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C'est pas mon idée !

mardi 12 juillet 2016

Le mythe des économies par la blockchain

Blockchain et réduction de coûts
Parmi les arguments qu’avancent les banquiers pour justifier leur récente passion pour la blockchain, aucun n’est plus fréquemment cité que les économies qu’elle doit leur permettre de réaliser. Hélas, il s’agit d’un mythe, qui tient à la fois d'une analyse faussée et d'une vieille tradition de croyance à l'existence de solutions magiques…

Bien entendu, l'illusion de l'optimisation des coûts ne sort pas de nulle part. Son origine est à rechercher dans le fonctionnement du bitcoin, première application de grande ampleur de la blockchain. Il est vrai que, depuis ses origines, la crypto-devise est systématiquement présentée comme un instrument de paiement – voire d'échange de valeur en général – particulièrement efficace et bon marché. Or, si cette perception est correcte d'aujourd'hui, elle évoluera certainement à l'avenir.

Les mécanismes économiques et technologiques sous-jacents de bitcoin sont en effet conçus de manière à assurer en permanence un équilibre entre l'offre et la demande, sur différents plans. Une conséquence de cette caractéristique est d'entraîner presque automatiquement une augmentation des coûts des transactions au fur et à mesure de la progression de la maturité et des usages de la monnaie, ou de sa blockchain. La quasi-gratuité actuelle n'a donc pas vocation à perdurer jusqu'à la fin des temps…

Mais ce n'est pas là l'erreur de jugement la plus grave qui puisse être commise. Ainsi, l'idée – largement répandue dans une multitude d'institutions financières à travers le monde entier – que la mise en œuvre d'une blockchain privée ou semi-privée (partagée entre les banques, par exemple) pourrait être une source d'économies est aussi absurde qu'impardonnable : il suffit de se souvenir que le concept technique suppose une duplication massive des traitements et du stockage pour le comprendre !

Comment peut-on croire un instant que la démultiplication des infrastructures peut être moins onéreuse qu'un système centralisé ? Même les défenseurs de bitcoin admettent que la seule consommation électrique du réseau de machines qui le sous-tend est un facteur de coûts susceptibles de poser des difficultés à terme. Et, dans les banques, le problème est singulièrement exacerbé par l'incapacité de la plupart d'entre elles à optimiser leurs coûts informatiques (matériels, logiciels et humains) de base.

Car le fond du débat est bien là et, cette fois, il concerne aussi bien les projets autour de blockchains privées que sur celle du bitcoin (ou d'Ethereum ou de toute autre crypto-devise). Dans tous les cas, les acteurs persistent à croire naïvement que l'adoption d'une nouvelle technologie va résoudre leurs problèmes budgétaires, alors que ceux-ci sont principalement dus à des modèles d'organisation et de fonctionnement opérationnel déficients qu'ils ne cherchent jamais à remettre en cause.

Continuer à privilégier les solutions propriétaires hors de prix face aux outils banalisés accessibles gratuitement ou à peu de frais, à gérer la fiabilité et la robustesse par des méthodes ancestrales plutôt que par la redondance généralisée, à multiplier les strates dans la chaîne de commandement avec leurs lourdeurs administratives et leurs coûts incompressibles… sont quelques exemples des défauts qui devront être résorbés avant d'espérer faire des économies grâce à la blockchain… ou toute autre innovation.

Surtout, arrêtons d'attendre des miracles à chaque nouveau concept émergent : le changement dans l'entreprise, quel qu'il soit, ne peut se produire qu'à condition d'y consacrer des moyens et des efforts, d'autant plus conséquents que l'ambition est élevée. Et, dans la plupart des cas, la première étape consistera à renverser les habitudes et transformer la culture interne, bien avant d'installer les derniers outils à la mode…

Lutin

3 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je voudrai nuancer nettement votre billet qui une fois n'est pas coutume propose un avis très tranché sur un sujet pourtant plus complexe qu'il n'y parait.

    Quel que soit le projet ou la technologie, ajouter une couche supplémentaire, sur le principe du moins, n'est pas de nature à proposer des économies. Nous sommes d'accord.

    Ce qui est plus gênant sont les arguments pour arriver à vos conclusions. Par exemple vous ne mentionner que Bitcoin qui utilise effectivement un mode de vérification extrêmement gourmand ne serait-ce qu'en énergie. C'est bien pour cela que d'autres modes sont proposés aujourd'hui, notamment un : "proof of stake".

    Le out des transactions n'est pas non plus un vrai problème. Ils sont variables pour le bitcoin, on le sait mais certaines technologies de blockchains privées n'en proposent même pas.

    Quant à la redondance d'informations, effectivement cela signifie duplications de données (donc serveurs et maintenance adhoc) mais dans le cadre d'une blockchain privée comme celle qu'étudie Goldman Sachs, qu'est-ce que le coût de serveurs en regard de l'économie réalisée sur les frais actuels en 'assurance' nécessaires du fait d'un temps de transactions trop important ???

    Dans ce dernier cas, l'économie est plus qu'évidente mais comme beaucoup d'article sur ce sujet, il convient d'intégrer le fait que la blockchain, si elle apporte des concepts très intéressants, n'est pas la solution à tous les maux et ne transformera pas le plomb en or. De fait la glorifier ou en l’occurrence la critiquer de façon trop radicale n'est qu'un raccourci trop rapide et inexact.

    Cordialement

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  2. Mon cher Patrice,

    Autant j'ai toujours trouvé vos exposés des idées des autres extrêmement bien ficelés, autant cette fois, avec toute l'estime que je vous porte, et eu égard au fait que cette techno soit nouvelle, je vous trouve très injuste et un peu emballé...

    La blockchain n'est pas THE techno universelle qui va permettre d'économiser en masse et répondre à tous les besoins mais une techno extrêmement intéressante sur de nombreux usages, dont la plupart restent à inventer.

    La blockchain n'est pas que Blockckchain Bitcoin & Blockchain Ethéreum, d'autres technos blockchain existent, les hybrides par exemple et sans consensus type "Proof of Work" très énergivore, entre autres inconvénients, mais là n'est pas la question car faire cohabiter des blockchains type Bitcoin ou Ethéreum avec des blockchains hybrides sera un des défis à mener dans les prochaines années.

    Maintenant dire que les banques vont se lancer dans la blockchain est une vision quelque peu faussée.
    Elles sont effectivement associées (au moins 50 d'entre-elles) dans un Consortium, en l'occurence R3CEV, et regardent si la solution Corda est une réponse satisfaisante à leurs problématiques et à leurs attentes.
    A ce jour rien n'est joué et l'expérimentation se poursuit , par contre il en sortira quelque chose, c'est évident et c'est une question de temps et non de moyens car en ce cas précis chaque participant a largement ouvert son portefeuille à dollars (en attendant une monnaie numérique)...

    Votre dévoué et fidèle lecteur.
    Laurent Leloup (Finyear & Blockchain Daily News).

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  3. Bonjour Patrice,

    Le fond du débat est très précisément celui que vous présentez dans les trois derniers paragraphes de votre billet.

    Il s'agit effectivement de pouvoir modifier la culture de l'entreprise ce qui ne se fait qu'avec beaucoup de difficultés.

    Le point de focale de votre billet, Bitcoin et blockchain, n'en n'est pas le centre de gravité - du moins, est-ce ma lecture - : il ne s'agit qu'un d'un biais d'approche. Je serais bien tenté d'en prendre un autre, à savoir l'introduction de l'Agilité dans ces structures mastodontes, autre angle d'approche qui mène singulièrement aux mêmes difficultés : on pense qu'il suffit de se doter de quelques cérémonies agiles de type Scrum pour d'emblée résoudre un problème plus profond, lequel est énoncé très justement par la phrase "Et, dans les banques, le problème est singulièrement exacerbé par l'incapacité de la plupart d'entre elles à optimiser leurs coûts informatiques (matériels, logiciels et humains) de base."

    J'ajoute à ce constat que la difficulté est exacerbée - mot que je vous emprunte - par les baronies en place qui ne sont intéressées que par le maintien de leur confort, leur jeu d'influence et leur pouvoir, et ce quelles que soient les déclarations auxquelles le Management se livre.

    Enfin, et je conclus de la sorte, les banques sont devenues des sociétés IT sans qu'elles n'en adoptent ni le rythme ni la vision. Elles souffrent d'un Management déconnecté du monde technologique, un Management qui n'a pas su préparer la banque de demain. Pour pouvoir la projeter dans ce dont la banque du futur a besoin, on compte maintenant sur un (ou des) miracle(s), qui bien sûr ne viendront pas. À moins que nous nous trompions tous et qu'il ne suffit que de gagner du temps: le temps de la pension, le temps d'éliminer les actifs toxiques, le temps d'organiser la société sans cash, ...

    Bien à vous,
    Pat Boens

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