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C'est pas mon idée !

jeudi 30 juin 2016

Aborder les données autrement dans l'assurance

Assurance
Quelques mois après les premières mises en œuvre françaises de contrats « Pay How You Drive », les consommateurs semblent rester frileux vis-à-vis de l'idée de partager leur comportement de conduite automobile avec leur assureur. Ne serait-il pas temps d'envisager une autre approche de l'utilisation des données personnelles ?

Que ce soit chez Amaguiz, Allianz ou Direct Assurance, les chiffres disponibles tendent à indiquer que les clients sont réticents à installer ce qu'ils considèrent comme un mouchard dans leur voiture, afin de bénéficier d'une réduction de tarif si la compagnie estime qu'ils ont une attitude prudente au volant. Aucune surprise face à ce constat : le pionnier américain de ces offres, Progressive, rencontre les mêmes difficultés, dans un pays où la marchandisation des données est pourtant globalement mieux acceptée.

En dépit de ces débuts poussifs, aucun changement radical de stratégie n'est, apparemment, à l'ordre du jour. Ainsi, dans une interview pour La Tribune, Godefroy de Colombe, PDG de Direct Assurance, confirme qu'il croit fermement à l'avenir du modèle « Pay How You Drive », dans lequel il discerne une convergence d'intérêts entre le consommateur (qui réalise des économies sur ses primes), l'assureur (qui supporte moins de sinistres) et la société civile (qui bénéficie d'une réduction des accidents).

Et de comparer cette équation de valeur transparente à l'opacité des géants du web, souvent accusés de s'emparer de masses de données personnelles pour des usages (et des bénéfices) peu explicites. Malheureusement, la vertu supposée de la démarche ne suffira probablement pas à convaincre les clients et la raison à cela n'est pas (exclusivement), comme on l'entend trop fréquemment, parce que le grand public serait moins indulgent avec les institutions financières quant aux intrusions dans la vie privée.

En réalité, les perceptions sont certainement plus nuancées. Tout d'abord, la proposition de l'assureur n'est peut-être pas ressentie comme aussi équilibrée que le voudrait la communication officielle. Il subsiste toujours un soupçon, éventuellement renforcé par des dénégations formelles autour de l'usage des données collectées (par exemple sur la capture de la vitesse et sa comparaison avec les limitations). Et, ironiquement, le principe d'une réduction de tarif peut être un facteur (contre-productif) d'éveil de la méfiance…

Axa Drive

À l'opposé, les acteurs internet présentent leur offre comme une évidence : les services, gratuits et irrésistibles, que proposent Google, Facebook et consorts ne fonctionnent que si l'utilisateur partage ses données. Comme quand un assureur demande des informations sur la personne et le véhicule à couvrir au moment de préparer un devis : cela paraît parfaitement naturel. En synthèse, la démonstration de valeur que tentent d'apporter les compagnies constitue vraisemblablement leur principale faiblesse.

Pour convaincre les consommateurs de franchir le pas, certaines solutions commencent à intégrer des services complémentaires (tels que la gestion de notes de frais, pour les professionnels). Il est cependant douteux que ces petits plus – même s'ils sont exploités par des tiers (généralement des startups), pour limiter les risques de confusion – changent radicalement la perception du modèle. Alors, il vaudrait peut-être mieux abandonner le concept « Pay How You Drive » et essayer une autre approche.

Celle-ci pourrait consister à axer les efforts sur la prévention, en incitant les conducteurs à surveiller eux-mêmes leurs comportements au volant et en leur procurant une expérience suffisamment attractive (par des mécanismes de jeu ?) pour exercer une réelle influence. En prenant un peu de soin dans la conception, les bénéfices potentiels en matière de réduction des sinistres devraient être tout autant au rendez-vous. Incidemment, c'est le choix que privilégie Axa (parente de Direct Assurance)…

Les opportunités de l'exploitation des données sont infinies mais elles sont et resteront contraintes par les limites de leur acceptabilité. Plutôt que de se lamenter d'être traitées différemment par leurs clients, les institutions financières devraient s'inspirer des acteurs qui réussissent et chercher à découvrir chez eux les ressorts (psychologiques) qui fonctionnent vraiment. Si la récompense d'un prix avantageux n'opère pas, il vaut mieux trouver une autre solution qu'attendre une évolution des mentalités, celle-ci risquant d'arriver plus tard que la voiture autonome qui rendra caduque l'idée initiale.

mercredi 29 juin 2016

Le crédit immobilier en ligne arrive en France

Crédit Mutuel Arkéa
Elle se vantent toutes d'être entièrement « digitales », mais combien de banques en France offrent un accès distant à l'ensemble de leur offre ? Elles sont peu nombreuses… En proposant [PDF] le crédit immobilier 100% en ligne, le Crédit Mutuel Arkéa se rapproche désormais de cette cible, qui est loin de n'être qu'un défi technologique.

L'idée a déjà fait son chemin dans d'autres parties du monde (au Canada, par exemple), son arrivée en Europe est, selon la communication officielle, devenue possible grâce à l'évolution de la réglementation. Les clients des 3 fédérations du groupe (Bretagne, Sud-Ouest et Massif Central) disposent donc dorénavant d'une option de souscription de crédit immobilier depuis leur espace personnel en ligne, les accompagnant de bout en bout, depuis la simulation jusqu'à la mise à disposition des fonds, sans jamais avoir à échanger le moindre imprimé ni à interagir avec un conseiller.

La dématérialisation du processus est en effet complète : tous les formulaires, dont le questionnaire de santé, sont évidemment remplis sur le web, tous les justificatifs requis sont transmis sous format électronique et la signature du contrat est numérique… Cependant, l'internaute qui aura choisi de se lancer seul dans sa demande de crédit peut à tout moment (ou presque : 7 jours sur 7, de 7:00 à 23:00) faire appel à un conseiller, par téléphone, pour se faire aider dans telle ou telle étape. Il n'est toutefois pas précisé si, au pire, le client peut aussi finaliser en agence un dossier initié en ligne…

À contre-courant de la tradition fermement établie parmi les banques historiques – qui ont décidé que les consommateurs ont besoin d'un conseiller pour souscrire un crédit immobilier et ne leur laisse aucune liberté de choisir leur parcours – le trublion breton s'ouvre ainsi sur une autre vision du monde, dans laquelle le client a le droit d'avoir des préférences, auxquelles son partenaire financier se doit de se plier. Incidemment, il est difficile d'imaginer que le Crédit Mutuel Arkéa se soit lancé dans ce projet sans avoir de sérieux indices d'une attente de sa clientèle : les comportements changent…

La voie est maintenant ouverte vers une banque réellement personnalisée, permettant à chaque individu de sélectionner le mode d'interaction qui lui convient, selon son besoin et en fonction de son contexte immédiat. Il est certain qu'une partie de la population doit parfois être rassurée par un échange en face à face, mais il n'est plus possible aujourd'hui d'ignorer la proportion croissante de ceux qui sont parfaitement à l'aise avec les outils en ligne, quitte à ce qu'ils appellent un centre d'assistance en cas de difficultés.

Crédit immobilier en ligne

mardi 28 juin 2016

UBS ouvre un lab de banque privée

UBS
Si la banque privée et la gestion de patrimoine sont jusqu'à maintenant restées largement à l'écart de la « digitalisation » du secteur financier, l'irruption de nouveaux acteurs sur leurs marchés privilégiés, sans qu'elle représente une menace immédiate, commence toutefois à éveiller les consciences à l'impératif d'une transformation.

Dans le cas d'UBS, par exemple, la curiosité a d'abord, semble-t-il, été éveillée par l'émergence des robo-advisors. Plus concrètement, leur cible généralement moins nantie que celle de la gestion de fortune n'a pas empêché la banque suisse de conclure il y a peu un partenariat stratégique avec – et de prendre une participation dans – une des startups du domaine, SigFig. En réalité, l'ambition de cette alliance est probablement plus de développer une culture que d'adopter un outil d'investissement automatisé.

En effet, les objectifs affichés par la banque avec cette opération sont doubles. D'une part, elle compte sur cette collaboration pour concevoir et mettre en place une expérience « digitale », à la fois en direction de ses 7 000 conseillers en patrimoine et de ses clients, de manière à se mettre en position de fournir à ces derniers un service ultra-personnalisé, couvrant toute l'étendue de leurs besoins. Mais, simultanément, il s'agit également de créer un « lab » de co-innovation permanent, qui doit lui permettre d'apprendre les modes de fonctionnement d'une entreprise technologique.

Dans cette optique, la mission confiée à la nouvelle structure sera de constituer une sorte de forum, dans lequel les conseillers, les experts financiers et les équipes informatiques d'UBS auront l'opportunité de travailler avec les collaborateurs de SigFig autour de futurs produits et services. La vision sous-jacente anticipe l'établissement d'une combinaison idéale entre maîtrise historique de la relation client individuelle (humaine) et compétences avancées en matière de technologie, de data science, de design…

Les premiers pas accomplis avec la startup ont déjà conduit la banque à réaliser l'écart de culture qui existe entre elles. Ainsi, selon un article de Bank Innovation, lorsque la seconde mesure ses cycles de projets en mois ou en années, elle voit la première avancer semaine par semaine et, ce faisant, elle prend la mesure de l'enjeu qu'une telle agilité représente pour son avenir. Et, en parallèle, elle avoue clairement que son but n'est pas vraiment d'intégrer un robo-advisor dans son catalogue mais d'initier une évolution en profondeur de l'ensemble de son offre.

La démarche est incontestablement une avancée importante pour la banque privée d'UBS, qui, comme quasiment toutes ses consœurs, a trop longtemps retardé sa rénovation « digitale » (ce que souligne avec une acuité particulière une récente enquête menée par CapGemini auprès de conseillers et de clients de la gestion de fortune). En revanche, elle soulève des interrogations quant à son impact sur SigFig, qui risque fort d'y perdre son âme : une acquisition en perspective ?

UBS Digital Banking

lundi 27 juin 2016

Mesurer la santé financière pour l'améliorer

Next Billion
Bien que certaines d'entre elles l'oublient parfois, la mission des banques a toujours été et devrait rester de contribuer à la prospérité de ses clients, en les aidant à atteindre leurs objectifs sans mettre en péril leur équilibre financier. Elles sont pourtant rares celles qui mesurent leur impact réel sur la vie quotidienne des consommateurs…

Aux États-Unis, inquiet de cette situation, le Centre pour l'Innovation dans les Services Financiers (CFSI) a décidé de réagir, en estimant (avec justesse) qu'il n'était pas possible de résoudre les difficultés récurrentes auxquelles fait face plus de la moitié de la population sans disposer au préalable d'un diagnostic fiable. Il a donc défini un cadre générique d'évaluation de la « santé financière » des ménages, avec l'ambition d'en faire un point de départ pour toute entreprise qui souhaiterait s'inscrire dans la démarche.

Le dispositif, présenté dans un guide [PDF] détaillé, est volontairement simple. Il comporte 8 indicateurs, répartis sur 4 axes : dépenses, épargne, crédit et planification. Pour chacun d'eux, la description s'accompagne de conseils pratiques de mise en œuvre, essayant, dans la plupart des cas, d'établir une corrélation (préalablement validée au cours de campagnes de test menées l'année dernière) avec les données que possède une institution financière sur ses clients (essentiellement ses transactions et le solde de ses comptes), de manière à délivrer une mesure aussi objective que possible.

What's measured is what matters

Si le principe peut sembler utopique, il n'en inspire pas moins quelques pionniers. Outre 7 structures candidates ayant confirmé leur participation à un « beta test » qui devra confirmer la valeur de l'approche, le CFSI a déjà identifié trois expériences proches de son modèle. Sans grande surprise, une d'elle est due à une association de lutte contre la pauvreté tandis qu'une autre émane d'une startup (HelloWallet). Cependant, la troisième est à porter à l'actif de Wells Fargo, avec un site dédié à la santé financière, visant à développer l'adoption de comportements financiers plus sages parmi ses clients.

Loin de ne constituer qu'un vernis superficiel pour se donner bonne conscience, la proposition de la CFSI devrait intéresser au plus haut point les banques (y compris en dehors de son pays d'origine). D'une part, il vaut certainement mieux investir dans des actions potentiellement porteuses de résultats concrets que dans, par exemple, des outils de PFM inefficaces, qui restent souvent inutilisés. D'autre part, à un niveau plus stratégique, le suivi de la santé financière des clients devrait être un indicateur essentiel de l'activité, ne serait-ce que parce qu'il est représentatif de son évolution future.

dimanche 26 juin 2016

Le problème des banques est d'être dirigées par des banquiers

Umpqua Bank
Après avoir mené la croissance vertigineuse d'Umpqua Bank au cours des 20 dernières années, Ray Davis, son PDG, vient d'annoncer son départ prochain… Mais, en conservant la tête de sa filiale dédiée à l'innovation, Pivotus Ventures, il révèle les qualités qui permettent aujourd'hui à une institution financière de continuer à prospérer.

Dans un registre analogue, j'ai emprunté le titre de ce billet à Dan Kimerling, responsable des API pour la Silicon Valley Bank, qui poursuit en affirmant que la banque est vouée à devenir une activité d'ingénierie logicielle. Dans les deux cas, le message sous-jacent est identique : il faut faire fi des traditions héritées de modèles séculaires, car ce qui fera la banque du XXIème siècle est une prise de conscience profonde, au plus haut niveau, de l'enjeu des technologies et de leur influence sur tous les métiers du secteur.

Le cas d'Umpqua Bank est particulièrement représentatif de cette perspective, à plus d'un titre. En premier lieu, bien que son PDG soit un « vrai » banquier d'origine, il a su, depuis longtemps, développer une vision des transformations qui affectent son environnement, en extraire une stratégie cohérente et décliner cette dernière dans une mise en œuvre opérationnelle efficace. D'autre part, et il s'agit peut-être de la caractéristique la plus importante de la démonstration, l'approche retenue se veut extensive.

Ainsi, la valeur distinctive d'Umpqua réside autant dans la mise en place d'un concept d'agence unique en son genre que dans ses innovations purement technologiques. Contrairement à la plupart des initiatives habituelles – entre déploiement d'écrans dans les points de vente et création de banques mobiles plus ou moins indépendantes –, son projet est conçu comme un tout, dans lequel toutes les briques s'assemblent logiquement. Or, pour ce faire, il est indispensable d'avoir un point de vue extrêmement large.

La passion que suscite l'innovation chez Ray Davis, soulignée par sa volonté d'en conserver les commandes dans Umpqua Bank, est probablement un des facteurs déterminants de cette capacité à ouvrir le champ. À l'inverse, l'incompréhension totale des évolutions qui affectent le monde contemporain constitue certainement un handicap mortel pour les banquiers d'ancienne génération. Alors, sans aller (immédiatement) jusqu'à une prise de contrôle par des ingénieurs logiciels, les dirigeants ont un devoir impératif de comprendre et maîtriser les mutations technologiques en cours.

Pivotus Ventures

samedi 25 juin 2016

Esurance personnalise l'assurance habitation

Esurance DIY Home Inspection App
Hormis les ajustements de prix sur les contrats automobiles en fonction du comportement du conducteur, la notion de personnalisation des offres reste relativement rare, à ce jour, dans le secteur de l'assurance. Grâce à sa nouvelle application mobile d'inspection de l'habitation, Esurance semble faire un premier pas dans cette direction…

Au moment de souscrire une garantie pour sa résidence, le client se voit proposer une option d'auto-diagnostic, assortie de la promesse d'une réduction de prime. S'il l'accepte, il dispose de 20 jours pour télécharger l'application « DIY Home Inspection » puis effectuer et transmettre un tour du propriétaire à la compagnie : armé de son téléphone et en suivant les instructions détaillées qui lui sont fournies, il va filmer la maison ou l'appartement sous toutes ses coutures, à l'extérieur et à l'intérieur.

Une fois cette simple formalité accomplie, les images capturées sont analysées par les experts de l'assurance, afin d'établir la remise consentie sur le devis initial standard (50 dollars au minimum, pour l'effort réalisé), en fonction des caractéristiques particulières et de l'état du bien à couvrir. Le cas échéant, des recommandations complémentaires pourront également accompagner l'offre, par exemple pour envisager la prise en charge spécifique d'une cuisine équipée flambant neuve ou des risques liés à une piscine.

L'application propose par ailleurs à l'utilisateur de conserver une copie des vidéos, pour ses besoins personnels. Dans tous les cas, les enregistrements pourront aussi éventuellement servir de référence à l'assurance (et de preuve de bonne foi) en cas de sinistre, voire même constituer une aide (précieuse) pour remettre les installations en état lorsque des réparations lourdes s'avèrent nécessaires.

Esurance DIY Home Inspection App

Au total, l'équation de valeur de l'application conçue par Esurance se révèle équilibrée. Outre la motivation économique, le client aura la certitude que le contrat qu'il souscrit correspond parfaitement aux risques qu'il encourt. La compagnie, pour sa part, en tire une meilleure connaissance de la propriété qu'elle assure, qui devrait lui permettre d'éviter quelques litiges et autres tentatives de fraudes, sans oublier l'opportunité de rebond commercial, à travers les options supplémentaires qu'elle peut suggérer, en contexte.

La logique de personnalisation qui est à l'œuvre ici est donc plus subtile que celle appliquée de plus en plus souvent à l'automobile : il n'est pas question (officiellement, en tous cas) d'ajuster les conditions de la police selon les risques estimés mais plutôt en fonction des biens assurés. En conséquence, le consommateur devrait logiquement avoir moins de réticences à adopter cette approche, d'autant que la collecte d'information paraîtra plus objective et moins intrusive qu'une analyse de comportement au volant…

vendredi 24 juin 2016

Le chatbot d'AmEx vise les services

American Express
Alors que la mode des « chatbots » bat son plein depuis que Facebook Messenger s'est ouvert à leur invasion, l'annonce de celui d'American Express ne constitue pas une énorme surprise. Néanmoins, l'approche entièrement focalisée sur les services « premium » qu'a retenu le spécialiste de la carte de crédit se démarque des conventions.

Pour l'instant, il ne s'agit que d'un concept, présenté à l'occasion du festival de la publicité Cannes Lions. Il devrait être proposé aux clients américains de la marque dans les mois qui viennent. Après inscription et enregistrement de leur compte Facebook, ceux-ci recevront automatiquement, dans leur application de messagerie instantanée préférée, une notification accompagnée, le cas échéant, d'informations complémentaires pertinentes, à la suite de chaque achat qu'ils réalisent avec leur carte.

Parmi ces messages, American Express ne manquera pas d'introduire des suggestions commerciales, qui pourront former les fondations d'une nouvelle offre publicitaire ciblée à destination des marchands. Ainsi, dans la démonstration réalisée à Cannes, un porteur qui achète un billet d'avion se verra suggérer des restaurants sur son lieu de destination. Dans un registre différent, les avantages spécifiques seront également rappelés via Messenger, tels que les indications d'accès au salon privé de l'aéroport pour les clients éligibles à ce niveau de privilège.

Facebook Messenger Platform

En faisant abstraction des risques (non négligeables) de dérives inhérents à ce modèle, la vision qu'il esquisse a au moins le mérite d'une certaine originalité. En effet, alors que la plupart des initiatives du secteur financier concernaient jusqu'à présent l'accès aux comptes ou le support, la focalisation sur des services additionnels introduit une autre dimension, susceptible d'apporter un peu de légitimité à l'intrusion d'une entreprise dans un outil qui est, malgré tout, perçu par le consommateur comme un espace privé.

Si American Express parvient, grâce à une connaissance intime de ses clients acquise via l'analyse de leurs comportements d'achat, à offrir une expérience ultra-personnalisée, qui réponde très précisément à leurs attentes, sa stratégie peut générer une valeur ajoutée inestimable. Toutefois, pour cela, il faudra, par exemple, que l'invitation dans le salon privé soit délivrée à l'arrivée à l'aéroport (et non lors de l'achat du billet) ou que la proposition de restaurant soit parfaitement adaptée aux habitudes du destinataire (pas question de se contenter de sélections plus ou moins génériques).

Comme avec la génération précédente des applications mobiles, les premières expériences ont d'abord cherché à porter des services existants sur les plates-formes de messagerie. La deuxième vague, qu'inaugure American Express consiste maintenant à essayer d'imaginer d'autres approches, qui pourraient être mieux alignées avec les usages des consommateurs. Au vu de l'enjeu (de rester en contact avec les clients là où ils se trouvent), les tentatives du genre devraient rapidement se multiplier…

jeudi 23 juin 2016

Gartner prédit le règne des assistants digitaux

Gartner
Après Forrester, c'est au tour de Gartner de prédire la fin prochaine des « apps » mobiles, au profit d'assistants personnels et autres services pro-actifs contextualisés. Sa déclinaison sur le domaine spécifique de la maison connectée nous donne cette fois l'occasion de comparer les implications du phénomène pour la banque et l'assurance.

La vision que propose le cabinet d'analystes correspond à une tendance particulièrement visible depuis quelques mois. La « digitalisation » accélérée du monde qui nous entoure s'accompagne d'une explosion du nombre d'applications mobiles, avec pour conséquence directe que les utilisateurs, perdus, installent et utilisent de moins en moins ces dernières. Face à cette situation, qui ne peut qu'empirer, une alternative émerge, grâce à la sophistication croissante des assistants personnels interactifs, dont Alexa (chez Amazon), Siri (chez Apple) ou encore Google Now esquissent le potentiel.

L'accès aux services s'en trouve considérablement simplifié : il suffit au consommateur de formuler ses demandes en langage naturel, pour que l'outil, devenu universel, se charge de trouver instantanément la réponse, en sollicitant en arrière-plan les applications adéquates. Dans la même lignée, commencent également à apparaître des capacités de suggestions – voire d'actions – automatiques déclenchées en fonction du contexte et/ou d'événements donnés, qui laissent entrevoir la possibilité de systèmes capables de satisfaire les besoins de l'utilisateur avant qu'ils ne soient exprimés.

Pour illustrer le propos, Gartner prend l'exemple caractéristique de l'habitation, dans laquelle tous les équipements (chauffage, alarmes, éclairage, portes et fenêtres, cafetière…) acquièrent progressivement de l'« intelligence ». Il n'est évidemment pas envisageable pour ses occupants d'utiliser une application distincte pour contrôler chaque fonction. Alors, des logiciels intégrés ont fait leur apparition, qui évoluent aujourd'hui, à l'instar de la solution HomeKit d'Apple, vers un pilotage par un assistant tel que Siri.

Maison connectée (Apple HomeKit)

Ce type d'approche, qu'il est facile d'extrapoler dans d'autres domaines (notamment l'automobile ou les risques industriels), interpelle logiquement les compagnies d'assurance. Consommatrices d'information par essence, celles-ci vont pouvoir profiter de la multiplication des sources disponibles, qu'il s'agisse de capteurs, de smartphones ou d'appareils divers et variés. Surtout, en se positionnant sur la prévention, elles peuvent acquérir une certaine légitimité à faire partie des « fédérateurs » de services.

Certes, il ne sera peut-être pas question de prendre la place d'un assistant généraliste, mais l'assureur aura une opportunité incomparable de constituer un point central d'accès aux multiples composantes de la protection de la personne et de ses biens, en couvrant la totalité de la chaîne de valeur. Le sujet est suffisamment important dans le quotidien de tout un chacun pour imaginer qu'une entreprise puisse l'exploiter afin d'occuper une place prépondérante (et visible) dans la relation client.

En pratique, le dispositif pourrait prendre la forme d'un compagnon « digital » spécialisé, collectant et analysant en toute sécurité les données exposées par les objets connectés ou autres plates-formes numériques, puis invoquant, plus ou moins spontanément, les fonctions nécessaires – qu'elles proviennent de tiers ou de la compagnie elle-même – pour, par exemple, détecter les risques, alerter le consommateur, prendre des initiatives pour éviter certains sinistres, initier une déclaration d'accident…

En forçant un peu le trait, cette vision de l'assureur au centre de l'expérience de la prévention et de la protection (qu'il reste toutefois à concrétiser) contraste singulièrement avec la perspective généralement proposée aux banques, plaçant ces dernières en fournisseurs de services de facilitation, dont la vocation serait alors plutôt de disparaître derrière un acte d'achat, la réalisation d'un projet…, composante élémentaire d'un ensemble hétéroclite agrégé et orchestré par un assistant personnel « étranger ».

mercredi 22 juin 2016

Barclays veut divertir pour séduire

Barclays
Forte de 5 millions d'utilisateurs de ses applications mobiles, parmi ses 16 millions de clients dans le monde, la britannique Barclays Bank sait qu'elle doit offrir une expérience hors pair si elle veut se distinguer de ses concurrentes. Une de ses priorités pour atteindre cet objectif consiste à introduire une dimension ludique dans l'univers bancaire.

Et, parce qu'elle est consciente de ses propres limites en matière de divertissement, elle fait appel pour cela aux talents extérieurs, à travers l'organisation d'un « Business Challenge » sur sa plate-forme de co-innovation « Launchpad ». En présentant la démarche, Barclays Bank exprime une volonté explicite de créer de nouveaux services avec les entreprises partenaires qui sauront la convaincre. Un air de déjà vu ? Certes, mais, pour une fois, les moyens semblent être au rendez-vous de l'ambition affichée.

Premier facteur d'optimisme, les participants à la compétition pourront disposer non seulement d'un jeu d'API (« interface de programmation applicative »), leur offrant une capacité d'intégration avec les systèmes de la banque, mais également d'un modèle d'application mobile, qui devrait leur permettre de concevoir et développer rapidement des fonctions additionnelles au cœur même des solutions existantes. Rarement les conditions opérationnelles d'une telle initiative ont atteint ce niveau…

Autre source d'étonnement et signe d'un changement de culture, la cadence imposée par la banque rompt définitivement avec les habitudes du secteur : il s'écoulera moins de 3 semaines entre la clôture des candidatures (sur dossier), le 10 juin, et la démonstration des prototypes (fonctionnels), le 27 juin. Si tous les acteurs impliqués parviennent à maintenir le même rythme jusqu'à la fin du cycle, le processus d'expérimentation du « Launchpad » pourrait faire la preuve d'une productivité exceptionnelle.

Barclays Launchpad Business Challenge

Car il faut noter que le challenge ne constituera qu'une entrée en matière. À l'issue de cette phase initiale, les candidats retenus auront en effet l'opportunité de finaliser le développement de leur projet, avec le support des équipes de Barclays Bank, puis, peut-être, de le lancer sur le « Launchpad » (c'est-à-dire le déployer auprès des volontaires inscrits, en vue de le tester en conditions réelles). En perspective, c'est une intégration dans la stratégie web et mobile de l'établissement que peuvent viser les participants.

L'approche s'avère particulièrement propice à une incursion dans le domaine de la ludification. Naturellement, la banque n'est pas idéalement positionnée pour produire les meilleures solutions du genre et elle a donc tout intérêt à recherche l'appui de spécialistes (du jeu vidéo ?) pour espérer réussir. D'autre part, le principe d'une application financière plus « fun » mérite certainement d'être validé auprès d'un échantillon de clients, avant sa généralisation, tellement il peut paraître décalé par rapport aux usages.

Le résultat est – en tous cas vu de l'extérieur –  l'illustration d'un processus d'innovation parfaitement orchestré, depuis la définition des objectifs à atteindre jusqu'à la mise en œuvre éventuelle, en passant par les différentes étapes de raffinement du concept…

mardi 21 juin 2016

The DAO ou la boîte de Pandore d'Ethereum

The DAO
À l'heure où vous lisez ces lignes, vous avez certainement entendu parler des millions de dollars « dérobés » sur The DAO, dans la nuit du 16 au 17 juin. Vantée comme un modèle de mise en œuvre de « contrats intelligents » (« smart contracts », en anglais), la plate-forme a involontairement exposé les limites de ce concept en vogue…

Avant de tenter une analyse, commençons cependant par comprendre ce qui s'est passé (sans éviter quelques simplifications). Tout d'abord, le principe du « contrat intelligent » consiste à utiliser une infrastructure de blockchain, identique à celle de bitcoin, non plus seulement pour enregistrer des transactions « monétaires » mais également des programmes, exécutés automatiquement dans des conditions pré-déterminées. Cette idée à donné naissance, entre autres, à Ethereum et sa monnaie virtuelle, l'ether.

Sur ce socle, a été fondé The DAO (de « Decentralized Autonomous Organization »), qui peut être considéré comme une sorte de fonds d'investissement mutuel, en ethers, entièrement piloté par un algorithme. Ce dernier est, naturellement, implémenté sous la forme d'un « contrat intelligent ». Le modèle a suscité un tel engouement public qu'il a réussi à capter environ 10% de la masse monétaire d'Ethereum en moins d'un mois, soit l'équivalent de 150 millions de dollars (au plus haut du cours de la crypto-devise).

Arrivons-en maintenant à l'incident de la semaine passée. En prenant quelques raccourcis pour faciliter la compréhension, l'un des investisseurs de The DAO a exploité un bogue dans le « contrat intelligent » qui le régit, lui permettant d'en extraire 3,6 millions d'ethers (environ 40 millions de dollars au cours actuel) à son profit. Un aspect particulièrement perturbant de l'affaire est qu'il s'agit en fait d'un détournement de l'algorithme pour un usage non prévu : le vol n'est pas nécessairement caractérisé…

The DAO

Une erreur de code qui coûte 40 millions, voilà de quoi faire réfléchir. Elle signe probablement la mort de The DAO et soulève des questions sur l'avenir d'Ethereum. Le concepteur de ce dernier a été prompt à affirmer que son « bébé » n'est pas en cause, ce qui est vrai… jusqu'à un certain point. Car on peut se demander légitimement si le système n'est pas trop riche, trop complexe et trop ambitieux : permettre d'automatiser des mouvements d'argent expose à des risques majeurs que rien ne vient modérer.

En effet, conformément à la logique de la blockchain, les contrats enregistrés sur Ethereum sont immuables, ce qui interdit de corriger (facilement) les anomalies qu'ils peuvent comporter et laisse donc toute latitude à un utilisateur malveillant de les analyser en détail, afin de tirer profit de leurs défauts. Or les erreurs humaines sont inévitables. Tant qu'un contrôle automatique et formel de la qualité du code n'est pas mis en place, la seule conclusion raisonnable est qu'il vaut mieux se méfier des « contrats intelligents ».

Au fond, il semble logique qu'un concept aussi élaboré requière une période de mise au point, ne serait-ce qu'en termes de précautions d'usage… Ce qui rend le cas de The DAO dramatique est le fait qu'il ait pu conquérir en très peu de temps une large audience, composée de nombreux néophytes n'ayant pas tous conscience des risques qu'ils prenaient, y compris lorsque les premières alertes de sécurité ont été émises, quelques jours avant l'attaque proprement dite. De toute évidence, les applications de la blockchain sont prometteuses mais beaucoup restent expérimentales

lundi 20 juin 2016

French Tech, manque d'ambition ou de moyens ?

French Tech
Il y a quelques jours, un journaliste de TechCrunch critiquait la « French Tech » et déclenchait une mini-crise, autour d'un supposé manque d'ambition des startups françaises, qu'il dénonçait plus particulièrement. Plutôt que de rejeter en bloc sa perception, pourquoi ne pas tenter de chercher des solutions aux vrais problèmes qu'il soulève ?

Pour résumer l'objet des débats, Jon Evans, invité par notre gouvernement à faire un tour des initiatives hexagonales en faveur de notre écosystème entrepreneurial, en est ressorti avec l'impression que, pour une majorité d'intervenants (pouvoirs publics, grands groupes, investisseurs, structures d'accueil… et même les startups), le principal objectif visé est d'alimenter l'innovation des sociétés du CAC 40 à coup d'acquisitions. Il existerait des exceptions mais elles sont rares (qui, derrière Blablacar et Sigfox ?)…

Sans vouloir généraliser, il est évident que le constat correspond à une certaine réalité dans le domaine spécifique de la FinTech. Ainsi, du côté des acteurs en place, la vision, telle qu'elle est esquissée par la FBF, est sans équivoque : « les banques et la FinTech doivent travailler ensemble, c'est dans leur intérêt mutuel », assène Marie-Anne Barbat-Layani, sa directrice générale. En face, force est de constater que l'époque où les jeunes pousses clamaient vouloir prendre la place des institutions financières est révolue.

Tweet FBF

Naturellement, avec un tel état d'esprit, il vaut mieux ne pas rêver à faire de la France un nid de licornes disruptives. L'approche privilégiée de collaboration entre grandes structures et nouveaux entrants permet certes à ces derniers de se développer, mais elle est également le plus sûr moyen pour les premières de s'assurer qu'elles ne se feront pas dépasser, avec l'espoir (qui est plus souvent une illusion) qu'elle pourront profiter des innovations captées de la sorte pour rester compétitives, généralement après absorption.

Pour autant, faut-il considérer que les entrepreneurs sont coupables de céder à ce qui serait la « facilité » de l'acquisition ? Comme on l'a vu, il s'agit de la solution préférée des banques et, forcément, cette pression influence, d'une manière ou d'une autre, les stratégies de la plupart des investisseurs initiaux et des startups. Malheureusement, cette issue est surtout, dans bien des cas, la seule possible pour de jeunes entreprises qui ne peuvent obtenir les moyens de poursuivre leur rêve jusqu'à son terme…

En effet, en dépit de la relative simplicité avec laquelle il est possible de fonder une FinTech aujourd'hui, il ne faut pas se leurrer : comme le rappelle Benoît Legrand à propos des néo-banques, l'atteinte de la maturité (et, donc, du point d'équilibre économique) prend du temps et, dans l'intervalle, les investissements nécessaires sont lourds. Or, les sources de financement sont très peu nombreuses en France, surtout lorsqu'il commence à être question de lever des dizaines de millions d'euros.

En conclusion, il existe bien un obstacle réel à l'émergence de géants de la « French Tech » et il serait stupide de l'ignorer. Comme le montre la Silicon Valley depuis plusieurs décennies, la valorisation des jeunes pousses exige un écosystème de financement à la hauteur des ambitions (en montant, en accompagnement dans la durée…). À défaut, les idées prometteuses continueront à être englouties avant d'avoir exprimé leur véritable potentiel, à moins qu'elle n'aillent lever des fonds sous des cieux plus cléments.

dimanche 19 juin 2016

Le P2P lending entre dans la banque privée

Rabobank
Avec l'expérimentation que vient de lancer Rabobank aux Pays-Bas, et qui doit se prolonger jusqu'à la fin de l'année, le concept de prêt direct aux entreprises s'adapte maintenant à une population spécifique – celle des personnes fortunées – à travers une approche qui devrait profiter à toutes les parties concernées : particuliers, PME et banque…

Au premier abord, le principe de cette nouvelle offre respecte les standards du genre. Une plate-forme en ligne, baptisée « Rabo & Co », permet simplement aux entreprises de soumettre leurs demandes de financement (sous forme de crédit), auxquelles les clients peuvent alors choisir d'apporter leur contribution. Naturellement, dans le contexte d'une banque, celle-ci aura préalablement analysé et validé les dossiers – et, selon toute vraisemblance, défini les conditions commerciales – avant leur publication.

Cependant, contrairement aux habitudes de distribution élargie en vigueur dans l'univers du crowdfunding, la solution de Rabobank est exclusivement réservée, du côté des prêteurs, aux clients dont le patrimoine disponible est supérieur à 1 millions d'euros. En outre, le ticket d'entrée minimal sur chaque opération est fixé à 100 000 euros. La banque privée s'enrichit de la sorte d'un nouveau produit d'investissement, dont on peut supposer que les promesses de rendement seront particulièrement attractives…

En contrepartie, la participation directe à un prêt implique des risques de défaut ou de retard de paiement, qui seront entièrement assumés par le souscripteur. Toutefois, pendant la phase expérimentale actuelle, Rabobank finance (au moins) 50% du montant de chaque prêt accordé, afin de stimuler la confiance des consommateurs, en sus de ses critères usuels d'attribution de crédit, en restant à leurs côtés, quoi qu'il arrive.

Du point de vue des clients de la banque, les bénéfices de la plate-forme sont clairs. Les PME y trouveront un mode de financement alternatif, complémentaire des solutions classiques, tout en conservant un interlocuteur unique, de confiance. Les particuliers, pour leur part, profiteront d'un produit financier potentiellement rémunérateur, leur permettant également d'exercer un certain contrôle sur l'utilisation qui est faite de leur argent, le tout délivré par un intermédiaire qu'ils connaissent bien.

La valeur pour la banque est plus intéressante à analyser, puisqu'elle émane principalement de contraintes réglementaires. En effet, la part des crédits souscrite directement par les consommateurs échappe aux critères de liquidité imposés aux institutions financières. Ainsi, Rabobank peut réduire son exposition aux exigences de fonds propres tout en maintenant son niveau d'activité dans le crédit aux PME. Les économies engendrées compensent certainement le coût de mise en œuvre.

Ou comment la réglementation devient moteur d'innovation

Siège Rabobank

samedi 18 juin 2016

La Banque d'Angleterre lance un accélérateur

Bank of England
Tandis que les institutions financières multiplient les dispositifs d'accompagnement de startups, les banques centrales sont, jusqu'à maintenant, restées en retrait du mouvement. En lançant son propre accélérateur FinTech, la Banque d'Angleterre est la première à structurer sa volonté de collaborer avec les nouveaux entrants.

Comme dans la majorité des initiatives du genre, quel qu'en soit le promoteur, l'ambition portée par la Banque d'Angleterre est multiple, entre désir d'appréhender de nouvelles approches face aux défis qu'elle affronte dans ses missions et besoin de comprendre les technologies émergentes et leurs usages. Ceci étant, en dépit de son appellation, la démarche adoptée dans ce but tient plus de la formalisation d'un mode de coopération avec la FinTech que d'un accélérateur de jeunes pousses au sens traditionnel.

En effet, il n'est point question ici d'héberger les entreprises et de leur offrir des services (de coaching, notamment). Il s'agit, plus modestement, de mettre en place un processus standardisé de soumission de propositions, en vue de la réalisation d'expérimentations. Les candidats se voient ainsi offrir l'opportunité de déployer leur solution dans un environnement réel, en interaction directe avec les experts de la banque, ce qui constituera pour eux une référence utile et prestigieuse (que le projet aboutisse ou non).

Tout en ouvrant le champ d'investigation à tous les domaines susceptibles de la concerner, l'institution explicite les thèmes de recherche qu'elle privilégie, dont il ressort que l'analyse des données constitue le cœur. Plus précisément, l'exploration de jeux de données volumineux (issus du reporting réglementaire des banques…), la détection d'anomalies et la reconnaissance de motifs par apprentissage automatique (pour la sécurité…) et la protection des données sensibles sont les priorités actuelles.

Bank of England FinTech Accelerator

Avant son annonce officielle, ce 17 juin, le dispositif était déjà éprouvé avec plusieurs entreprises pilotes, parmi lesquels figurent BitSight (sur un outil destiné à évaluer la cyber-résilience des entreprises grâce à l'analyse de données disponibles publiquement), Privitar (dont la solution d'anonymisation est jugée sur la capacité à exploiter utilement les résultats qu'elle produit) et PwC (pour la mise en place d'un environnement complet de registre distribué basé sur une technologie de blockchain privée).

Ce dernier exemple souligne toutefois les limites de l'initiative, autant par le choix du partenaire – bien loin d'être une startup ! – que par son faible potentiel de disruption, puisqu'il se réduit à un test technique, dans un domaine où les enjeux sont bien plus larges. Heureusement, ce sujet n'est pas clos, car, les questions soulevées autour de cette expérience préliminaire (qui font aussi partie du champ d'investigation, même si elles sont moins mises en avant) démontrent une maturité certaine de la banque.

En tout état de cause et malgré ses quelques défauts, l'initiative est particulièrement notable de la part d'une organisation qui peut évidemment s'enrichir d'apports extérieurs mais est, par nature, profondément conservatrice. En outre, au-delà de la déclaration d'intention et des premiers pas réalisés, la méthode appliquée (en cycles courts, avec des indicateurs de succès pré-déterminés…) semble faire preuve d'un professionnalisme que pourraient envier bien des grands groupes en mal d'innovation…

vendredi 17 juin 2016

Une carte bancaire pour l'environnement

Ålandsbanken
Basée dans les iles Ålands (un archipel situé en pleine mer Baltique, entre les côtes finlandaises et suédoises), Ålandsbanken se sent particulièrement concernée par la dégradation de l'environnement dans la région. À tel point qu'elle lance une carte de crédit destinée à stimuler la prise de conscience et l'action concrète de ses clients.

Le petit établissement n'en est pas à sa première initiative dans le domaine, puisque, dès 1997, il créait, par exemple, un compte d'épargne spécialisé, dont 0,2% des dépôts sont versés à des projets en faveur de l'environnement. Et, l'an dernier, il a fondé la plate-forme « Baltic Sea Project », invitant tous les acteurs désirant s'engager pour la sauvegarde de la mer Baltique à se rassembler et coopérer afin de trouver des solutions innovantes aux immenses problèmes de pollution qui ruinent les écosystèmes.

La nouvelle carte de crédit « Baltic Sea » s'inscrit justement dans ce programme, en parfait alignement avec ses ambitions croisées de sensibilisation des consommateurs, d'incitation à la participation directe aux efforts et de prosélytisme auprès des autres entreprises des rives de la mer Baltique. Pour ce faire, elle combine 3 caractéristiques particulières. La première – et la moins originale – est d'être totalement biodégradable et fabriquée (par Gemalto) avec des matériaux d'origine « durable ».

Plus intéressant, toutes les dépenses effectuées avec la carte font l'objet d'une évaluation individuelle de leur impact environnemental (sous la forme d'équivalent en émissions de gaz à effet de serre), reportée sur le relevé mensuel transmis au client. L'idée avait déjà été esquissée par MasterCard en 2011 pour les cartes d'entreprises mais il ne semble pas qu'elle ait rencontré un grand succès. Ici, Ålandsbanken apporte une valeur supplémentaire en utilisant ses données d'analyse financière pour produire l'« Åland Index » qui sert de référence au calcul des émissions de 49 catégories de marchands.

Baltic Sea Card

Dans un effort pédagogique, la banque offrira aux porteurs de la carte un suivi de l'évolution des estimations mensuelles ainsi qu'une comparaison avec la moyenne nationale qui devraient les encourager à adopter des comportements plus vertueux. D'ailleurs, dans ce registre, la dernière partie de l'initiative consiste à proposer aux clients, toujours dans leur relevé de dépenses et très simplement, de compenser les émissions de gaz à effet de serre mesurées, soit par une contribution pécuniaire à un organisme dédié (local ou global, au choix), soit à travers des gestes de la vie quotidienne.

À l'ère post-accords de Kyoto et de Paris, toutes les institutions financières (dans le concert général des grands groupes internationaux) vont de leur couplet autour du développement durable. Malheureusement, derrière les stratégies superficielles, faites de communication plus que d'action, rares sont celles qui, comme Ålandsbanken mettent en œuvre des initiatives concrètes et pragmatiques, aussi modestes soient-elles. L'exemple mériterait d'être suivi, d'autant que, comme souvent dans ce domaine, les investissements nécessaires restent raisonnables, pour une valeur potentielle inestimable.

jeudi 16 juin 2016

Le trading aussi devient conversationnel

AJ Bell
Décidément, les applications de messagerie instantanée inspirent le secteur financier ! Dans le sillage des expérimentations de quelques banques pionnières (entre Bank of America et TD Bank), voici la première solution de trading pour Facebook Messenger, proposée par le spécialiste de l'investissement en ligne britannique AJ Bell.

À l'instar de la plupart des initiatives similaires récentes, il n'est pas question, à ce stade, de profiter des services d'un véritable agent intelligent, qui serait capable de conseiller l'utilisateur dans les méandres des marchés d'actions. Capitalisant sur l'ouverture – il y a quelques semaines – de la messagerie de Facebook aux « chat bots », AJ Bell se contente de founir un automate basique avec lequel les interactions sont étroitement guidées, par l'intermédiaire de listes de choix et autres questions fermées.

À défaut de fournir des recommandations personnalisées, l'outil restera donc plutôt réservé aux clients avertis. Après authentification (via un code à usage unique envoyé par SMS, ce qui semble devenir la norme sur ces plates-formes), ils découvriront cependant une palette complète de fonctions, facilement accessibles, depuis le suivi de portefeuille jusqu'à l'exécution de transactions, en passant par la recherche et la consultation des détails de valeurs (y compris des graphiques de cours, par exemple).

Démonstration AJ Bell sur Facebook Messenger

Sans surprise, AJ Bell motive le lancement de son application sur Messenger par sa volonté de séduire et fidéliser la clientèle des 18-30 ans, particulièrement adepte du tchat. À l'appui de cette stratégie, les recherches sur les comportements des consommateurs montrent que, en moyenne, les mobinautes n'utilisent régulièrement que 5 logiciels sur leurs smartphones, dont deux de messagerie. L'entreprise doit désormais être présente au cœur de ces plates-formes, pour espérer capter l'attention de ses clients.

Alors, certes, cette solution de première génération est encore rudimentaire, mais elle représente un enjeu beaucoup plus important qu'il n'y paraît. En effet, si les utilisateurs adoptent massivement ces interfaces conversationnelles, la voie sera ouverte à de futurs conseillers virtuels, propulsés par une intelligence artificielle de plus en plus efficace, capables de prendre en charge toutes sortes d'actions de la vie courante. Et, une fois que l'habitude sera prise, il sera difficile d'expliquer aux clients concernés qu'ils ne peuvent gérer l'ensemble de leurs finances personnelles de la même manière…

Information repérée grâce à Philippe (merci !)

mercredi 15 juin 2016

Apple : les annonces à retenir

Apple
Comme chaque année à la même époque, la conférence pour développeurs d'Apple donnait cette semaine l'occasion de découvrir les prochaines évolutions des logiciels de la marque. En quelques annonces, celles-ci représentent, pour le secteur financier, une synthèse de la plupart des grandes tendances mobiles du moment.

Naturellement, la nouveauté la plus visible et la plus commentée du lot est l'arrivée d'Apple Pay en France, d'ici début juillet, via le groupe BPCE – et ses réseaux Banque Populaire et Caisse d'Épargne – et Carrefour Banque. Ce n'est évidemment qu'une demi-surprise, les ambitions d'expansion mondiale de la solution ne constituant pas un secret. Derrière cette première brèche, l'ensemble de l'industrie bancaire hexagonale est désormais sous pression pour rejoindre le mouvement… dont il reste à voir l'impact qu'il aura sur les comportements des consommateurs…

Toujours dans l'univers d'Apple Pay (et donc bientôt accessible aussi aux clients de BPCE), il faut relever l'apparition d'une plate-forme de paiement en ligne, s'attaquant plus ou moins directement à PayPal (et Paylib…). Apple oblige, l'approche retenue est particulièrement élégante et apporte une vraie simplification (sans compromis pour la sécurité), en permettant à l'utilisateur de régler ses achats sur un site mobile par une simple validation de son empreinte digitale via le lecteur Touch ID de son iPhone.

Dans un registre radicalement différent, c'est ensuite l'application de tchat iMessage qui retiendra l'attention. À l'instar de ce que proposent maintenant, sous diverses formes, de plus en plus d'outils du genre, Apple fait du sien une véritable plate-forme, un peu comme le chinois WeChat. Celle-ci porte ainsi la vision d'un accès immédiat, sans jamais quitter la messagerie, à une multitude de services – jeux, m-commerce, banque, finance et autres… Un AppStore dédié à ces logiciels marque sans la moindre ambiguïté l'inexorable transition vers ces nouveaux modes d'interaction.

Conférence développeurs Apple 2016

Enfin, la dernière actualité notable concerne Siri, l'assistante vocale de l'iPhone, qui commence (enfin !) à s'ouvrir aux applications tierces, alors qu'elle était jusqu'à présent réservée (presque) exclusivement aux logiciels d'Apple. L'enthousiasme sera toutefois tempéré quand on réalisera que seuls quelques types de services – dont les paiements de personne à personne, avec une première démonstration réalisée par Square Cash – sont acceptés, à ce stade. Mais il ne s'agit probablement que d'un début…

Si l'adoption de Siri par les propriétaires d'iPhone semble encore relativement marginale, l'extension de ses capacités (et son adaptation aux PC de bureau) répond au succès de la balise Echo d'Amazon, notamment pour des usages en environnement « privé ». À l'arrivée, en combinant une interface vocale ouverte avec des applications qui s'intègrent au cœur de la messagerie instantanée, le tout au service d'un moteur d'intelligence artificielle, c'est une vision de la banque mobile de demain qui peut se dessiner avec les prochaines versions du système d'exploitation d'Apple.

Quoi qu'on pense du caractère innovant de ces évolutions (dont il est vrai qu'elles s'inspirent toutes d'exemples existants), leur appropriation par Apple – outre sa démonstration habituelle du soin apporté à l'expérience utilisateur – signale un possible changement des comportements des consommateurs, qui doit donc impérativement être appréhendé par les institutions financières. En conséquence, la simplification des paiements et les interfaces alternatives devraient être les priorités des mois à venir.

mardi 14 juin 2016

Des big data contre la fraude ?

Crédit du Nord
La mode des « Big Data » continue à battre son plein dans le secteur financier et leurs applications à la lutte contre la fraude ont particulièrement le vent en poupe aujourd'hui (alors que les premières initiatives remontent à plusieurs années). En pratique, il semblerait que, malheureusement, les actes ne suivent pas les discours…

C'est, en tous cas, la seule hypothèse qui puisse expliquer la mésaventure arrivée récemment à un proche, et qui doit concerner des milliers de consommateurs quotidiennement. En l'occurrence, il s'agissait d'une « simple » fraude sur sa carte bancaire, utilisée pour réaliser des achats en ligne. Les faits n'ont rien de très original, si ce n'est que les transactions réalisées par les pirates présentent tous les signes d'une malversation sans que cela n'ait levé la moindre alerte dans les circuits de traitement.

Voilà donc une succession d'achats effectués sur un même site marchand (Bouygtel, auprès duquel la carte n'avait jamais été utilisée auparavant et dont il est notoire qu'il est une cible privilégiée pour la fraude, via l'achat de recharges téléphoniques), pour un montant identique, vraisemblablement exécutées à quelques minutes d'intervalle. Je ne crois vraiment pas qu'il soit besoin de « Big Data », d'apprentissage automatique et autres algorithmes prédictifs pour éveiller les soupçons dans une telle situation…


Prenons un peu de recul. Après une longue période d'accalmie, la fraude sur les paiements est repartie en hausse sensible ces dernières années, jusqu'à déclencher l'alarme des autorités. En parallèle, les techniques d'analyse de données ont fait des progrès considérables et des dizaines d'acteurs (historiques et startups) proposent maintenant des solutions extrêmement sophistiquées pour lutter contre le phénomène. Hélas, non seulement ne sont-elles pas déployées, mais même des précautions élémentaires ne sont apparemment pas mises en œuvre.

Si on ne veut pas céder à la tentation de croire que les institutions financières négligent de protéger leurs clients (qui, souvent, font seuls les frais des incidents, du moins du côté des commerçants), il reste à supposer que, encore une fois, la lenteur des projets est à l'origine des déficiences. Illustration concrète : les expérimentations de CVV dynamique lancées en mai 2015 n'ont débouché sur aucun résultat officiel. Des tests s'étalant sur un an et plus ne sont plus acceptables dans le monde « digital »…

De leur côté, les applications « Big Data » sont probablement affectées du même mal. Les technologies mises en œuvre sont tellement éloignées des habitudes des banques, que le passage du prototype – aussi prometteur soit-il – à la production fait face à une crainte quasi insurmontable de l'inconnu. En attendant, les attaques se multiplient et la confiance des clients s'effrite inexorablement. En matière de sécurité aussi, la réactivité est une qualité indispensable pour répondre aux attentes des consommateurs !

lundi 13 juin 2016

Quand l'innovation transcende les frontières

Nationwide
Une des raisons d'être de ce blog est, depuis son origine, de stimuler le partage des idées innovantes à travers le monde entier. Aussi suis-je particulièrement heureux de commenter le partenariat que viennent de conclure la britannique Nationwide et l'américaine Umpqua Bank, visant à établir une collaboration transatlantique.

Pour être tout à fait exact, l'initiative concerne en fait Pivotus Ventures, la filiale d'Umpqua Bank dédiée à l'innovation, qui trouve peut-être là une belle justification à sa séparation de sa maison mère. Au sein de cette structure autonome, les partenaires ont l'intention de mettre en commun leurs ressources, leurs expertises et leurs inspirations afin de créer les nouvelles solutions « digitales » qui transformeront l'expérience utilisateur et leur permettront de répondre aux attentes de leurs clients sur leurs marchés respectifs.

Pour que le mariage fonctionne, il faut évidemment que les deux banques aient une certaine proximité de culture. En l'occurrence, elles sont fondées sur un même modèle mutualiste, propice à la coopération, et sont dotées, de longe date, de stratégies d'innovation aussi ambitieuses l'une que l'autre. Second aspect crucial de l'opération, et avantage exclusif pour des acteurs régionaux, la distance géographique entre l'ouest des États-Unis et l'Angleterre est un atout non seulement pour la productivité du mélange mais aussi pour éviter les risques de « défiance concurrentielle ».

Pivotus Ventures

Au-delà de la seule mutualisation de moyens (humains et matériels), la valeur potentielle de cette association est aisée à percevoir. En effet, les différences existantes entre des banques qui opèrent dans deux pays séparés de plusieurs milliers de kilomètres, dont les clients ont des usages et des habitudes spécifiques en matière de finances personnelles, dont l'environnement réglementaire favorise telle ou telle typologie de produit… sont autant de facteurs de démultiplication de la créativité des deux côtés.

Quand la concurrence locale tend à uniformiser les préoccupations – et, donc, les axes d'innovation – des établissements qui se surveillent au jour le jour, une ouverture sur d'autres marchés permet au contraire de découvrir et envisager de nouvelles orientations, susceptibles d'apporter plus de différenciation. Naturellement, tout ne peut être répliqué à l'identique entre deux pays, mais bien des concepts (et des méthodes) peuvent être adaptés et déclinés sans avoir à déployer d'efforts importants.

Ainsi, ce qu'essaient de faire ensemble Nationwide et Umpqua tient d'une sorte d'échange culturel international. Il est tentant de faire le parallèle avec les grands groupes mondiaux qui auraient nativement l'opportunité de faire de même. Il est même quelques banques qui affirment utiliser certains pays (la Pologne, par exemple) comme laboratoire d'innovation. Il faut pourtant admettre que les résultats ne sont généralement pas au rendez-vous : le mélange des idées est encore loin d'être opérationnel !

dimanche 12 juin 2016

Vers une ré-internalisation de l'informatique ?

Innovation
Reposant entièrement sur le traitement de l'information, le secteur financier est, par essence, le plus important employeur en informatique. Si une bonne partie des compétences requises est aujourd'hui externalisée, les transformations en cours semblent appeler à une ré-appropriation des expertises au cœur de l'entreprise « digitale ».

Même quand elles ne se comparent pas à la FinTech, les grandes banques et compagnies d'assurance font partie des rares organisations dans lesquelles l'informatique constitue le moteur même de l'activité. Leurs DSI (« Direction des Systèmes d'Information ») comptent ainsi des milliers de collaborateurs, auxquels s'ajoutent des myriades de sous-traitants, opérant souvent à distance, dans des pays plus ou moins lointains (Maroc, Roumanie, Inde…), où les coûts sont plus abordables…

Le mouvement d'externalisation a pris une telle ampleur que, dans bien des institutions financières, les effectifs internes sont principalement composés de responsables de projet, d'architectes de tout poil (techniques, applicatifs, fonctionnels…), de maîtres d'ouvrage (une spécialité bien française)… collectivement chargés du pilotage (au sens large), tandis que les réalisations concrètes sont, pour la plupart, déléguées à des sociétés tierces. Cependant, il existe (au moins) deux raisons pour lesquelles ce mode d'organisation doit maintenant changer radicalement.

Tout d'abord, le déplacement de la différenciation concurrentielle impose un recentrage des priorités. Dans une époque où, par exemple, l'application mobile représente pour le consommateur un des premiers critères de choix d'un fournisseur, il s'avère critique de maîtriser la chaîne de valeur technologique dans son ensemble. Il n'est plus possible de se contenter de définir un cahier des charges et de laisser des développeurs extérieurs s'emparer et devenir les uniques détenteurs de la connaissance des rouages.

Le deuxième enjeu est celui de l'agilité. L'évolution permanente des comportements des clients met les institutions financières sous la pression de la réactivité et de la flexibilité : il faut savoir répondre à leurs besoins fluctuants, toujours plus rapidement et plus efficacement. Or cette exigence est difficile (sinon impossible) à prendre en compte avec des équipes distantes et une multiplication des couches de responsabilité dans les prises de décision. La proximité avec le client final est la clé de l'entreprise « digitale ».

En conséquence, seule la réintégration de l'ensemble des compétences informatiques au cœur des modèles offre une perspective de reprendre l'avantage compétitif et répondre correctement aux attentes des clients. La capacité à constituer des équipes resserrées autour des projets, possédant à la fois une forte expertise technique et une profonde imprégnation de la culture d'entreprise et des métiers, capables de travailler au contact direct et permanent des clients, devient une condition primordiale de succès.

Loin de n'être qu'une vision théorique, le mouvement de ré-internalisation est déjà à l'œuvre, d'une manière ou d'une autre, dans quelques structures en avance sur leur temps. En particulier, il n'est plus si rare de rencontrer de telles approches dans des directions métier qui ont parfaitement compris, avant leur DSI, les nouveaux enjeux de la maîtrise des technologies de bout en bout pour leur activité. Au-delà, une véritable révolution s'annonce, qui ne sera pas aisée à accepter, tant l'habitude de l'externalisation bon marché, dévalorisant les exécutants, est ancrée dans les grands groupes…

Collaboration

samedi 11 juin 2016

Pourquoi une grande banque ne peut innover

Bank of America
S'il est bien connu que l'innovation constitue un défi extraordinaire pour la plupart des grandes entreprises, identifier et vaincre les facteurs de blocage reste souvent difficile. Les récentes remarques de Cathy Bessant, directrice des opérations et de la technologie de Bank of America, nous donnent l'occasion d'en abattre au moins un…

Ironiquement, c'est à l'occasion d'une conférence co-organisée par la Singularity University et CNBC dans laquelle elle intervenait (et suivie d'une interview pour la revue American Banker) qu'elle a tenu des propos qui vont, dans une certaine mesure, à l'encontre des discours habituels (et totalement rhétoriques, dans bien des cas). En effet, tout en admettant que la technologie est essentielle pour la banque, C. Bessant rejette l'idée qu'elle puisse être assimilée à la FinTech, d'une quelconque manière.

Son argument principal tiendrait à une différence de responsabilités. Ainsi, selon elle, la FinTech procède essentiellement de l'expérimentation et les entrepreneurs qui se lancent dans l'aventure ont, dans leur immense majorité, vocation à échouer, sans que cela ne fasse la moindre différence à l'échelle du monde. À l'opposé, un groupe de la dimension de Bank of America ne peut se permettre de prendre le moindre risque avec un nouveau produit ou service, quand il s'expose aux réactions de 30 millions de clients…

Tout est dit et il ne reste plus qu'à enterrer l'idée d'innovation dans la banque, car même si C. Bessant maintient le contraire, il ne subsistera que des améliorations marginales et jamais de profondes transformations. La croyance (absurde) qu'il serait possible de créer de (vraies) nouvelles solutions dont le succès est assuré a priori est le moyen le plus sûr d'inhiber toute initiative. Sous forme presque caricaturale, voici un parfait exemple de l'obstacle numéro 1 au changement dans l'entreprise : la peur de l'échec.

En réalité, la différence entre la banque et une jeune pousse ne réside pas dans un niveau de responsabilité mais dans le courage. Il ne faut pas confondre le risque d'échec collectif (et anonyme) de la FinTech avec les enjeux auxquels fait face chaque entrepreneur : si son produit ne séduit pas sa cible, son projet s'effondre et il perd « tout ». En conséquence, il a bien plus de motivation à réussir que ne peut en avoir une organisation immense dans laquelle un raté sera compensé par mille autres succès.

Il serait donc logique que les grands groupes poursuivant des ambitions d'innovation adoptent les meilleures pratiques des acteurs les plus engagés. Parmi celles-ci, l'acceptation des échecs est primordiale. Elle peut évidemment être accompagnée de mesures destinées à lever les craintes (légitimes) de visibilité, mais elle doit être insinuée dans tous les rouages de l'entreprise, en partant du plus haut (alors que les discours de C. Bessant sont voués à provoquer l'effet inverse chez Bank of America).

Au fond, est-il si difficile d'admettre que tout ne peut réussir ? Qu'on le veuille ou non, les incidents plus ou moins graves (vols de données, inaccessibilité des services, erreurs de traitements d'opérations…) émaillent déjà largement la vie des banques, qui parviennent à les surmonter. Objectivement, vaut-il mieux, vis-à-vis des clients, voir une innovation tomber à plat ou subir des critiques de plus en plus précises sur l'incapacité à répondre à des exigences considérées comme naturelles à notre époque ?

 Cathy Bessant (Bank of America)

vendredi 10 juin 2016

Non, la blockchain ne sauvera pas le monde

Swift
Toutes les innovations prometteuses finissent, à un moment ou un autre, par devenir des objets de fantasmes, parés de toutes les vertus… avant de tomber dans une inévitable phase de désillusion. La blockchain est aujourd'hui dans cette position et les excès vont bon train, par exemple en matière de sécurité et de lutte contre la fraude.

Dans le sillage du vol de plus de 80 millions de dollars dont a été victime la Banque du Bangladesh via le réseau Swift (tout comme quelques autres établissements, pour des sommes moins élevées, toutefois), les réactions ont été promptes : « ces attaques pourraient accélérer la transition vers la blockchain » proclame ainsi le site Daily FinTech, en rebondissant sur les réflexions déjà engagées par le consortium international en vue d'une éventuelle adoption de la technologie de registre distribué.

Faisant partie des fervents défenseurs de la valeur de la blockchain (« publique ») en matière de sécurité, j'adorerais pouvoir en faire la démonstration à partir d'une situation réelle. Hélas, dans le cas présent, il n'en sera rien. Que les échanges gérés par Swift soient centralisés par une entité toute puissante (constituant un point de faiblesse unique) ou qu'ils soient répartis sur un réseau de machines indépendantes ne fait pas beaucoup de différence quand les malfaiteurs s'en prennent aux utilisateurs du système.

Plus précisément, il est désormais avéré que les transactions illicites ont été rendues possibles par une intrusion sur le réseau informatique de la Banque du Bangladesh et un détournement de ses données d'authentification. Dans ces conditions, le simple fait d'enregistrer les messages sur une blockchain ne pouvait résolument pas permettre de stopper l'attaque. En réalité, comme le souligne Avivah Litan (Gartner) dans son analyse, des moyens classiques de détection de fraude auraient pu aider à éviter le pire.

D'ailleurs, il semblerait que des contrôles relativement basiques – détection de bénéficiaires suspects, répétitions anormales d'opérations… – ne soient même pas mis en place dans l'écosystème Swift. Le constat est inquiétant et incite à redoubler les avertissements : il ne faudrait pas croire qu'une solution magique (blockchain ou autre, en l'occurrence) parviendra à résorber les risques de fraude à court terme. Les précautions élémentaires (pour commencer) restent plus que jamais indispensables !

Le concept de blockchain peut apporter d'importants bénéfices dans d'innombrables applications. Son architecture distribuée lui offre une capacité de montée en charge incomparable, un modèle économique attractif (dont l'opportunité ne sera cependant pas aisée à saisir dans les institutions financières historiques) et, aussi, une sécurité intrinsèque inégalée. Mais il faut savoir raison garder et comprendre qu'il ne pourra résoudre tous les problèmes du monde… Un peu de réalisme ne ferait pas de mal !

Baguette Magique