Free cookie consent management tool by TermsFeed
C'est pas mon idée !

vendredi 31 mars 2017

Le changement, de l'acceptation à l'envie

Forrester
S'il faut en croire leur communication, toutes les entreprises, et les institutions financières en particulier, semblent aujourd'hui prises d'une fièvre d'innovation. Pourtant, quand on interroge leurs dirigeants, bien peu s'avèrent réellement convaincus des changements radicaux qui vont affecter leur activité dans les années qui viennent.

Pour analyser ce phénomène, James McQuivey, analyste pour Forrester, résume dans un utile billet de blog quelques-uns des grands traits psychologiques requis de la part des leaders de la transformation dans un monde qui bouge toujours plus rapidement. En effet, tandis que, par le passé, il pouvait suffire d'accepter les changements quand ils survenaient une fois tous les 10 ans, cette accélération impose désormais de les espérer et les rechercher, ce qui demande naturellement des qualités différentes.

De toute évidence, le pas n'a pas encore été franchi dans la plupart des banques et compagnies d'assurances. Celles qui en sont encore à se persuader que rien ne les menace et que leur secteur sera le seul à sortir indemne de la révolution « digitale » sont les plus visibles. Cependant, il est une autre catégorie, probablement majoritaire, dont les responsable perçoivent ce qui se passe autour d'eux, mais passent leur temps à se demander comment éviter d'avoir à agir plutôt que de commencer à s'adapter.

Enfin, il reste quelques exceptions, des entreprises dans lesquelles le changement s'inscrit dans la culture et fait partie du quotidien, faisant d'elles les futures gagnantes de la compétition concurrentielle. Pour J. McQuivey, cet état d'esprit est d'abord insufflé par la direction générale et, selon son expérience et ses rencontres, il découle plus ou moins directement de 3 caractéristiques personnelles que ceux qui n'embrassent pas les transformations devraient impérativement chercher à développer.

La première de ces qualités est la « tolérance à l'ambiguïté » (ou à l'incertitude), c'est-à-dire la capacité à fonctionner normalement tout en entretenant deux idées contradictoires simultanément ou, plus généralement, à assumer le fait qu'un problème peut ne pas avoir de solution unique claire. Vient ensuite l'« efficacité personnelle » – qui présente l'avantage singulier d'être contagieuse – ou la conviction intime de la valeur qu'on peut apporter en tant qu'individu dans une situation complexe future.

Troisième faculté nécessaire, et non la moindre, la « recherche de variété » occupe une place difficile car elle est souvent mal perçue, surtout en France. Il est vrai que jusqu'à récemment, la norme consistait à faire le même métier dans la même entreprise toute sa vie et celui qui ne s'en contentait pas était considéré comme un marginal. Mais ce ne peut perdurer, parce que l'homme est un animal biologiquement programmé pour évoluer. Et l'époque actuelle montre combien le naturel peut reprendre le dessus !

Le mouvement de fond étant relativement lent, il est trop facile pour les institutions financières de croire que la révolution en cours n'aura pas d'impact sur elles. La priorité, pour éviter le pire, est donc d'admettre qu'une transformation profonde aura lieu, même si on ne sait dire quand elle se produira. Ensuite, il faudra préparer l'adaptation de l'ensemble de l'organisation à un rythme accéléré de transformation permanente, pour laquelle les dirigeants doivent eux-mêmes adopter de nouveaux comportements…

Fonte de la glace

jeudi 30 mars 2017

RBC expérimente le conseil connecté

RBC
L'innovation dans le secteur financier est parfois si lente que des idées qui semblent banales s'avèrent parfois être (presque) révolutionnaires. C'est le cas (pour moi) aujourd'hui avec une expérimentation de conseil personnel à distance que vient de lancer la Banque Royale du Canada (RBC), exprimant une évolution culturelle plus que technologique…

Conçu et mis au point dans l'un des laboratoires d'innovation de la banque (celui de Toronto), « Mon Conseiller » est destiné à compléter la palette de canaux de communication mise à la disposition de ses clients. Il permet à ces derniers de prendre contact avec leur conseiller, en temps réel, depuis le lieu de leur choix. Sa principale particularité n'est pas tant la possibilité de dialoguer en visioconférence – au choix du client, qui peut toujours préférer le téléphone – que le partage dynamique d'écran.

En effet, grâce à cette fonction originale, les deux interlocuteurs peuvent consulter et modifier ensemble un tableau de bord en ligne présentant les objectifs d'épargne du client et à partir duquel ils peuvent préparer et ajuster conjointement un plan d'investissement, afin de les atteindre. Une des limitations les plus douloureuses des échanges distants est ainsi levée, rendant les interactions aussi efficaces qu'en face à face (si, toutefois, il est aussi prévu de finaliser et signer les contrats sur le même média).

RBC Mon Conseiller

Dans un premier temps, « Mon Conseiller » n'est déployé que sous forme d'un pilote, auprès d'un échantillon de clients. Cette phase a vocation à recueillir les réactions et suggestions des premiers utilisateurs, et, le cas échéant, procéder aux évolutions nécessaires, avant une généralisation qui pourrait intervenir dans le courant du premier semestre de cette année. Selon RBC, les réactions initiales démontrent un fort intérêt des consommateurs pour le service, quels que soient leurs objectifs financiers.

L'initiative de RBC expose, en miroir, les lacunes des tentatives actuelles des institutions financières traditionnelles de répondre aux attentes de leurs clients en matière de relation via les canaux numériques. Quand elles vantent la valeur de la proximité, elles restent focalisées sur les rencontres présentielles, en agence, sans se rendre compte que les technologies modernes et les usages courants des consommateurs offrent de nouvelles opportunités que leurs clients sont souvent prêts à accueillir avec enthousiasme…

mercredi 29 mars 2017

Hello Bank! s'offre un robot du pauvre

Hello Bank!
Parmi les 2 500 et quelques billets publiés sur « C'est pas mon idée ! », il en est un qui a connu une histoire particulière : mes premières réactions au lancement de Hello Bank! ont été les seules à recueillir plusieurs commentaires de clients, plutôt négatifs. Un bout de voile s'est récemment levé sur les possibles raisons des difficultés observées.

Une des plaintes les plus fréquemment entendues à l'encontre de la banque mobile de BNP Paribas concerne les délais d'ouverture de compte. J'ai voulu croire, au début, il y a presque 4 ans, qu'il s'agissait de défauts de jeunesse cumulés à un engorgement face à un flot de demandes inattendu. Malheureusement, les mêmes échos me parviennent toujours aux oreilles aujourd'hui, les attentes de 3 ou 4 semaines sans nouvelles de l'avancement d'un dossier restant apparemment monnaie courante (également confirmées par un nombre conséquent de messages sur le forum dédié).

Or, une étude de cas publiée par la société Contextor laisse entendre que des mesures ont été prises afin de pallier à ces déficiences. Le spécialiste de la « Robotic Process Automation » (RPA pour les intimes) explique en effet avoir déployé sa solution sur le processus de création de compte, qui aurait permis de réduire le temps moyen de traitement de 80%. Toutefois, comme il est question par ailleurs de 5 minutes au lieu de 25, cette évolution n'aidera pas les malchanceux qui patientent plusieurs jours.

Les détails de l'initiative apportent pourtant des informations intéressantes sur le fonctionnement (et les limitations) de Hello Bank! Ainsi, Contextor automatise les interactions avec 17 traitements de données (saisie, enregistrement, acquisition de documents, contrôles…), gérés par 12 applications hétéroclites, qui étaient jusqu'alors pris en charge par des opérateurs humains ! Voilà la réalité profonde d'une nouvelle application mobile bâtie sur des fondations historiques, oubliées de la modernisation.

On est bien loin de l'image rêvée (et encore largement véhiculée par les médias) d'une « néo-banque » moderne, robuste et efficace. Or, ce n'est pas l'ajout d'une couche de robotisation – qui, rappelons-le, se contente de reproduire les actions d'un humain sur son poste de travail – qui va permettre de corriger le tir. Certes, une partie des traitements vont être accélérés et les opérateurs vont disposer de plus de temps pour des tâches plus importantes. Hélas, l'initiative représente aussi un sérieux danger latent.

Le concept de RPA qui semble soudain (re-)devenu à la mode dans les institutions financières est un avatar d'une longue lignée de technologies destinées à redonner une nouvelle jeunesse à des systèmes informatiques anciens. Qui se souvient des solutions de « revamping » puis de « servicisation » des vieux écrans à caractères verts ? Ces précédents nous enseignent que ce genre d'approche entraîne presque irrémédiablement un risque de paralysie progressive insidieuse, reposant sur des illusions.

D'abord, en s'attaquant à la surface des problèmes – à savoir l'interface utilisateur, au niveau du poste de travail –, ces outils évitent trop facilement aux entreprises de s'interroger sur l'obsolescence de leurs processus et systèmes existants. D'autre part, les succès initiaux conduisent souvent à une propagation de leur usage, qui va, petit à petit, handicaper toute velléité de modernisation : si des composants sont modifiés ou si les processus doivent évoluer, l'impact sur les robots deviendra un point de blocage, par son coût direct et par la menace qu'il fait peser sur les investissements.

Qu'on ne s'y trompe pas : les RPA apportent (peut-être ?) une réponse tactique à des problèmes ponctuels. Mais il faut être parfaitement conscient que, par exemple, ils ne lèveront jamais les contraintes internes engendrées par l'étanchéité des silos applicatifs. Alors, pour éviter de tomber dans le piège de la paralysie, ils ne devraient être envisagés, dès l'origine, que comme des solutions temporaires, APRÈS la définition et le lancement d'un vrai projet de transformation et en attendant son aboutissement.

Robot « approximatif »
Simone Giertz – YouTube

mardi 28 mars 2017

Nationwide facilite l'emprunt en famille

Nationwide
Même quand elles ne souhaitent pas s'approprier intégralement le concept, le crédit P2P (de « pair à pair ») peut constituer une source d'inspiration pour les institutions financières traditionnelles. Pour exemple, le britannique Nationwide propose désormais à ses clients de contribuer aux emprunts hypothécaires de leurs proches.

Entre l'augmentation régulière des prix de l'immobilier et les exigences strictes d'apport personnel imposées par les établissements de crédit, l'accès à la propriété devient de plus en plus difficile pour les consommateurs. Constatant que, dans de nombreux cas, les candidats à l'emprunt se tournent vers leur famille afin de rassembler l'indispensable dépôt initial, Nationwide a eu l'idée de faire de ce modèle de comportement la base d'une offre formelle originale, baptisée « Family Deposit Mortgage ».

Le principe en est finalement assez simple, et redoutablement efficace. Toute personne – elle-même propriétaire d'un bien immobilier – désirant aider un proche à acquérir sa résidence principale peut ainsi contracter un emprunt hypothécaire à un taux préférentiel ou utiliser une partie du montant disponible sur un crédit précédent, de manière à lui en faire don (le prêt n'étant pas autorisé) pour alimenter son apport personnel lors de la constitution de son dossier de demande (auprès de Nationwide, évidemment).

Nationwide Family Deposit Mortgage

Le dispositif est extrêmement séduisant car il cumule une multitude d'avantages pour la banque, au-delà du seul coup de pouce (bienvenu) apporté aux candidats à l'emprunt. Les plus visibles concernent, bien sûr, le renforcement de la fidélité des clients existants (à travers le renouvellement ou l'extension de leur contrat courant) et la captation d'un flux additionnel de prospects qualifiés, puisque le soutien financier des premiers ne peut être apporté aux seconds que s'ils souscrivent une solution de crédit de Nationwide.

Ensuite, il ne faut pas négliger l'effet social – tellement recherché par les plates-formes de finance participative – de l'implication d'un (ou plusieurs) membre(s) de sa famille dans l'engagement pris par l'emprunteur auprès de la banque : en toute logique, ce dernier devrait être plus enclin à respecter ses obligations pour ne pas nuire à sa propre réputation auprès de ses proches ni ternir la leur d'une quelconque manière. En synthèse, le « Family Deposit Mortgage » propose une vraie approche communautaire du crédit hypothécaire, sans recours aux réseaux sociaux et autres plates-formes P2P…

Nationwide démontre ici comment l'évolution des comportements (induite notamment par les technologies émergentes) peut (ou, plutôt, doit) être prise en compte pour répondre aux nouveaux besoins des consommateurs, dans un contexte qui, lui aussi, évolue toujours plus rapidement. Clairement, il n'est pas réservé aux startups de comprendre les enjeux du monde moderne et délivrer des solutions adaptées et cohérentes…

lundi 27 mars 2017

Contre les démarches d'innovation avortées

Avec la multiplication des initiatives des grandes entreprises en faveur de l'innovation, j'ai remarqué ces derniers temps une tendance – certes pas nouvelle – dont la généralisation me semble cependant mériter une clarification… Les petites dérives que j'observe sont-elles accidentelles ou les paillettes prennent-elles donc le pas sur le fond ?

Naturellement, la propagation dans toutes les institutions financières – grandes et petites – de la vogue des « challenges », hackathons et autres concours d'innovation constitue plutôt une bonne nouvelle pour l'avenir du secteur, tout comme, d'ailleurs, leur ouverture progressive sur l'extérieur de l'organisation. Malheureusement, il devient de plus en plus fréquent de voir se conclure ces événements par des réactions (publiques) sur le mode « c'est fini, l'expérience était extraordinaire, vivement la prochaine édition ! ».

Si je m'inquiète de commentaires ce genre, en dépit de leur enthousiasme manifeste, c'est qu'ils révèlent une perte de vue dramatique de l'objectif initial de la démarche. À moins que celui-ci ne se limite à une opération de communication (interne ou extérieure), ce qui ne pourra que se retourner contre ses organisateurs : les collaborateurs ne se laisseront certainement pas prendre longtemps à des manœuvres aussi stériles et leur motivation s'en ressentira immanquablement. Laissons donc là cette hypothèse.

En revanche, celle qui paraît la plus probable n'est pas beaucoup plus rassurante : les participants à ces grandes messes de l'innovation sont sincèrement persuadés que tout s'arrête quand les planches de post-its sont repliées et les récompenses remises. Or, quelle que soit l'ambition de l'initiative, ce ne peut être qu'un commencement ! Le début d'un nouveau projet, dont un germe a tout juste été planté ou la pose de la première pierre d'une culture d'entreprise réinventée, faite de créativité et d'intrapreneuriat.

À défaut de convaincre tous les collaborateurs (y compris ceux qui suivent l'opération de loin) de l'enjeu à long terme, les efforts seront vains et l'échec sera au bout du chemin. Les personnes qui auront passé une journée ou deux dans un environnement différent seront ravis du moment de détente qui leur aura été offert (dont ils souhaiteront logiquement le renouvellement), mais il retourneront à leur quotidien dès le lendemain, sans percevoir que ce qu'ils ont appris pourrait changer leur « vrai » métier.

Alors, rappelons une fois encore une petite règle d'or d'un événement d'innovation utile et efficace : préparez, avant même son lancement, les suites que vous donnerez à ce qui sera produit (qu'il s'agisse d'idées, de maquettes, d'applications mobiles…) et la manière dont vous entretiendrez durablement la flamme parmi les participants (en commençant, par exemple, par une invitation à contribuer, même épisodiquement, aux développements futurs). Rappelez-vous : un challenge n'est pas une fin en soi, ayez toujours en tête et partagez la totalité du plan d'innovation qu'il ouvre, le jour où vous l'annoncez.

dimanche 26 mars 2017

Faut-il ou non moderniser le réseau d'agences ?

Fifth Third Bank
Malgré leurs annonces, de plus en plus fréquentes, de fermetures d'agences, les grandes banques continuent à investir lourdement dans leurs réseaux. À la découverte d'un coûteux projet de rénovation de ses infrastructures mené par Fifth Third Bank, aux États-Unis, on peut tout de même se demander si le jeu en vaut la chandelle…

Basée à Cincinatti et rayonnant largement sur le midwest américain, Fifth Third est un établissement régional typique, dont les quelques 1 200 agences donnent une idée de sa dimension. Comme toutes ses consœurs dans le monde, elle se trouve prise dans le tourbillon de la révolution « digitale », face auquel elle réagit comme beaucoup d'autres, c'est-à-dire en considérant qu'elle doit impérativement moderniser son réseau, de manière, notamment, à offrir de nouveaux services numériques à ses clients.

Cependant, avant de pouvoir généraliser les échanges en visioconférence avec des experts distants, proposer une connexion Wi-Fi à ses visiteurs ou, plus simplement, opérer entièrement sur les applications centralisées de la banque (en mode web), sans dépendre d'équipements locaux qui seuls garantissent une réactivité et une rapidité de fonctionnement satisfaisantes, Fifth Third doit d'abord renforcer les capacités de son réseau informatique… Or, selon la revue American Banker, ce préalable représente un coût de 112 millions de dollars, qui sera réparti sur les 5 années à venir !

Pour bien réaliser ce dont il est question : l'institution va donc dépenser près de 100 000 dollars par agence, uniquement pour que, dans chacune d'elles, l'infrastructure soit techniquement capable, en 2022, de supporter les solutions considérées comme essentielles pour la relation client d'aujourd'hui ! Une fois ajoutés les frais d'aménagement et de mise en place des nouveaux outils envisagés, la question se pose inévitablement : de tels investissements sont-ils encore justifiables ? Et qu'en sera-t-il dans 5 ans ?

Il serait rassurant de penser que le cas de Fifth Third est exceptionnel, mais je crains, hélas, qu'il n'en soit rien. L'état actuel des installations informatiques dans les réseaux bancaires est probablement une explication à la lenteur du développement de moyens de communication modernes, par exemple. S'il est aisé et relativement économique de déployer une station de visioconférence dans une agence citadine, il en va tout autrement là où le besoin est le plus pressant, dans les localisations plus isolées.

Au vu d'un tel exemple, des sommes engagées et des contraintes qu'il impose, il vaut peut-être de prendre du recul et élargir le contexte de la réflexion (dans la durée, entre autres). Au lieu d'investir à outrance dans un réseau d'agences dont la fréquentation est en baisse inéluctable, ne serait-il pas préférable de renforcer les capacités de la banque en matière de relation à distance, avec des outils mieux adaptés (et susceptibles d'introduire plus de proximité) et des efforts pour l'inclusion numérique des clients ?

Une agence Fifth Third Bank

samedi 25 mars 2017

Société Générale apprivoise les chatbots

Société Générale
Même si toutes les institutions financières évaluent activement l'opportunité de se lancer, elles sont encore peu nombreuses à avoir déployé un « chatbot ». Pas de précipitation, donc, pour Société Générale, mais son partenariat avec la jeune pousse française Jam lui permet de poser, sans grand risque, un pied sur ce nouveau territoire.

Les changements de comportements des consommateurs, et plus particulièrement des jeunes, prennent une telle ampleur qu'ils ne peuvent être ignorés : le smartphone est devenu en quelques années le premier support de leurs interactions avec le monde, puis le foisonnement initial des applications mobiles a cédé la place à une concentration des usages sur les plates-formes de réseaux sociaux, qui, maintenant, commencent elles-mêmes à perdre du terrain face aux solutions de messagerie instantanée…

Pour une banque telle que Société Générale, dont 2 millions de clients ont moins de 30 ans, il est essentiel de garder le contact avec eux, au gré de l'évolution de leurs habitudes. En conséquence, peut-être la tendance n'est-elle que passagère, toujours est-il qu'il faut préparer la transition pour le cas où les outils tels que Facebook Messenger deviendraient demain la plaque tournante de leur relation avec leurs amis, leur famille… et les entreprises. Or, le support privilégié pour ce faire est aujourd'hui le chatbot.

Bien sûr, devant les incertitudes de l'avenir, il est logique d'hésiter à investir. C'est la raison pour laquelle l'approche de Société Générale prend tout son sens, s'offrant un espace d'expérimentation grâce à un partenaire qui, lui, est déjà fermement engagé. L'intégration au sein du chatbot de Jam des recommandations de la banque – en matière de financement des études, de choix de produit, de préparation d'un départ à l'étranger…, par exemple – lui donnera ainsi un premier aperçu des réactions de ses clients.

Accueil Jam

Toutefois, au-delà de ce premier niveau d'analyse, la démarche de la banque est peut-être plus ambitieuse qu'il n'y paraît. Car Jam, bien plus qu'un simple chatbot, est surtout un assistant personnel virtuel, qui apprend les préférences et les habitudes de son utilisateur au fil de ses échanges avec lui et, de la sorte, devient progressivement capable, grâce à la connaissance intime qu'il acquiert, de l'aider dans son quotidien (proposer des activités, choisir un restaurant…), sur demande ou spontanément.

Il est facile de voir où cette vision peut nous mener, à plus ou moins brève échéance : les services financiers, « enfouis » au cœur de ce compagnon personnel du consommateur, seraient toujours prêts à compléter les conseils qu'il prodigue, que ce soit pour régler un achat ou pour préparer le budget d'un prochain voyage… La promesse de la « banque des moments » n'est plus très loin et c'est, en réalité, une perspective entièrement nouvelle sur ses métiers que Société Générale pourrait être en train d'explorer.

L'exemple mérite d'être souligné. Il est en effet tentant pour les institutions financières – comme il est d'usage avec tout nouveau média – de considérer que la messagerie instantanée n'est qu'un canal supplémentaire de la relation client, sur lequel il suffirait de décliner les services existants. Or, chaque mode de communication induit des attentes spécifiques, qu'il est certes difficile d'appréhender mais qui constituent la véritable clé de l'adhésion par les utilisateurs. En ce sens, avec cette initiative, Société Générale prend potentiellement une avance considérable sur ses concurrentes…

vendredi 24 mars 2017

La prévention connectée séduit Desjardins

Desjardins
Parmi les innombrables opportunités qu'ouvrent les objets connectés dans le domaine de l'assurance, la transition d'un modèle reposant sur l'indemnisation des sinistres vers une logique de prévention fait certainement partie des plus prometteuses. Avec son nouveau programme « Alerte ! », Desjardins entame une transition en douceur.

Le choix du domaine de l'initiative est presque une évidence pour l'établissement canadien. Les dégâts des eaux représentant 50% des réclamations d'assurance habitation qu'il traite, ils méritent largement d'explorer les possibilités de réduire leur impact, dont le stress qu'il génère chez les victimes. L'approche retenue consiste donc à fournir gratuitement aux clients un petit détecteur d'humidité et de gel (conçu et développé par une startup californienne, Roost, spécialiste des objets connectés pour la maison).

Le fonctionnement de l'appareil est extrêmement simple : placé à proximité d'une source potentielle de fuite d'eau (salle de bain, évier de cuisine…), il déclenche une alerte, par SMS, par courriel ou par notification dans l'application mobile dédiée – à destination de l'assuré et des délégataires qu'il désigne – dès qu'un incident est détecté. L'objectif est de permettre de réagir dans les plus brefs délais, de manière à éviter qu'un problème anodin ne prenne des proportions démesurées… et n'engendre des coûts exorbitants.

Détecteur de fuite d'eau Roost

La démarche présente plusieurs particularités notables. Tout d'abord, Desjardins ne se contente pas de distribuer la solution en l'état. La compagnie préfère en effet jouer l'intégration : les services mobiles de Roost sont donc directement accessibles depuis sa propre application, qui rassemble de la sorte toutes les composantes de la protection de l'assuré (dont un autre programme, « Ajusto », destiné à récompenser les « bons » comportements de conduite) et devrait contribuer à renforcer sa proximité « digitale ».

À un niveau plus stratégique, le lancement du programme « Alerte ! » est, me semble-t-il, un des premiers (voire LE premier ?) à valoriser concrètement la prévention dans un contrat d'assurance. Car, contrairement aux exemples précédents, limités à des campagnes promotionnelles limitées (notamment dans la santé), si Desjardins le généralise, c'est qu'elle considère – parce qu'elle n'est pas philanthropique – que l'utilisation de ces appareils va lui permettre de réduire ses coûts d'indemnisation.

Alors, en élargissant la perspective, l'enjeu qui se dessine ainsi pourrait être de préparer dès aujourd'hui la bataille concurrentielle de demain, quand les assureurs devront rivaliser avant tout sur l'efficacité de leurs programmes de prévention afin de proposer la meilleure offre à leurs clients, sans compromettre leur rentabilité…

jeudi 23 mars 2017

Le mythe de la sécurité des « vieux » systèmes

SSRN
Les institutions financières vantent fréquemment les mérites de leurs vieux systèmes informatiques face à la montée de la cybercriminalité, arguant de leur sécurité intrinsèque pour justifier la confiance qu'elles continuent à leur accorder. Malheureusement, une étude publiée par deux chercheurs américains remet en cause ce mythe tenace.

Il est vrai que l'enquête a été menée non dans le secteur financier mais dans les administrations fédérales, dont l'utilisation des technologies historiques – derrière lesquelles je range ce qu'on appelle « mainframes », qui furent les premiers ordinateurs d'entreprise, ou encore les logiciels développés en langage COBOL – est au moins aussi importante. Cependant, les auteurs estiment eux-mêmes que leurs arguments et leurs conclusions, relativement génériques, sont applicables aux entreprises privées.

Pour planter le décor, commençons par rappeler le raisonnement qui conduit nombre de responsables informatiques à croire à la sécurité de leur patrimoine. Au premier rang, figure l'idée que l'ancienneté est, en soi, un facteur de protection : d'une part, les « hackers » modernes ne posséderaient pas les compétences requises pour identifier les failles dans des systèmes d'antan dont les concepteurs sont à la retraite et, d'autre part, il subsiste peu de documentation fiable et accessible pour les aider dans leur tâche.

On retrouve là, d'une certaine manière, un principe de « sécurité par l'obscurité » dont il est pourtant bien connu qu'il atteint rapidement ses limites. Plus sérieusement (à mon sens), une autre justification régulièrement mise en avant est l'isolation – toutefois jamais totale – dans laquelle les environnements historiques sont tenus au sein du Système d'Information de l'entreprise : en particulier, ils ne sont (presque) jamais exposés directement sur le web et restent « cachés » derrière de multiples couches logicielles.

Quoi qu'il en soit, les certitudes vont être sérieusement ébranlées par les observations empiriques portant sur 24 agences fédérales américaines. La plus impressionnante d'entre elles est la corrélation (négative) entre le nombre d'incidents de sécurité et la part de budget affectée aux nouveaux projets et à la modernisation (1 point de budget supplémentaire se traduit par 5% d'incidents en moins !). Plus étonnant encore, l'adoption du « cloud computing » est un autre facteur significatif de réduction des risques !

Les chercheurs ne manquent pas d'hypothèses afin de tenter d'expliquer ces résultats. En premier lieu, il est clair que, dans les organisations étudiées – et il en serait de même dans les institutions financières –, les systèmes anciens ont accumulé un trésor de données sensibles dont la valeur (marchande ou non, les enjeux de réputation peuvent parfois constituer une motivation suffisante) attire inévitablement les convoitises, quitte à demander plus d'efforts de la part des cybercriminels pour s'en emparer.

Dans un autre registre, il faut également souligner que les outils informatiques des origines ne bénéficient pas toujours des derniers développements en matière de protection (par exemple au niveau de la cryptographie) ou bien leur mise en œuvre n'est pas aussi réactive qu'il le faudrait. Enfin, les Systèmes d'Information qui reposent sur de vieux socles tendent à être d'une complexité architecturale (avec un empilement plus ou moins contrôlé de strates sédimentaires) qui nuit automatiquement à leur sécurité.

Si, à ce stade, les conclusions de l'étude ne peuvent être considérées comme absolument décisives, les indices convergent vers un risque accru des plates-formes historiques. Au vu de la confiance presque aveugle dont ils jouissent généralement dans les DSI, il est donc certainement nécessaire de lever une alerte. Quant aux solutions envisageables, à défaut de rénover intégralement le Système d'Information à court terme, il ressort que la mise en place de mécanismes robustes de gouvernance, de gestion des risques et de contrôle (GRC) représente un bon moyen de limiter l'exposition aux menaces.

Legacy

mercredi 22 mars 2017

Une offre Crédit Agricole pour l'emploi jeune

Crédit Agricole
Quand une banque combine au sein d'une même offre l'exigence de renforcer la fidélité de ses clients avec une certaine préoccupation de leur avenir, le résultat s'appelle « Job + », un service que vient de lancer le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne – en partenariat avec la startup Wizbii – afin d'accompagner l'accès des jeunes à l'emploi.

La collaboration entre les deux acteurs ne date pas d'hier, puisque, depuis 2014, la banque a mis sur pied la démarche « Job Meeting » à destination de ses clients de 18 à 30 ans, qui se concrétise, entre autres, par l'organisation de « cocktails de recrutement » trimestriels. Grâce à une levée de fonds (de 3 millions d'euros) opérée au cours de l'automne dernier, Wizbii veut maintenant enrichir sa palette de services et il est donc logique que la caisse régionale du Crédit Agricole la suive dans son développement.

Gratuite pour les détenteurs d'un « Compte à Composer » (et facturée 3 euros par mois aux autres clients), « Job + » est destinée à la fois aux parents des 16-18 ans et aux jeunes adultes, auxquels elle propose désormais beaucoup plus que les événements de recrutement et l'accès aux annonces de Wizbii : assistance à la construction d'un parcours professionnel, développement des compétences avec un catalogue de cours en ligne, préparation à la certification de langues étrangères et autres conseils pratiques…

Job +

Dans une région où le chômage touche plus d'un quart de la population jeune, l'initiative du Crédit Agricole a certainement beaucoup plus de valeur pratique que les promotions habituelles des banques (coupons de réduction, places de spectacles…). Naturellement, elle prend un sens particulier pour un établissement mutualiste, fortement ancré dans son territoire et qui met l'accent sur la proximité avec ses clients. Un enjeu important de ce positionnement stratégique est de favoriser l'économie locale (en limitant, par exemple, l'exode de la population), indispensable à sa prospérité à long terme.

La prise de position d'une banque sur le terrain de l'emploi est inattendu et peut susciter le scepticisme. Pourtant, dans un environnement et un contexte difficiles, il ne fait aucun doute que toutes les bonnes volontés (et idées) sont bienvenues pour apporter des solutions. Celle de Wizbii est prometteuse (avec 33 000 emplois pourvus en 2016 pour ses 750 000 inscrits) et un coup de pouce de la part du Crédit Agricole ne peut pas lui nuire, ne serait-ce que pour accroître sa notoriété, notamment auprès des entreprises.

mardi 21 mars 2017

Yodlee, de l'agrégation à l'analyse de risque

Envestnet | Yodlee
Avec le lancement de sa nouvelle suite « Risk Insight », le spécialiste américain de l'agrégation de comptes bancaires Yodlee expose, non sans une discrète ironie, la capacité d'un acteur indépendant à extraire de la valeur des données détenues par les institutions financières, au point d'être maintenant en mesure de leur proposer ses services…

Depuis longtemps, Yodlee (désormais intégrée dans la galaxie Envestnet) ne se contente plus de commercialiser ses solutions auprès des plates-formes de PFM et vise toutes les entreprises, startups ou grands groupes, susceptibles d'être intéressées par un historique des transactions de leurs clients. En parallèle, elle a également commencé il y a plusieurs années à explorer les opportunités de délivrer des services dérivés à partir des données brutes qu'elle manipule. Cette double stratégie reste donc en pleine expansion.

D'une certaine manière, le choix de développer une offre autour du profilage de risque des consommateurs et des entreprises ne constitue pas une surprise. L'idée est en effet maintenant largement répandue que les techniques de scoring traditionnelles peuvent être utilement complétées par des méthodes alternatives, soit pour affiner les évaluations, soit pour adresser des populations ne possédant pas d'historique de crédit. Or, dans ces cas, l'analyse comportementale à partir des habitudes d'achat tend à s'imposer.

Risk Insight Suite

Parce qu'elle dispose d'un accès à plus de 15 000 institutions financières, dont les données sont à sa portée en quasi temps-réel (moyennant l'autorisation explicite de l'entité – individu ou société – concernée), Yodlee s'empare logiquement du concept, en y introduisant quelques fonctions inédites, telles que, potentiellement, une visibilité sur l'ensemble de la situation financière (comptes courants, patrimoine, investissements…) ou, plus prosaïquement, la consultation des détails des opérations analysées.

Cependant, la particularité la plus intéressante de l'initiative est son approche circulaire, avec un intermédiaire extérieur qui capture les données des banques (par des moyens de « screen scraping » contestés) pour ensuite revendre aux établissements de crédit l'information qu'il parvient à en dégager. Même s'il faut se garder de tout excès de simplification, une telle situation pose question. Qui ne manquera pas de rebondir de notre côté de l'Atlantique, avec un relief particulier dans les banques à l'approche de l'ouverture des données bancaires inscrite dans la directive européenne DSP2…

lundi 20 mars 2017

Vers la fin des méga-projets ?

BankNxt
Alors que les institutions financières ne jurent plus aujourd'hui que par approches « lean startup » et autres méthodes agiles, leurs directions informatiques continuent à gérer des « grands programmes » pluri-annuels, aux budgets qui se mesurent en dizaines (centaines ?) de millions. Comment peuvent-elles justifier une telle schizophrénie ?

Les défauts des méga-projets sont pourtant bien connus, depuis longtemps, et s'aggravent avec l'accélération du monde contemporain et la volatilité des attentes : dépassements de budgets, retards de livraisons… et résultat généralement décalé par rapport aux besoins. Une des principales raisons de ces dérives quasi systématiques réside dans la démarche classique consistant à vouloir spécifier a priori toutes les fonctions requises par le système cible, puis à les implémenter d'un bloc.

Or non seulement il existe toujours une différence entre ce qui est décrit et ce qui est réalisé mais, en outre, ce qui est posé sur le papier est rarement ce qui serait vraiment nécessaire, ne serait-ce que parce qu'il est extraordinairement difficile de conceptualiser un produit futur. Il s'ensuit d'indispensables et fréquents réajustements de périmètre, qui perturbent les plans initiaux et introduisent des fragilités dans la construction, dont l'accumulation est dangereuse. Dans le pire des cas, tout finit à la poubelle.

Au passage, il me faut souligner ici qu'une multitude de projets pseudo-agiles ne font que décliner ce modèle, en répartissant simplement l'implémentation des spécifications sur une série de « sprints » de développement, sans validation intermédiaire auprès des destinataires réels de la solution. Naturellement, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les taux d'échec sont aussi élevés qu'avec les méthodes traditionnelles.

La parade à l'illusion des spécifications parfaites, concrétisée par les concepts agiles originels, consiste à bâtir les applications par petits modules, réalisés en quelques semaines (au maximum) et mis entre les mains des utilisateurs (et jamais leurs « représentants »), afin de vérifier sur le terrain leur adéquation aux besoins et procéder aux révisions et autres réorientations qui s'imposent si ce n'est pas le cas.

Dans les organisations qui ont atteint une maturité suffisante en matière d'agilité, ces approches ont démontré leur efficacité, notamment dans le développement d'applications mobiles ou de services en ligne. Malheureusement, il subsiste des domaines dans lesquels il ne semble pas concevable de les mettre en œuvre. Un exemple typique serait le renouvellement d'un « cœur bancaire », qui est pourtant un chantier devenant de plus en plus urgent dans nombre d'institutions financières.

Le raisonnement aboutit ainsi implicitement à un dilemme insoluble, entre des projets tactiques qui peuvent être menés rapidement, par itérations, et des ambitions stratégiques qui ne pourraient être satisfaites que par des programmes titanesques. Le seul moyen de le rompre sera de comprendre qu'il n'est d'autre choix que de raccourcir les cycles de développement, en toutes circonstances. Et pour y parvenir, il faudra aborder tous les problèmes en les découpant en composants élémentaires, indépendants les uns des autres. Si cela paraît impossible, mieux vaut abandonner avant le démarrage…

Réflexions inspirées par un article de BankNxt.

Tunnel

dimanche 19 mars 2017

NeuroProfiler qualifie le profil de risque par le jeu

NeuroProfiler
Alors que la principale promesse de la FinTech est d'améliorer l'expérience client, je suis toujours étonné du manque d'imagination de la plupart des « robo-advisors » dans la conception de leur processus d'entrée en relation et, notamment, l'évaluation de l'appétence au risque. Aujourd'hui, NeuroProfiler montre la voie vers une autre approche…

Naturellement (et heureusement !), les acteurs – émergents ou historiques – qui en sont encore à demander au futur investisseur de se positionner sur une échelle de risque de 1 à 10 deviennent rares. Cependant, les méthodes qui ont pris la place de ces techniques archaïques, souvent conçues autour des questionnaires de mise en situation financière, restent entachées de nombreuses limitations, réglementaires (en particulier vis-à-vis de la directive européenne MiFID II, dont l'échéance approche à grands pas) et d'efficacité.

La jeune pousse française NeuroProfiler répond à ces faiblesses avec une solution originale, prenant la forme d'un jeu sérieux. Combinant analyse comportementale (appliquée à la finance) et algorithmes d'apprentissage automatique (machine learning), elle offre simultanément une garantie de conformité, une richesse et une précision d'évaluation incomparables (elle permet de qualifier plus d'un million de variantes de profils) et un parcours agréable et engageant pour l'utilisateur, qui transforme une étape généralement rébarbative en un moment de renforcement de la relation.

NeuroProfiler

Au-delà du cas d'espèce, la proposition de valeur de NeuroProfiler représente également une intéressante illustration de l'idée que les contraintes externes, qu'elles soient réglementaires ou de l'ordre de la sécurité (dans la lutte contre la fraude, par exemple), procurent des occasions extraordinaires d'explorer d'innombrables opportunités, de simplifier la vie des clients (comme dans le cas présent), de concevoir de nouveaux produits ou services, de rationaliser et renforcer l'efficacité opérationnelle…

Étonnamment, peut-être parce que l'impact des évolutions réglementaires (notamment MiFID II) y est plus sensible, les institutions financières traditionnelles semblent prendre la mesure de l'enjeu avant les startups de la FinTech : NeuroProfiler a ainsi entamé une expérimentation avec le groupe BPCE (il y a près d'un an) et elle vient d'intégrer la deuxième promotion de l'accélérateur de l'Atelier BNP Paribas, en vue d'une collaboration avec la branche « Investment Partners » de la banque verte.

Enfin, dans un autre registre, il me semble essentiel de souligner (encore une fois), l'importance d'appuyer la redéfinition de l'expérience client sur une connaissance approfondie des mécanismes psychologiques qui entrent en jeu dans la relation avec l'argent. Et, en attendant le profilage automatique des personnes (peut-être peu désirable, mais probablement accessible à partir de leurs comportements quotidiens, dont leurs transactions financières), les solutions actuelles (telles que celle de NeuroProfiler) sont déjà à même d'adapter les services aux préférences individuelles.

samedi 18 mars 2017

La pression sociale au service de l'épargne

Think Forward Initiative
Un an après le lancement de l'initiative « Think Forward » d'ING, son deuxième sommet offrait l'occasion de mesurer les progrès enregistrés dans ses recherches sur les comportements financiers du grand public et les 5 projets concrets auxquels elles ont donné naissance. Aujourd'hui, attardons-nous sur l'un d'eux, consacré à l'épargne.

Le choix du thème n'est pas un surprise, quand on sait à quel point les individus, quelle que soit leur position sociale et leur niveau de revenus, ont des difficultés à constituer une réserve d'argent afin de faire face à un imprévu (perte d'emploi, maladie grave, travaux urgents…). Une participante au projet évoque le cas d'une amie qui, en dépit de sa situation privilégiée, avoue n'avoir que quelques centaines d'euros disponibles. Cet exemple est loin d'être isolé : selon les pays et les critères utilisés, jusqu'à un quart des citoyens des régions développées sont concernés par ce problème.

Au premier abord, la solution imaginée dans le cadre de l'initiative ressemble à beaucoup d'autres. Une application mobile (qui reste à développer…) permettrait au consommateur de définir des objectifs d'épargne rattachés à des projets réels (achat d'une voiture, voyage lointain…), dont elle va accompagner la réalisation, à petits pas, en délivrant des recommandations contextuelles (telles qu'un rappel à l'approche du versement du salaire) et en introduisant quelques mécanismes ludiques simples (félicitations et récompenses virtuelles au fil de l'avancement vers les objectifs).

Think Forward Initiative - Socal Nudge

L'originalité ressort toutefois immédiatement dans les différentes incitations sociales qui viennent compléter cette base. Elles comprennent d'abord des conseils émis par la banque elle-même, à travers, entre autres, des estimations du niveau idéal d'épargne, déterminé en fonction de la situation personnelle de l'utilisateur. Plus important et probablement plus efficace, ce sont également la possibilité de partager tout ou partie des projets avec ses amis et la comparaison avec ses pairs des économies accumulées.

Le raisonnement sous-jacent s'appuie sur les recherches scientifiques qui démontrent l'influence sur le comportement humain de la connaissance des habitudes de ses congénères. Dans de nombreuses circonstances, le fait de savoir qu'une majorité de personnes adopte telle ou telle attitude induit statistiquement un penchant pour la conformité au groupe : par exemple, annoncer que la plupart des visiteurs d'un bâtiment utilisent les escaliers fait baisser l'usage de l'ascenseur. Il semblerait que ce mécanisme psychologique soit aussi applicable à la gestion de finances personnelles.

En réalité, cette idée n'est pas si nouvelle qu'il y paraît puisqu'elle existait déjà – sous une forme plus primitive, il est vrai, de comparaison des répartitions budgétaires – chez le pionnier du PFM, Wesabe (disparu depuis), il y a plus de 10 ans ! Ayant maintenant justifié de sa pertinence, il serait largement temps de la remettre au goût du jour alors que les réseaux sociaux ont envahi la vie quotidienne des consommateurs et que nombre de banques déploient des efforts importants pour l'éducation financière de leurs clients.

vendredi 17 mars 2017

SILCA recycle sa puissance de calcul inutilisée

Crédit Agricole
Dix ans après la vogue du « Green IT », les préoccupations environnementales sont retombées aux oubliettes dans les DSI des grands groupes, où elles ne sont plus qu'un argument de communication sans substance. Alors, même si elle ne s'inscrit pas explicitement dans une telle logique, arrêtons-nous un instant sur une initiative de SILCA destinée à partager ses ressources informatiques inutilisées.

Depuis quelques semaines, la filiale de production informatique du Crédit Agricole est en effet partenaire de la World Community Grid gérée par IBM. À ce titre, elle contribue aux efforts de recherche – principalement dans le domaine de la santé, mais aussi, parfois, de l'environnement – de l'organisme en mettant à la disposition des équipes scientifiques la puissance de calcul disponible sur ses postes de travail, pendant que ceux-ci ne sont pas exploités à 100% de leur capacité, sans impact pour les utilisateurs.

En pratique, la mise en œuvre du système est extrêmement simple. À l'instar de projets historiques tels que SETI@home, elle se matérialise par l'installation d'un logiciel (sur PC ou sur smartphone) et le choix d'un thème de recherche parmi ceux qui sont proposés en permanence (8 sont actifs à ce jour). Dès lors, quand le processeur est peu sollicité, des micro-unités d'un traitement massivement parallèle sont exécutés, dont les résultats sont ensuite retransmis pour consolidation dans les centres de production d'IBM.

World Community Grid

Ce genre d'approche de calcul distribué n'est pas nouveau, mais il est rarement adopté dans les entreprises, en particulier dans les institutions financières, notamment en raison de craintes pour la sécurité de leurs infrastructures. Ces réticences sont naturellement moindres avec un dispositif piloté par IBM, qui est l'un de leurs fournisseurs attitrés. Pourtant, la World Community Grid ne comprend qu'une petite poignée de banques parmi ses dizaines de partenaires du monde entier, issus de tous secteurs économiques.

Pour revenir à mon point de départ, au-delà de sa participation philanthropique à la recherche scientifique, je suis heureux de découvrir – 4 ans après l'une des dernières initiatives notables en la matière (à porter à l'actif de HSBC) – cette tentative du Crédit Agricole de réduire, peut-être par simple coïncidence, le monstrueux gaspillage de ressources informatiques et énergétiques dont on ne parle jamais.

Comment, en tant que dirigeant d'entreprise en 2017 (alors qu'on demande au consommateur, qu'il est aussi, de ne pas laisser les appareils en veille à son domicile), peut-on accepter les millions de kWh évaporés, les milliers de tonnes de gaz à effet de serre qu'ils produisent et les coûts qu'ils représentent, parce que des centaines de milliers de PC restent allumés inutilement, en permanence ? À tout le moins, que cette débauche d'énergie ne soit pas dépensée en vain, et qu'elle profite à ceux qui en ont besoin…

jeudi 16 mars 2017

Ces startups qui chassent les frictions…

Sift
La mission que se donne la startup californienne Sift peut paraître anecdotique. Pourtant, outre que sa levée de fonds récente prouve que des investisseurs croient à son modèle, elle souligne une tendance majeure que les institutions financières traditionnelles ont tout intérêt à prendre en compte dans la conception de leurs produits.

La promesse de Sift est aussi simple qu'alléchante, puisqu'elle consiste à faciliter l'accès de ses utilisateurs aux avantages oubliés ou cachés de leur carte de débit ou de crédit. En effet, aux côtés des promotions directes et autres programmes de fidélité habituels, les émetteurs incluent de multiples garanties complémentaires à leurs offres, que la plupart des porteurs méconnaissent, de la protection contre les annulations de voyage jusqu'à l'assurance contre le vol et les dommages, en passant par le retour d'articles.

Ces options se font souvent discrètes dans les contrats, présentées dans des clauses finales rédigées en caractères minuscules et encombrées de jargon incompréhensible. Afin de les sortir de l'« anonymat » (qu'on peut légitimement soupçonner d'être volontaire), Sift propose au consommateur d'enregistrer sa carte au sein de son application mobile. Non seulement celle-ci va-t-elle alors expliciter les bénéfices secondaires auquel il peut prétendre mais elle va également surveiller ses achats afin de l'aider à en profiter.

Dans certaines circonstances, la démarche de la startup peut même aller jusqu'à l'automatisation totale. Dans le cas d'une offre de remboursement de la différence en cas de baisse de prix, la jeune pousse prend en charge le suivi de l'évolution des prix et déclenche elle-même la demande d'indemnisation (en totale autonomie, avec quelques émetteurs). Selon elle, les premiers résultats obtenus pendant la phase de beta-test de la solution ont fait ressortir un niveau moyen de restitution de 5 à 10% des dépenses !

Sift

Au-delà du seul exemple de Sift et de son application, il vaut ici de s'arrêter sur le facteur de disruption qu'il met en évidence, fondamental mais quasiment imperceptible, à l'échelle du secteur financier. Ainsi, ce dernier, accoutumé à l'opacité et au secret, se trouve aujourd'hui doublement menacé, par les exigences croissantes de transparence exprimées par la clientèle et par la capacité à répondre à cette attente que développent de nouveaux entrants technologiques, via des outils faciles d'accès et simples à utiliser.

De ce constat, je tire deux conséquences et une recommandation. D'abord, les tactiques historiques de dissimulation plus ou moins grossières de certaines institutions financières ne survivront pas longtemps à l'ère de la transparence universelle. D'autre part, n'est-il pas étonnant que des acteurs indépendants puissent bâtir un modèle économique sur l'éradication des frictions et autres frustrations introduites (sciemment ou non) dans l'expérience client ? Voilà un indice fort de l'importance que devraient accorder les banques à ce problème, malheureusement trop répandu dans leurs processus…

mercredi 15 mars 2017

La Caisse d'Épargne lance sa Communauté

Caisse d'Épargne
Entre les difficultés croissantes à capter l'attention des consommateurs via les médias traditionnels et le report massif de leurs recherches d'informations vers les supports numériques, la Caisse d'Épargne lance une communauté ouverte autour des questions d'argent, afin de retrouver une place de choix dans l'univers de l'éducation financière.

La plate-forme, baptisée sobrement « La Communauté by Caisse d'Épargne » (la marque restant volontairement très discrète dans la graphie retenue), est relativement classique dans son genre. Elle comprend ainsi, d'une part, un espace éditorial, sous forme de blog, destiné à partager des sujets d'actualités ou traiter plus en profondeur des questions courantes et, d'autre part, un forum d'échanges dans lequel tous les internautes peuvent venir poser leurs questions et/ou proposer leurs réponses à celles de leurs pairs. L'ensemble sera complété par des animations régulières (jeux, quiz, sondages…)

En arrière-plan, le dispositif mis en œuvre pour faire vivre la Communauté a deux étages : outre une petite équipe interne chargée d'assurer la modération du site, quelques experts de la banque sont également enrôlés, notamment pour fournir les contenus rédactionnels, tandis que la gestion des conversations sera largement laissée sous le contrôle des internautes eux-mêmes, dont les plus actifs et les plus pertinents acquerront un statut d'ambassadeur (comme dans les meilleurs exemples de sites d'entraide).

Les premiers mois de lancement (sans effort de communication) sont considérés comme une période expérimentale, destinée à ajuster le fonctionnement de la plate-forme (dont, potentiellement, l'ouverture d'un univers dédié à la co-innovation). À ce stade, on peut peut-être souligner l'étonnante absence de ponts directs avec les réseaux sociaux, qui sont pourtant les destinations numéro 1 des internautes aujourd'hui : pas de partage des contenus, pas de connexion aux profils Facebook, Twitter et autres dans la création de compte… Un peu plus d'ouverture serait certainement bienvenue !

La Communauté by Caisse d'Épargne

L'objectif visé par la banque est de faire de La Communauté l'espace de référence – ressortant en tête des recherches en ligne, en particulier – de la finance du quotidien en France, qui n'existe pas actuellement. La logique sous-jacente est claire : la popularité du site doit permettre d'ancrer la marque sur le web, par sa présence plutôt que par des budgets de communication de plus en plus conséquents.

Si elle répond probablement à un besoin réel pour la majorité de nos concitoyens en manque de connaissances financières, la démarche de la Caisse d'Épargne paraît extrêmement ambitieuse, ne serait-ce que parce qu'elle est doublement schizophrène. Vouloir développer les échanges de pair à pair tout en mettant en avant la confiance « naturelle » dans la banque et chercher à valoriser l'approche pédagogique de la marque tout en laissant celle-ci en (fort) retrait portent des contradictions qu'il faut équilibrer.

Les expériences similaires observées au cours des dernières années montrent d'ailleurs la difficulté pour une institution financière à réussir l'alchimie. Qu'il s'agisse des communautés spécialisées – autour de la co-innovation (dont celles de BNP Paribas et Société Générale) ou autour du service après-vente (telles que proposées par BNZ et, de fait sinon par conception, ING), pourtant propice – ou des initiatives plus génériques (Tips'n Tricks d'Arkéa, parmi les plus récentes), les résultats sont souvent mitigés.

Les responsables de la Caisse d'Épargne sont parfaitement conscients que la réussite de La Communauté représente un défi au long cours. Mais le plus difficile sera de maintenir l'engagement sur la durée, ce qui suppose de lui consacrer des ressources significatives, pour un retour de valeur peu perceptible pendant longtemps. Là également, il semblerait que la détermination soit au rendez-vous. Si celle-ci perdure et si la plate-forme s'adapte aux attentes de ses utilisateurs, elle a une chance d'atteindre son objectif… et de combler un vide dans l'espace « digital » français.

mardi 14 mars 2017

Sberbank prédit l'avenir pour ses clients

Sberbank
La tendance se dessine depuis longtemps, Sberbank l'a transformée en réalité : l'analyse intelligente des données détenues sur les clients, notamment leurs transactions, permet à la banque d'identifier – voire, dans certains cas, de prédire – les circonstances dans lesquelles elle peut proposer des conseils pratiques et actionnables…

Parce qu'elle est parfaitement consciente des limites des solutions de gestion de budget classiques, dont l'approche centrée sur une analyse historique des flux ne parvient pas à fidéliser ses utilisateurs, l'établissement russe préfère porter ses efforts sur des recommandations pro-actives, susceptibles à la fois d'être mieux perçues par ses clients (parce qu'elles leur donnent le pouvoir d'agir sur leur situation et non seulement de l'observer passivement) et d'influer réellement sur leur santé financière.

De ce point de vue, la vision de Sberbank dépasse aussi largement les tentatives de ces derniers mois de prédire l'évolution du solde du compte à un horizon de quelques semaines. Après tout, il ne s'agit encore que de présenter un chiffre qui, au fond de la psychologie humaine, reste d'autant plus abstrait qu'il est hypothétique et relativement lointain dans le temps. L'envoi de notifications explicites, fournissant des conseils concrets pour, par exemple, éviter le découvert dans 3 semaines est beaucoup plus efficace !

Et encore n'est-ce là qu'un exemple trivial, en comparaison de ce que promet la banque et sa cinquantaine de modèles analytiques, appelée à s'enrichir très rapidement (une centaine est prévue après un mois). À un deuxième niveau de sophistication, elle sera ainsi capable de fournir des conseils déclenchés par la détection d'une activité donnée. Un cas cité dans un article de l'EFMA – à l'occasion du prix de l'innovation du mois décerné à l'initiative – évoque la recommandation de faire le plein sur les routes secondaires à un client venant de régler une location de voiture dans un pays étranger.

Sberbank Mobile

Enfin, au sommet de l'ambition, ce sont des techniques d'apprentissage automatique (« machine learning ») qui sont mises en œuvre afin d'évaluer la probabilité qu'un événement important soit en passe de se produire dans la vie du client. L'approche de la période des vacances d'été et des achats préparatifs amèneront à suggérer des destinations de voyage. Une vague de dépenses dans des boutiques de vêtements pour enfant, laissant supposer une naissance imminente dans la famille, déclenchera l'envoi d'une checklist des démarches à entreprendre et des documents nécessaires.

Naturellement, des exemples de ce genre risquent de soulever l'inquiétude des consommateurs, qui pourraient y voir une forme insupportable d'intrusion dans la vie privée. Comme toujours, il faudra donc soigneusement ajuster l'équilibre entre la valeur délivrée (et sa démonstration) et l'exploitation d'informations sensibles. En tous cas, pour les clients russes de Sberbank, dont la culture de la protection des données est certainement différente de la notre, le marché semble tout à fait acceptable : un mois après son déploiement, ils étaient déjà plus de 200 000 à avoir adopté le service.

En synthèse, cette initiative s'inscrit intelligemment dans la vision de « banque des moments » qui m'est chère. Intelligemment car, plutôt que d'en être l'observatrice passive, dont les services seront délivrés de manière invisible dans les événements clés de la vie de ses clients, Sberbank tente de prendre les devants et se positionne en plate-forme de captation de ces instants, sur lesquels elle pourra ensuite capitaliser, pour sa propre activité commerciale et aussi, pourquoi pas, auprès de partenaires…

lundi 13 mars 2017

Le défi de l'entreprise « centrée client »

CEB
Nombre d'entreprises, dans le secteur financier comme ailleurs, affirment désormais être « centrées client » dans toutes les pores de leur organisation. Mais que signifie réellement cette assertion dans les back-offices ou les directions informatiques, pour lesquels la notion même de client est floue, quand elle n'est pas totalement faussée ?

Si vous posez la question de leur mission aux collaborateurs qui ne sont pas au contact direct de la clientèle, physiquement (forces commerciales ou centres d'appel) ou par vocation (marketing), il est à parier qu'ils n'évoquent pas immédiatement la relation entre leur rôle et les attentes des personnes auxquelles s'adressent les produits et services de l'entreprise qu'ils contribuent pourtant à définir. Et qui oserait les blâmer alors que, dans la plupart des cas, cette préoccupation ne figure pas dans leur description de poste ?

Pour restreindre le propos aux départements informatiques (que je connais mieux), ce qu'on y appelle généralement le client (qualifié d'interne) est le donneur d'ordre, le responsable ou, plus abstraitement, l'entité qui a commandé le développement d'un logiciel. Le « vrai » client, celui qui sera le destinataire final, d'une manière ou d'une autre, de ce qui est produit, est alors réduit à un concept lointain et sans consistance. Là encore, inutile de pointer du doigt les équipes en charge des projets, ce sont les modes traditionnels de fonctionnement de l'entreprise qui sont en cause.

Or, une culture d'obsession du client ne peut atteindre son objectif que si elle est partagée à tous les niveaux, il est exclu de laisser une partie de l'organisation à l'écart. Croyez-vous réellement qu'il soit possible de concevoir des processus modelés autour du besoin du client si les employés des back-offices ignorent pour qui ils accomplissent leurs tâches quotidiennes ou si les développeurs n'ont aucune idée des habitudes des individus qui prendront leurs applications en main ni du contexte dans lequel ils les utiliseront ?

Et la difficulté ne fait que croître quand on réalise qu'il ne suffit pas de se représenter le client sous une forme vague et générique (un particulier, une TPE, une grosse fortune…). Adopter une approche centrée sur le client, c'est une exigence de connaissance empathique de l'individu et de sa perspective. Le principe de persona est un moyen de l'appréhender. Il est malheureusement fréquemment dévoyé, jusqu'à la caricature (son but étant alors perdu de vue), et, surtout, son appropriation est généralement circonscrite à quelques designers au tout début des projets, pour être oublié ensuite.

Comme avec toutes les problématiques de culture d'entreprise, il n'existe pas de solution prête à l'emploi pour faire face à ces défis. Il faudra que les collaborateurs s'imprègnent progressivement des motivations profondes de leur activité, ce qui implique de pouvoir en démontrer, de la manière la plus transparente possible, le lien avec le besoin exprimé par un client. Attention ! Si cette première étape n'est pas franchie, il sera inutile et contre-productif d'aligner les mesures de performance sur les indices de satisfaction client.

En arrière-plan, l'enjeu est aussi de redonner de la valeur aux tâches humaines. Non par simple désir de donner du sens à la vie des employés (qui est néanmoins un bénéfice utile), mais d'abord parce que l'alternative se traduit par des activités plus ou moins « mécaniques » qui seront un jour prises en charge par des robots. Dans cette hypothèse, l'avantage concurrentiel sera déterminé par la capacité de l'organisation à déployer tous ses métiers en orbite autour du client, portée par l'ensemble de ses effectifs.

Réflexions inspirées par un billet de blog de CEB Financial Services et un article de ComputerWorld.

Bureaucratie (Brazil)

dimanche 12 mars 2017

AXA généralise l'assurance paramétrique

AXA
Dans un univers « digital » dont toutes les caractéristiques peuvent désormais être qualifiées, mesurées et converties en données numériques, l'assurance se transforme inéluctablement. Trois ans après ses premiers pas, AXA se prépare maintenant à généraliser l'approche paramétrique, qui automatise la couverture des risques.

Le principe de ce modèle émergent est finalement assez trivial : dans tous les cas où un dommage à garantir peut être directement corrélé à un ou plusieurs paramètres mesurables objectivement, il est possible de concevoir un contrat dont les conditions sont fondées sur une simple formule mathématique. Par exemple, une assurance pour un champ d'éolienne pourrait déclencher (automatiquement) une indemnisation si, pendant une durée donnée, la vitesse du vent est inférieure de 10% à la moyenne sur 5 ans.

AXA a donc déjà une expérience certaine en la matière, dans 28 pays, principalement centrée sur les risques météorologiques et climatiques (associés à des mesures de température, de pluviométrie, de hauteur des vagues…), qu'elle met aujourd'hui surtout au service de grandes entreprises, à l'image d'un opérateur d'installation photovoltaïque en Chine, couvert contre le manque d'ensoleillement. La création d'une entité dédiée à ce nouveau métier, AXA Global Parametrics, va permettre à la compagnie d'étendre son champ d'action, notamment vers les PME et les particuliers.

En outre, avec l'explosion des volumes de données captées – en particulier grâce à la multiplication d'objets connectés en tout genre, capables de collecter des informations sur toutes sortes de paramètres de notre environnement –, il est évident que l'avenir de l'assurance paramétrique s'annonce radieux dans de multiples domaines. Pour les clients, elle promet de contribuer à une expérience utilisateur optimisée, offrant une plus grande transparence (entre autres sur les conditions de garantie) et une fluidité incomparable du traitement des sinistres (instantané, sans intervention humaine).

Présentation de l'assurance paramétrique

Du point de vue d'AXA, le modèle est tout aussi séduisant. D'abord, parce qu'il lui procure des opportunités d'imaginer et développer des garanties inconcevables auparavant. Mais aussi, et l'enjeu est probablement considérable, parce que le degré d'automatisation qu'il apporte ne sert pas uniquement à proposer des produits plus abordables : il représente aussi un extraordinaire moyen de rationaliser les opérations.

Cet aspect n'est d'ailleurs pas sans soulever des questions majeures, à l'échelle de l'entreprise, voire de la société. Car le développement des approches paramétriques fera progressivement disparaître les métiers liés aux traitements des sinistres, remplacés par des algorithmes plus ou moins élaborés, alimentés par des flux continus de données. L'évocation par AXA de l'exploration du potentiel de la blockchain pour gérer les contrats est ainsi représentative de cette ambition de faire disparaître l'humain de l'équation.

En prolongeant la réflexion au-delà de ce qui est possible aujourd'hui mais envisageable demain, combien de temps faudra-t-il encore pour que les techniques d'apprentissage automatique et l'intelligence artificielle, devenues capables de modéliser les risques à partir des montagnes de données accumulées, commencent à défier les actuaires et s'emparent aussi de leur rôle ? Se dirige-t-on, en réalité, vers un concept de compagnie d'assurance totalement robotisée ? Est-ce là la rançon inévitable de la satisfaction des attentes de transparence, d'efficacité et d'instantanéité exprimées par les clients ?

samedi 11 mars 2017

La ludification s'invite au cœur de la banque

Misys
Parce que la gestion de budget constitue une corvée pour une majorité de consommateurs, les menant souvent à une négligence dangereuse pour leur bonne « santé » financière, l'idée fait progressivement son chemin d'introduire des composantes de jeu dans les outils web et mobiles des banques afin de renforcer et pérenniser leur usage.

Quelques institutions financières ont adopté de telles démarches de ludification, parfois depuis plusieurs années, mais elles sont encore rares. Avec l'annonce [PDF] par l'éditeur britannique Misys – un des grands fournisseurs mondiaux de progiciels bancaires – de l'intégration d'une solution prête à l'emploi (et néanmoins personnalisable) dans sa plate-forme de services, la tendance devrait prendre de l'ampleur. D'autant que l'approche retenue pour le développement de cette extension s'avère – étonnamment, pour un secteur accoutumé au « fait maison » – pragmatique et pleine de bon sens.

En effet, plutôt que de réinventer la roue, Misys a choisi d'établir une collaboration avec une jeune pousse australienne spécialisée, Moroku. Le produit de cette dernière, déjà utilisé par quelques établissements (dont ASB, dans son pays d'origine), est donc simplement pré-packagé dans son offre. L'enjeu n'est pas seulement pour l'éditeur d'accélérer la mise en œuvre d'une nouvelle option, il s'agit avant tout de profiter d'une expertise reconnue dans un domaine – la ludification – largement exposé aux dérives.

Moroku

Afin d'éviter ce genre de risques, les équipes de Moroku s'appuient [PDF] sur des recherches en neurosciences et en psychologie cognitive pour déterminer les meilleurs inducteurs de changement des comportements. La démarche théorique est ensuite complétée par la création de prototypes, mis entre les mains d'utilisateurs réels, de manière à valider et affiner les concepts. Le résultat est une solution offrant une variété de mécanismes ludiques parfaitement ajustés au contexte de l'argent et aux différents profils de clientèle (les attentes et les réactions au jeu n'étant pas uniformes).

Grâce à l'intégration de la technologie de la startup, les clients de Misys disposent dès maintenant d'un catalyseur d'adoption pour des services de gestion de budget peinant fréquemment à remplir leur mission auprès des consommateurs. Pour les autres banques, il restera la possibilité de s'inspirer de la méthode de l'éditeur (le recours à une entreprise tierce, qui pourra être Moroku ou une autre) ou de celle de Moroku elle-même, dans son exploration des mécanismes de jeu adaptés à l'univers des finances personnelles.