plus simple d'accès pour les consommateurs et extrêmement attractive pour les institutions financières avides de données.

La caractéristique la plus marquante de l'approche de Slyp est la qualité de l'expérience utilisateur qu'elle offre aux commerçants et à leurs clients. Les premiers n'ont (presque) rien à installer ou à configurer (sauf pour profiter de capacités inédites supplémentaires) et ils gèrent leurs encaissements comme ils en ont l'habitude, tandis que les seconds ont accès aux informations dont ils ont besoin là où elles prennent le plus de sens, c'est-à-dire dans les relevés de transaction disponibles dans leur application bancaire.

Comment la startup réalise-t-elle ce miracle ? Il lui suffit d'établir un lien entre la carte de paiement utilisée pour régler les achats et le compte du consommateur, ainsi que le font depuis longtemps les plates-formes d'« offres liées à la carte » (CLO). Dès qu'elle identifie une carte correspondant à un utilisateur inscrit à son programme, elle intercepte le reçu de ses emplettes et, au lieu de l'imprimer, elle le transforme en une version « intelligente » (smart receipt) qui apparaît immédiatement dans son relevé d'opérations.

Outre l'évitement du tracas de gestion de factures imprimées, la solution présente l'immense avantage de supporter une multitude de services complémentaires, permettant aux marchands de renforcer la relation avec leurs clients. Il est par exemple possible d'associer aux articles listés des promotions spécifiques, des informations détaillées sur les garanties (avec option d'extension) ou les conditions de retour (avec notification), des suggestions d'accessoires additionnels, le dépôt d'un avis sur l'achat ou le produit…

Slyp Smart Receipts

Jusqu'à maintenant, les tentatives de dématérialisation des tickets de caisse semblent avoir des difficultés à s'imposer. En limitant au maximum les frictions dans les parcours de toutes les parties prenantes, tout en apportant un surcroît de valeur sensible, Slyp a peut-être trouvé la clé de l'adoption. Pour les commerçants, le principal critère de séduction sera la facilité (réelle) de mise en œuvre. Sur l'autre versant, les opportunités de rebond sur les transactions en boutique – que les « smart receipts » alignent avec les standards de la vente en ligne – devraient largement suffire à capter leur attention.

Du point de vue des consommateurs, l'adhésion au programme n'est plus qu'une formalité : plus besoin de télécharger une application dédiée, pas de formulaire à remplir ni d'informations à partager (notamment celles de la carte de paiement), un clic dans la plate-forme bancaire et le tour est joué ! Derrière cette simplicité, l'accès aux reçus dans les relevés d'opérations (et donc dans un environnement protégé et sécurisé) et la richesse des fonctions associées sont de solides arguments pour séduire les utilisateurs.

Enfin, l'idée de génie de Slyp est d'embarquer les banques dans son modèle. Bien que ce choix implique une démarche plus complexe, avec 3 catégories d'acteurs différentes à considérer et les difficultés à prévoir dans l'intégration du logiciel de Snyp avec des Systèmes d'Information plus ou moins hermétiques, son importance est inestimable pour la conquête des consommateurs. Et, comme le démontre les investissements de NAB et Westpac dans la startup, les banques se montrent (logiquement) très intéressées.

Rien d'étonnant à cela : d'une part, l'enrichissement des transactions dans leurs outils de gestion est, de longue date, une piste qu'elles explorent, et, d'autre part (et surtout), elles y voient probablement aussi une extraordinaire opportunité de collecter plus de données sur leurs clients (de celles que les géants du web exploitent depuis longtemps), dont elles sauront un jour tirer parti pour mieux les connaître et mieux les servir.

mardi 16 octobre 2018

Les crypto-devises s'institutionnalisent

Fidelity Labs
Encore un succès pour le lab d'innovation de Fidelity : ses différentes expérimentations avec les crypto-devises débouchent aujourd'hui sur la création [PDF] d'une filiale dédiée à la commercialisation d'une des premières offres spécialisées du marché, destinée à répondre aux attentes de plus en plus pressantes des investisseurs institutionnels.

En effet, même s'il ne s'agissait pas d'une priorité au départ, la prise de conscience qu'une part importante (70%) de ces acteurs considèrent désormais que les crypto-devises auront une place dans l'avenir du secteur a conduit l'institution à vouloir adresser ce besoin émergent. La nouvelle structure, baptisée Fidelity Digital Assets, proposera donc aux fonds alternatifs (hedge funds), bureaux de gestion familiale (family offices) et autres intermédiaires une solution professionnelle de trading et de conservation.

Bien sûr, d'un point de vue technique, il ne faut rien attendre de révolutionnaire, notamment par rapport aux innombrables plates-formes grand public existantes. Mais ces dernières n'inspirent pas suffisamment confiance aux investisseurs institutionnels, qui restaient donc, jusqu'à maintenant, dans l'expectative. En ce sens, l'initiative de Fidelity constitue un gigantesque pas en avant vers l'acceptation des crypto-devises en tant que classe d'actifs à part entière, accessible par les canaux « traditionnels » de la finance.

Fidelity Digital Assets

En réalité, le mouvement a été initié depuis plusieurs mois par quelques petits établissements, à l'instar de Falcon Private Bank, en Suisse. Mais quand l'une des plus grosses entreprises du secteur, à l'échelle mondiale, s'empare du sujet, il faut probablement s'attendre à une propagation rapide chez ses consœurs (dont bon nombre sont, semble-t-il, dans les starting-blocks). Malheur alors aux banques qui persistent à vouloir se tenir à l'écart de ce qu'elles estiment n'être qu'une mode sans lendemain !

Si le lancement de Fidelity Digital Assets est une étape cruciale dans la reconnaissance de la viabilité des crypto-devises à long terme, elle n'en légitime malheureusement que la valeur d'instrument financier (c'est-à-dire de crypto-actif). Or tant que les usages du bitcoin et de ses avatars comme monnaie (transactionnelle) ne se développeront pas en parallèle, cet aspect de leur existence continuera à reposer sur des bases artificielles, au moins en partie. Et ce déséquilibre persistant limite les perspectives pour l'avenir.

lundi 15 octobre 2018

TD aide les startups à breveter leurs inventions

TD Bank
Si les programmes d'accompagnement de startups se multiplient dans les banques du monde entier, il est parfois difficile d'en identifier la valeur ajoutée. Pour la canadienne TD, l'aide à l'obtention de brevets, qu'elle vient d'inaugurer avec trois de ses partenaires, constitue une démarche concrète, qu'elle estime mutuellement bénéfique.

Lancée il y a un an, avec une dotation de 3,25 millions de dollars, les premières entreprises à profiter de cette offre originale opèrent dans les domaines de la gestion des données, de l'intelligence artificielle et de la blockchain, pour lesquels, naturellement, l'enjeu de la propriété intellectuelle est important. En pratique, l'aide apportée par TD comporte une part de financement et une assistance opérationnelle aux dépôts de brevets, sans contrepartie directe (par exemple une prise de participation).

La banque ne s'étend pas sur l'intérêt qu'elle trouve dans une approche qui paraît presque philanthropique, mais il est aisé d'imaginer quelques hypothèses. L'une d'elles, suggérée dans sa communication officielle, serait sa volonté de permettre aux structures à fort potentiel avec lesquelles elle veut collaborer (seules visées) de se libérer des angoisses de la protection de leur patrimoine (et de formalités administratives souvent chronophages et complexes) pour se consacrer pleinement au développement de leur produit.

Cependant, en arrière-plan, les considérations ne se limitent peut-être pas à vouloir faire gagner du temps aux entrepreneurs. Il est aussi utile de dépasser rapidement cette étape afin de valider au plus tôt la viabilité d'une solution, quand, notamment pour des purs inventeurs, le seul objectif est de détenir un brevet, comme s'il s'agissait de l'aboutissement d'un processus d'innovation et que cela suffisait à bâtir un modèle d'affaires. L'idée peut faire sourire mais elle est hélas encore largement répandue.

Surtout, une des inquiétudes fréquemment rencontrés chez les porteurs de projets est de se voir dérober leurs concepts, par exemple à l'occasion d'une expérimentation organisée en partenariat avec un grand groupe (là également, les précédents existent, bien que le risque soit loin d'être aussi élevé que certains le croient). Le dépôt de brevet préliminaire peut, dans ce cas, constituer un facteur de mise en confiance primordial pour placer d'emblée la relation – par essence déséquilibrée – sur des bases solides.

Ajoutées à la protection globale des inventions des startups concernées, pour leur propre bénéfice, ces différentes motivations (plausibles) sont autant de raisons pour lesquelles le programme de TD représente aujourd'hui une des rares initiatives (relativement) concrètes de soutien aux créateurs d'entreprise, dont la valeur qu'il est possible d'en tirer, pour l'ensemble des parties prenantes, s'avère assez facilement mesurable.

Patent – Brevet
Image par Nick Youngson CC BY-SA 3.0 (Alpha Stock Images)

dimanche 14 octobre 2018

Vers la santé prédictible…

PAI Health
Quand son PDG vante les qualités des solutions de mesure des paramètres de santé que commercialise la jeune pousse PAI Health, il en évoque les bénéfices en matière de prévention, autant pour les personnes que pour les assureurs. Il paraît tout de même de plus en plus impossible d'ignorer une facette plus sombre de ces technologies.

En l'occurrence, cette société a mis au point un indicateur, le « Personal Activity Intelligence » (PAI), reposant essentiellement sur la mesure du rythme cardiaque, dont elle promet qu'il lui permet, grâce à de puissants algorithmes d'analyse de données, d'évaluer avec précision, aujourd'hui, la probabilité de développer une maladie cardiaque et, demain peut-être, les risques de mortalité. Elle propose en outre d'accompagner les personnes désireuses d'améliorer leur santé, quelle que soit leur situation initiale.

C'est, bien sûr, cet aspect de son offre que PAI Health met en avant pour convaincre les compagnies d'assurance de l'adopter. Ses arguments sont classiques : d'une part, la sensibilisation des consommateurs aux bienfaits des activités physiques (sportives ou du quotidien) est un facteur de réduction des indemnisations (en santé ou décès), et, d'autre part, l'engagement dans un programme de suivi, plus ou moins rapproché, constitue un excellent moyen pour elles de maintenir le contact avec leurs clients au fil de la relation.

PAI Health

Il n'est rien à redire à ces ambitions, qui sont parfaitement alignées avec les intérêts des assurés… Mais il devient impossible de ne pas prendre en considération les dérives qu'autorisent les mêmes approches. En premier lieu, comment ne pas s'inquiéter de l'hypothèse selon laquelle les personnes déclarées en situation de risque seraient exclues de toute forme de protection sociale (et donc, dans une certaine mesure, des possibilités de s'améliorer) ou seraient placées sous une tyrannie de l'exercice obligatoire ?

L'incertitude est à la base du principe de mutualisation des risques de l'assurance, depuis ses origines. Plus il existera des moyens d'affiner les probabilités individuelles, plus ce modèle sera menacé : le jour où un algorithme pourra vous annoncer la date de votre mort (ce qui ne semble déjà plus inimaginable), vous ne pourrez plus souscrire une assurance décès (seuls les accidents pourront encore être couverts). Et les compagnies privées qui jurent qu'elles n'en arriveront jamais à de telles extrémités résisteront-elles longtemps à l'attrait financier d'une sélection des clients toujours plus précise ?

samedi 13 octobre 2018

Comment NE PAS mesurer l'innovation

McKinsey Insights
Si je me suis souvent fait l'écho, dans ces colonnes, des réflexions que publie le cabinet McKinsey dans sa revue trimestrielle, j'avoue être très surpris de cet article traitant de la mesure de l'innovation dans l'entreprise (récemment complété par un entretien avec ses auteurs), tant il semble faire fi des réalités du sujet et en oublier l'essentiel.

Naturellement, la rentabilité des investissements constitue un enjeu majeur dans toutes les organisations et il paraît d'autant plus critique en matière d'innovation, puisque celle-ci est désormais présentée comme une condition sine qua non de survie, à moyen terme. Or il ne fait aucun doute que les tentatives de définir les « bons » indicateurs permettant d'évaluer l'efficacité des efforts mis en œuvre ont, jusqu'à maintenant, surtout démontré qu'il était très complexe de délimiter le périmètre à prendre en compte.

C'est dans ce contexte que McKinsey affirme avoir trouvé la recette miracle, avec deux métriques qui devraient au moins offrir à toutes les entreprises les moyens de se comparer à leurs pairs, sinon leur fournir un résultat absolu. L'un est le ratio des dépenses de recherche et développement (R&D) aux ventes de nouveaux produits et l'autre est le ratio du taux de marge brute aux ventes de nouveaux produits, qui évaluent respectivement le rendement de la R&D et sa contribution à l'évolution des marges.

D'emblée, il devrait être évident que ces deux instruments n'ont, en réalité, que très peu de rapport avec l'innovation, même s'ils peuvent avoir une utilité pour d'autres finalités. Pourquoi ? Parce que les données sur lesquels ils s'appuient n'ont qu'une contribution partielle (voire minime) dans l'innovation. La R&D, même si elle intervient dans les cycles de création, n'en est que le premier maillon et il n'est même pas indispensable ! Et les nouveaux produits ne sont pas, loin de là, la seule manifestation de l'innovation !

McKinsey – Taking the Measure of Innovation

Pourquoi écarter la ré-ingénierie des processus, la conception de modèles d'affaires originaux, voire les transformations organisationnelles dans le mix ? Tous peuvent se révéler aussi radicaux que le lancement d'un nouveau produit et tous sont susceptibles d'avoir un fort impact sur l'activité. Comment peut-on oublier qu'entre la recherche et la mise sur le marché, les étapes intermédiaires qui font la véritable innovation sont souvent les plus lourdes et les plus onéreuses et que leur performance est capitale ?

Plus profondément, est-il réellement possible d'affecter un coût à l'innovation (à placer au dénominateur d'un ratio) alors qu'il est désormais largement accepté qu'il s'agit d'une discipline qui devrait faire partie des missions quotidiennes de l'ensemble des collaborateurs, de la culture d'entreprise ? Ou bien ne vaudrait-il donc que de mesurer ce qui paraît disruptif ? Mais, dans ce cas, qui pourra dire que la croissance des marges brutes n'est pas dû aux petits changements et autres évolutions incrémentales ?

Bon, il est facile de critiquer mais j'entends d'ici ceux qui me demanderont : « Patrice, que proposes-tu comme indicateurs, si ceux-là ne conviennent pas ? ». Je n'ai hélas pas (encore ?) de réponse formelle. Cependant, il me semble que, si l'objectif d'une organisation est de toujours mieux répondre aux besoins de ses clients, un critère important, applicable à toutes les formes de création, est leur satisfaction. Pourrait-on aller jusqu'à considérer que son amélioration est un bon reflet du succès de l'innovation ?

vendredi 12 octobre 2018

L'app de Metro Bank devient intelligente

Metro Bank
Nouvelle conquête de Personetics, qui a décidément le vent en poupe, la britannique Metro Bank propose maintenant à ses clients de les accompagner concrètement dans la gestion de leurs finances personnelles, non seulement avec des outils d'analyse de leurs dépenses mais aussi avec des notifications personnalisées.

Bien qu'elle ne disparaisse pas (elle reste même proéminente dans cette implémentation de Metro Bank), l'approche traditionnelle du PFM reposant sur le suivi graphique de quelques grandes catégories budgétaires a vécu. Désormais, ce qui compte vraiment pour la banque est d'aider le consommateur (et, demain, le responsable d'entreprise) à rester globalement au fait de sa situation financière, à identifier les circonstances qui réclament son attention et à optimiser les détails de sa vie quotidienne avec l'argent.

Avec son module Insights, Metro Bank veut proposer tout cela. Ainsi, outre ses classiques options qui révèlent à l'utilisateur où son argent disparaît chaque mois, l'application mobile peut – un accord préalable est demandé – l'alerter sur un risque de découvert à venir, sur un achat débité deux fois, sur une augmentation significative d'un paiement à un fournisseur régulier, sur la mise en place d'un nouvel abonnement (dont le prélèvement vient d'être effectué)… avec la suggestion de sa résiliation immédiate…

Metro Bank Insights

En tout, une vingtaine d'événements différents sont déjà intégrés et d'autres devraient être rapidement ajoutés, notamment en réponse aux idées que soumettront les clients. En arrière-plan, l'outil s'appuie sur une analyse de 6 mois de transactions pour interpréter les habitudes et le comportement de chaque individu, à partir desquels son « intelligence artificielle » devient capable de détecter les anomalies et autres changements susceptibles d'intéresser le mobinaute ou requérant une action de sa part.

L'initiative de Metro Bank reflète une évolution sensible de la vision historique des services financiers : dans l'ère de l'hyper-communication et des sollicitations incessantes, il paraît futile de compter sur l'attention spontanée et durable des consommateurs pour leurs comptes. Résolus à ne pas perdre de temps avec la gestion de ce qu'ils considèrent comme un simple moyen de satisfaire leurs envies, il ne reste à la banque qu'à leur offrir un assistant avisé qui les interpelle uniquement en cas de réelle nécessité.

jeudi 11 octobre 2018

Le modèle gratuit de Robinhood s'affirme

Robinhood
Quand la plupart des observateurs de la scène FinTech s'inquiètent ou se gaussent des modèles économiques des startups distribuant leurs services gratuitement, Robinhood continue à démontrer, avec le lancement de sa plate-forme de compensation et de conservation, que son approche du trading sans frais n'est peut-être pas une utopie…

En premier lieu, l'ajout de cette brique importante à son socle d'infrastructure va permettre à l'entreprise de mieux contrôler sa destinée, l'autorisant, par exemple, à enregistrer et valider les créations de comptes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour la plus grande satisfaction de ses clients, alors que son prestataire actuel n'opère que pendant les horaires de bureau. Le deuxième enjeu est économique, car l'activité a désormais atteint une taille critique justifiant de mettre en place un dispositif qui s'avère pourtant lourd.

Il aura en effet fallu deux ans d'efforts, techniques et réglementaires (auprès de trois autorités différentes), à Robinhood pour parvenir à ses fins. Et même si, en apparence, la nouveauté concerne plutôt sa cuisine interne, les plus de 6 millions d'utilisateurs de son application vont immédiatement profiter de son déploiement car elle va conduire à une baisse sensible, voire une élimination, des frais facturés à ce jour sur certaines opérations exceptionnelles (encaissement de chèque, annulation de virement…).

Il n'est donc résolument pas question pour la jeune pousse de dévier de sa stratégie de service gratuit. Il est vrai qu'avec ses récentes levées de fonds (dont 360 millions de dollars en mai dernier), elle peut se permettre non seulement de ne pas être rentable mais également de continuer à investir. Cependant, elle n'en recherche pas moins des idées de modèle économique, entre, notamment, approche « premium » (assortie d'offres de crédit aux investisseurs) et transferts d'ordres à des partenaires en quête de liquidité…

Robinhood Clearing

La foi inébranlable de Robinhood dans la viabilité de sa démarche prend un relief particulier quand son annonce intervient le même jour que celle de l'ACPR, qui, à l'occasion d'une « étude sur les modèles d'affaires des banques en ligne et des néobanques » [PDF], s'inquiète de l'absence de rentabilité des nouveaux entrants, en France. Loin d'être isolé, le régulateur ne fait d'ailleurs que refléter l'opinion répandue selon laquelle la FinTech se dissoudra dans la banque faute de marges suffisantes.

Plutôt que de se pencher sur les résultats immédiats des startups (j'écarte ici volontairement les filiales dites 100% « digitales » des grandes institutions financières, dont les ambitions sont très différentes), les sceptiques devraient observer attentivement les deux (presque) seuls indicateurs qui comptent et qui peuvent légitimement inquiéter dans une phase d'hyper-accélération : les financements permettront-ils d'atteindre les objectifs visés et des pistes de modèles économiques sont-elles explorées ?

Dans le cas de Robinhood, ces deux questions ont des réponses claires, qui donnent espoir aux investisseurs de miser sur une pépite d'avenir, et nul ne se soucie de ses pertes (jusqu'à un certain point, certes). Chez nous, on dirait que le concept de startup n'est toujours pas intégré : il faudrait que N26, Revolut et même Orange Bank soient rentables en quelques mois ! Eh non ! Créer et stabiliser une néo-banque prendra de longues années (5 ? 10 ?) et la soutenir est une prise de risque à long terme !

mercredi 10 octobre 2018

Mylo valorise l'investissement responsable

Mylo
Quand beaucoup d'institutions financières ignorent encore le désir de leurs clients de s'engager pour un monde meilleur, quand les autres leur proposent tout au plus quelques rares options d'investissement responsable, la jeune pousse canadienne Mylo estime que la tendance est tellement importante qu'elle justifie un service premium.

Mylo ? Souvenez-vous, nous l'avions découverte (en France), avec quelques-unes de ses compatriotes, à l'occasion du Paris FinTech Forum, au début de l'année. Sa solution invitait alors les consommateurs à investir automatiquement les centimes d'arrondis de leurs dépenses – et des contributions complémentaires, ponctuelles ou récurrentes, pour ceux qui peuvent se le permettre – dans un portefeuille d'épargne destiné, d'abord, à les aider à faire face à un coup dur, puis à préparer des projets plus ambitieux.

Cette offre de base, facturée 1 dollar par mois, s'enrichira donc bientôt d'une grande sœur, baptisée Mylo Advantage, qui, comme son nom l'indique, introduira quelques possibilités supplémentaires, pour 3 dollars par mois (toujours fixes, tout compris). Parmi les nouveautés, la mise en place de comptes d'épargne réglementée et défiscalisée (« TFSA » et « RRSP »), les cadeaux et réductions de la part de partenaires ou encore l'option de retrait rapide des fonds apportent un surcroît de valeur directement perceptible.

En revanche, le choix d'inclure dans cette palette de services haut de gamme un fonds d'investissement responsable – défini par une sélection de supports dont les entreprises sous-jacentes défendent des valeurs sociales et environnementales – est plus surprenant. En effet, qui imaginerait a priori de demander aux consommateurs de payer plus cher pour obtenir le privilège d'accéder à un produit aligné avec des préoccupations de développement durable, équitable, éthique… ? Probablement des visionnaires…

Mylo Advantage

Une première manière d'interpréter l'initiative de Mylo – légèrement cynique, un peu dans l'esprit de la théorie des nudges – consisterait à y voir une tentative de présenter l'investissement responsable comme une approche de luxe, ce qui aurait pour but de susciter l'intérêt de personnes pas nécessairement sensibilisées à ses enjeux. Dans ce cas, elle porterait principalement l'engagement de la startup elle-même, qu'il resterait toutefois à compléter avec une véritable démarche pédagogique auprès des clients.

Autre hypothèse, et elle n'est pas exclusive de la précédente, la mise à leur disposition d'un fonds correspondant à leurs convictions profondes pourrait être considérée par les consommateurs réellement impliqués comme un avantage méritant un surcoût, à l'instar de l'acceptation généralisée des prix plus élevés des aliments « bio ». Le raisonnement n'est probablement pas très répandu à l'heure actuelle, mais il est imaginable qu'il se développe, faisant alors de Mylo un précurseur avisé.

Quoi qu'il en soit, la startup nous livre ici une magnifique démonstration de sa capacité à identifier une attente forte – quoique latente, dans la plupart des cas – de ses utilisateurs et à lui apporter une réponse pas tout à fait conventionnelle. La sensibilité sociale et environnementale des citoyens, notamment parmi les jeunes générations, est en forte hausse depuis quelques années et les entreprises qui savent s'associer concrètement aux causes qu'ils défendent bénéficient naturellement d'une plus grande confiance.