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C'est pas mon idée !

lundi 30 novembre 2015

Apprendre à débrancher les projets condamnés

Débrancher !
Parmi les caractéristiques qui différencient le plus profondément les entreprises traditionnelles des géants du web, la capacité à tuer les projets voués à l'échec est probablement l'une des plus difficiles à acquérir. Dans un article de TechCrunch, Tony Scherba offre quelques conseils à ceux qui souhaiteraient dompter cette discipline.

Il n'y a rien de surprenant au fait que Google, Facebook et autres grands noms des technologies soient les plus aptes à abandonner les idées ambitieuses qui ne tiennent pas leurs promesses. En effet, leurs débuts sont suffisamment récents pour que ces acteurs maintiennent dans leurs gènes la recherche d'efficacité qui constituait une condition de survie pour les startups qu'ils étaient initialement. À défaut d'une telle mémoire, leur exemple peut inspirer les organisations empêtrées dans des projets sans fin.

La première leçon à apprendre en la matière est de savoir détecter les impasses en gestation et, donc, en interpréter les signaux annonciateurs. T. Scherba en retient 4 principaux, à partir de son analyse de quelques cas (plus ou moins) célèbres. En tête du palmarès figure évidemment le dépassement budgétaire : lorsque les dépenses gonflent constamment sans résultats visibles, il faut savoir stopper la débâcle avant que la caisse ne soit vide (ce qui est évidemment difficile à juger dans les entreprises riches).

Un autre facteur à prendre en compte est celui du temps, qui n'est pas nécessairement lié aux coûts, bien que les deux aillent souvent de pair. Plus insidieusement, il peut également s'agir de comprendre que, quels que soient les moyens mis en œuvre, les objectifs visés ne pourront être atteints assez tôt pour dégager la valeur attendue. Tel est le cas du rachat de Motorola par Google, dont il est apparu à ce dernier, après seulement quelques mois, qu'il ne lui permettrait pas d'atteindre une position significative dans un marché des smartphones extrêmement concurrentiel.

Les autres critères à surveiller ressortent de problèmes d'alignement du projet, soit avec la stratégie de l'entreprise (illustré avec Facebook Home, qui visait à devenir une plate-forme mobile, trop éloigné du concept de réseau social), soit avec les attentes – explicites ou implicites, existantes ou nouvelles (donc à créer) – de la cible de clientèle visée (justifiant notamment la fin prématurée des Google Glass).

À la lecture de ces propositions, une impression d'évidence se dégage : tout le monde a connu des programmes de ce genre, dont le budget dérape, qui aboutissent trop tard pour conquérir leur marché ou dont le résultat n'intéresse (plus) personne. Malheureusement, il ne suffit pas de se rendre compte des erreurs commises une fois le fait accompli, la véritable difficulté est de les identifier au « bon » moment et d'agir, avec toute la détermination nécessaire, quand il en est encore temps.

Là aussi, les géants du web peuvent fournir quelques précieux enseignements. Tout d'abord, les risques (ci-dessus) étant identifiés, il va falloir s'assurer dès le début du projet, puis, surtout, pendant tout son déroulement, qu'ils restent sous contrôle. Pour ce faire, outre la mise en place d'indicateurs efficaces, il semble utile – quoique difficile – de définir très tôt des seuils d'alerte, à partir desquels une ré-évaluation complète de la situation – dont l'issue principale à considérer est l'arrêt – devient obligatoire.

Avant d'en arriver là, il est tout de même possible d'adopter une démarche pragmatique permettant de limiter a priori les dérives éventuelles. Ainsi, on ne répétera jamais assez l'importance de progresser par incréments rapprochés et de tester fréquemment ce qui est produit, auprès d'un échantillon de clientèle. Cette méthode, inspirée des principes de « lean startup » représente la meilleure garantie d'éviter la plupart des pièges classiques. A minima, prendre du recul de temps en temps, afin d'établir un diagnostic global aussi objectif que possible, est une bonne pratique simple à instaurer.

Enfin, il est plus facile de mettre un terme aux initiatives sans avenir si on mesure la valeur de l'expérience accumulée (ce qui nous ramène aux mécanismes de l'acceptation des échecs). En particulier, il est inutile d'attendre la mort d'un projet pour capitaliser sur les idées qu'il engendre : très souvent, il est possible de les mettre en application dans d'autres contextes, sans attendre qu'elles aient fait leurs preuves de manière indépendante. Encore doit-il exister la culture de transparence et la politique de communication ouverte qui rendent possible les partages transverses…

Google Glass

dimanche 29 novembre 2015

L'appétit « digital » insatiable de BBVA

BBVA
Exemple unique dans le monde, en incluant sa récente entrée au capital de la néo-banque britannique Atom, BBVA en est désormais à plus de 285 millions de dollars dépensés en acquisitions, investissements et autres financements dans le domaine du « digital », au service d'une stratégie diversifiée mais parfaitement cohérente.

Même si elle s'apparente, dans une certaine mesure, au rachat de Simple l'année dernière, la nouvelle opération s'inscrit dans une démarche différente pour le groupe espagnol. Au-delà du fait qu'Atom est également une banque « startup », 100% mobile, elle a choisi d'emblée – contrairement à son aînée américaine – d'affirmer son autonomie, en acquérant une licence bancaire (la première dans sa catégorie, au Royaume-Uni) et en construisant son offre et son infrastructure de bout en bout.

Par ailleurs, la prise de participation – à un niveau significatif (29,5%), mais minoritaire – intervient cette fois avant l'ouverture effective du service aux clients, ce qui peut être perçu comme un signe de progression de la maturité et de la confiance dans l'avenir de ces modèles émergents. En tout état de cause, la logique retenue est d'accompagner la néo-banque dans son développement, en lui apportant l'expérience acquise sous d'autres cieux, sur un marché où BBVA n'a pas aujourd'hui de réelle présence.

Investissements digitaux de BBVA

Là réside justement une des caractéristiques les plus intéressantes de cette annonce. En effet, elle peut être perçue comme une tentative d'expansion géographique adaptée à l'ère digitale : en lieu et place des approches « lourdes » traditionnelles – acquisition d'un acteur historique ou création ex nihilo –, les startups offrent peut-être un moyen de s'implanter sur un nouveau territoire à moindre frais… Par son dynamisme actuel, le marché britannique paraît certainement idéal pour tester cette hypothèse, mais rien n'interdit d'envisager ensuite une généralisation de la méthode…

Bien entendu, comme avec toute expérimentation, le résultat est loin d'être garanti et le coût du ticket d'entrée (à 45 millions de livres) pour un tel pari peut paraître élevé. Mais, comme l'exprime Teppo Paavola, responsable du développement de BBVA, si les mutations numériques en cours génèrent une multitude d'opportunités, il est indispensable – quelles que soient les incertitudes qui les accompagnent – de les évaluer toutes et d'en explorer beaucoup pour avoir une quelconque chance de rester dans la compétition concurrentielle, à long terme…

samedi 28 novembre 2015

Quand une Banque Populaire crée une startup

Kocoriko
Quand la Banque Populaire des Alpes lance [PDF] un site de financement participatif régional, l'initiative – aussi intéressante soit-elle – n'est plus très originale (elle rappelle, par exemple, le cas de Kengo, en Bretagne, soutenu par le Crédit Mutuel Arkéa). En revanche, la genèse du projet peut constituer une source d'inspiration…

En tant que telle, la plate-forme Kocoriko adopte en effet une approche résolument classique. Basée sur un modèle de dons avec contrepartie (en cas de succès, les contributeurs reçoivent un cadeau ou pré-acquièrent un produit futur), elle a vocation à accueillir toutes sortes de projets, commerciaux, associatifs, créatifs…., à la seule condition qu'ils soient ancrés dans le territoire alpin. Les campagnes axées sur des problématiques d'intérêt général bénéficient toutefois d'un traitement particulier, puisque le fonds de dotation de la banque doublera leur collecte (dans la limite de 1 500 euros).

Dans les coulisses, le concept de Kocoriko a pris forme au début de l'année au sein de la Banque Populaire des Alpes, qui souhaitait ainsi capitaliser sur ses valeurs historiques (coopératives et locales) afin de répondre aux besoins d'acteurs en marge des circuits de financement habituels. Mais, plutôt que d'appliquer une démarche conventionnelle pour sa mise en œuvre, l'établissement a préféré solliciter directement ses collaborateurs. Concrètement, à l'issue d'un appel à candidatures ouvert à tous, trois d'entre eux ont finalement été retenus pour se lancer dans l'aventure de la création d'entreprise.

Kocoriko

En réalité, le dispositif est hybride, car la société opérant le site Kocoriko est (semble-t-il) détenue en totalité par la banque et les salariés qui le font vivre sont simplement détachés. La prise de risque pour les personnes concernées est donc réduite. Il s'agit cependant d'un premier pas vers une inflexion de la culture interne, à travers la reconnaissance implicite de la valeur accordée par les dirigeants à l'initiative individuelle. Sans négliger, à une échelle certes encore modeste, l'émulation que pourra provoquer le retour d'expérience des 3 pionniers de l'intrapreneuriat…

Bien plus que la plate-forme de crowdfunding elle-même, la leçon à retenir de l'expérience de la Banque Populaire des Alpes touche à sa propre transformation. Toutes les banques cherchent à promouvoir l'agilité dans leurs organisations, ce qu'illustre notamment l'idée très en vogue actuellement d'un fonctionnement en « mode startup ». Alors, au-delà des discours stériles, quelle meilleure méthode pour atteindre cet objectif que d'incuber des startups internes, en invitant tous les collaborateurs à participer ?

vendredi 27 novembre 2015

Point, un autre financement par l'immobilier

Point
Idée géniale ou escroquerie en gestation ? Difficile de se faire un avis, mais les fondateurs de Point ont réussi à convaincre quelques poids lourds du capital risque, avec leur concept de financement inédit, basé sur une vente de « parts » de la résidence principale du demandeur. Au moins une certitude : il est impossible de rester indifférent…

L'objectif de la startup est de permettre à des propriétaires immobiliers de valoriser leur patrimoine sans avoir recours à l'endettement, qui est la seule solution à leur disposition à l'heure actuelle. Ainsi, plutôt que de contracter un emprunt, garanti – d'une manière ou d'une autre – par la valeur de leur bien, Point leur propose de lui céder une fraction de ce dernier, au prix du marché. Il n'est plus question de remboursement échelonné ni d'intérêts, l'opération est débouclée lors de la revente de la résidence ou par rachat direct.

En effet, les transactions sont assorties d'une échéance, à l'issue de laquelle le bénéficiaire devra reprendre ses parts. Le système est donc parfaitement adapté aux cas (très fréquents aux États-Unis) d'une acquisition pour quelques années. À défaut, le propriétaire devra rembourser l'équivalent des actifs cédés, à un prix réactualisé. Notons que les conditions pratiques de cette sortie potentiellement forcée demeurent assez floues (il est tout au plus suggéré de revenir à une approche de crédit traditionnelle)…

De l'autre côté de la « barrière », avec ces fractions de logements, Point se positionne en distributeur – auprès d'investisseurs – d'un produit financier sans équivalent, indexé sur le marché de l'immobilier mais sans les tracas généralement associés (recherche et estimation des propriétés, gestion des occupants…). En ouvrant la perspective, le concept pourrait adopter une orientation de type financement participatif, offrant des possibilités de placement combinant ticket d'entrée modéré et prise de risque maîtrisée, par la distribution des portefeuilles sur des contrats diversifiés.

Point

Côté modèle économique, la jeune pousse prélève une commission (à hauteur de 3%) sur les ventes. Son rôle dans les transactions (justifiant sa rémunération) consiste à sélectionner des biens ayant un réel potentiel d'appréciation sur la durée. Elle se charge également des démarches « administratives », dont, notamment, l'enregistrement des cessions auprès des autorités compétentes. En revanche, seuls les investisseurs prennent un risque financier, par exemple en cas de retournement du marché.

En dépit de certaines précautions – obligation pour le propriétaire de conserver au moins 20% de son bien en propre, recommandation de comparer les options de financement disponibles… –, le principe de Point semble tout de même un peu dérangeant, surtout si on le projette sur une vente du patrimoine en vue de financer des dépenses de consommation. Cependant, des cas d'usages pertinents existent, tels que le rachat d'un emprunt hypothécaire ou en alternative à un crédit relais.

Contrairement à d'autres domaines, l'immobilier échappe encore largement à la vague d'innovation dont la finance participative est en quelque sorte le fer de lance. Après le cas de LendingHome, Point expérimente une approche résolument différente. Nul ne peut savoir ce qu'il en adviendra, mais elle démontre brillamment cette possibilité de réinventer un modèle qui pouvait pourtant paraître immuable.

jeudi 26 novembre 2015

L'Atelier crée le premier accélérateur FinTech français

L'Atelier BNP Paribas
Pendant que Londres, avec ses banques, multiplie les efforts pour mériter son titre de capitale européenne (voire mondiale) de la FinTech, Paris résonne surtout de discours, dont bien peu sont suivis d'actions concrètes. Heureusement, L'Atelier et BNP Paribas prennent aujourd'hui l'initiative, en créant le premier accélérateur dédié en France.

Les entrepreneurs peuvent soumettre leurs candidatures dès maintenant, et jusqu'au 17 janvier, pour une ouverture effective de cette session inauguratrice au mois de février. Le programme de 4 mois s'adresse (logiquement) à des startups en phase de définition d'un concept, œuvrant dans tous les domaines de la finance – banque, gestion d'actifs, paiements, assurance, crédit… – et sur tous les fronts technologiques – analyse de données, internet des objets, mobile, sécurité, crypto-devises…

Le contenu de l'offre réservée aux jeunes pousses sélectionnées est plutôt alléchant. Outre un financement, pouvant atteindre 100 000 euros, mais présenté comme facultatif, les composantes habituelles des dispositifs de ce genre sont bien au rendez-vous : accompagnement par une équipe d'experts, boîte à outils, hébergement totalement gratuit, dans le prestigieux « WAI » de BNP Paribas situé dans le centre de Paris, événements destinés à favoriser la création d'un réseau de relations…

Accélérateur Fintech par L'Atelier

Mieux encore, chacune des startups retenues se verra attribuer un « parrain » issu de l'une des entités du groupe bancaire. Loin d'être symbolique, son rôle consistera à établir une démarche de co-innovation dans laquelle les deux partenaires conviendront en commun, au lancement du programme, de la réalisation d'un prototype (ou d'un « POC » – « Proof of Concept »). Si cette implication directe des métiers de BNP Paribas va jusqu'à la mise à disposition de données et/ou d'accès aux systèmes internes (selon les besoins, bien entendu), le package pourra être considéré comme vraiment complet !

Depuis quelques mois, toutes les banques de l'hexagone s'interrogent sur leurs rapports avec les acteurs de la FinTech et plus particulièrement sur les opportunités de collaboration. Pourtant, hormis quelques opérations ponctuelles (prise de participation ou acquisition, en général), beaucoup restent sur la réserve, en laissant l'écosystème s'organiser seul. Il faut donc saluer l'initiative de L'Atelier et de BNP Paribas, rompant enfin avec l'immobilisme. Espérons que ce premier pas sera le déclencheur d'un grand mouvement, qui gagnerait à prendre une dimension de place…

WAI BNP Paribas

mercredi 25 novembre 2015

Google bouscule le crédit immobilier

Google
Après la carte de crédit et l'assurance automobile, Google s'attaque maintenant au crédit hypothécaire. Annoncé au printemps, l'ouverture officielle de son nouveau comparateur d'offres (assortie de l'obtention d'une licence de courtier) est devenue une réalité en Californie, en attendant l'extension prochaine à d'autres états.

L'événement, qui n'est donc pas une surprise, constitue d'abord une confirmation sans équivoque de l'intention du géant du web de prendre pied dans le secteur financier, même si cela ne passe pas par la Google Bank redoutée par certains. Quoi qu'il en soit, la menace que représente l'initiative pour les acteurs en place est tout à fait réelle : comme l'a déjà démontré le cas de l'assurance, la capacité du moteur de recherche à devenir le principal outil de recommandation d'une catégorie de produits a un fort potentiel disruptif.

Cependant, je soupçonne que cette aventure de Google esquisse une autre évolution, plus profonde et bien plus dérangeante pour les banques traditionnelles. Après tout, lorsque ces dernières évoquent l'immuabilité de leurs réseaux d'agences et du conseil de proximité, le crédit immobilier est souvent cité en exemple, supposé démontrer que les consommateurs ne peuvent (et ne pourront jamais) se passer d'un dialogue avec un expert au moment de réaliser une opération induisant un engagement important.

Alors, que vient faire Google dans un écosystème où l'interaction avec un humain serait primordiale ? La réponse à cette question est facile à trouver, dans le comparateur lui-même. La réalité est que la fameuse complexité du crédit immobilier se concentre sur 5 à 10 critères (destination du bien, localisation, montant emprunté, apport personnel, score de crédit…) et que le choix d'un fournisseur se résume finalement à trouver le meilleur « prix » (en prenant en compte taux d'intérêt et frais de dossier).


Aux banquiers qui serait tentés de lever les bras au ciel devant ce qu'ils estimeraient être une caricature, je suggère de réfléchir sérieusement à leurs pratiques. Je ne suis pas certain qu'ils mettent en œuvre autant de paramètres dans leurs dossiers de crédit. En revanche, il ne fait absolument aucun doute que la décision finale de leurs clients fait passer le montant de leurs mensualités devant toute autre considération (à la seule exception, parfois, de l'inertie incitant à rester dans le même établissement).

Bien sûr, les habitudes ont la vie dure et les consommateurs ne sont peut-être pas encore tout à fait prêts à se passer d'un conseiller lors de la recherche de leur crédit. Mais l'arrivée (et la généralisation à venir) de comparateurs complets, détaillés et, surtout, parfaitement transparents et pédagogiques les mènera inévitablement à les exploiter pour rechercher la meilleure réponse à leurs besoins. En raisonnant à rebours, c'est justement parce qu'il est convaincu de cette mutation que Google se positionne.

Et ce n'est là qu'un des angles d'attaque des modèles historiques. Dans un autre registre, le « Rocket Mortgage » que propose depuis peu Quicken Loans (filiale d'Intuit) sur tout le territoire des États-Unis est une véritable démystification du crédit hypothécaire : au-delà du simple comparateur d'offres, il permet à l'utilisateur de finaliser la contractualisation entièrement en ligne, en 8 minutes, en bénéficiant d'une transparence inégalée, concrétisée notamment par des explications claires et compréhensibles.

Rocket Mortgage

Face à de telles transformations, que restera-t-il donc d'expertise à distiller dans les agences bancaires ? Car, plutôt que de faire confiance à un conseiller pour lui expliquer – plus ou moins approximativement – les détails d'un contrat alambiqué, le consommateur préférera certainement une proposition simple et, ainsi, immédiatement rassurante. Présenté différemment, du point de vue de la banque, vaut-il mieux maintenir la complexité actuelle (et les méthodes dépassées qui l'accompagnent) ou est-il plus raisonnable de réinventer les processus de manière à les rendre plus accessibles ?

Le changement ne sera évidemment pas immédiat, il est au contraire probable qu'il s'étale sur une longue période. Mais il doit tout de même être pris en compte aujourd'hui, car ses implications futures seront extrêmement lourdes. C'est la raison pour laquelle la récente campagne de LCL vantant le recrutement de plus de 1 000 conseillers en 2015 me semble choquante. Quelles qu'en soient les raisons (et certaines peuvent paraître tactiquement valides), ce n'est en tous cas pas une leçon de clairvoyance que donne la banque. Il faudra s'en souvenir dans quelques années…

Recrutement LCL

mardi 24 novembre 2015

Geezeo dessine le PFM des grands événements

Geezeo
Au fur et à mesure de leur généralisation, y compris dans les offres des banques, les outils de gestion de finances personnelles (PFM) montrent rapidement leurs limites, en termes d'utilisation et d'impact au quotidien. À travers sa dernière initiative, l'américain Geezeo veut croire qu'il aura plus de succès avec les grands événements de la vie.

Il ne s'agit, pour l'instant, que de prototypes, mais la gamme d'applications « LIFE » (pour « Life Infused Financial Experiences ») de Geezeo, plus qu'une simple évolution du concept de PFM, esquisse une autre approche des services financiers, centrée sur les besoins des consommateurs. L'idée devrait séduire les institutions auxquelles s'adresse la startup, alors qu'elles tentent de faire face aux profondes mutations qui les affectent, entre évolutions de comportement de leurs clients et menace des nouveaux entrants.

Oubliée, donc, la gestion de budget universelle, chaque situation exceptionnelle aura désormais sa solution dédiée. Mariage, achat d'une voiture, acquisition immobilière, naissance d'un enfant, préparation des études, création d'entreprise et planification de la retraite, à chaque grande étape de la vie correspond une application, dans laquelle l'utilisateur fixe ses objectifs personnels, suit leur réalisation, obtient des conseils pratiques… et découvre les offres spécifiquement adaptées de sa banque.

Geezeo LIFE

L'objectif de ces applications est bien d'offrir aux consommateurs une expérience personnalisée, dans les phases de leur vie au cours desquelles les préoccupations financières sont les plus stressantes. Ce positionnement représente une opportunité sans pareille pour les banques, qui va leur permettre de s'infiltrer – à bon escient – dans l'intimité de leurs clients, de mieux connaître leurs attentes, et, dans l'idéal, de leur apporter, au « bon » moment, les produits et services ajustés à leurs besoins.

En comparaison de la gestion de budget « quotidienne », l'approche « LIFE » de Geeezeo a le double avantage de s'adresser à toutes les catégories de population – quelle que soit sa situation, chacun est concerné par les enjeux financiers des événements importants de la vie – et, dans la plupart des cas (ceux dont on peux soupçonner qu'ils rencontreront le plus de succès, d'ailleurs), de se concentrer sur une période relativement courte, en évitant de la sorte le phénomène de lassitude classique du PFM.

À ce stade, Geezeo affirme qu'une demi-douzaine d'établissements, parmi ses plus de 400 clients, se sont engagés à ses côtés. Ces débuts sont encourageants mais peut-être faut-il tout de même souligner qu'ils ne constituent qu'une étape vers la véritable « banque des moments de vie ». Afin de s'intégrer dans le quotidien de ses utilisateurs, celle-ci devra en effet abandonner sa focalisation sur leurs finances personnelles et s'insérer – de manière plus ou moins invisible – au cœur même de leurs projets.

lundi 23 novembre 2015

L'orientation client ne vient pas sans efforts

Forrester
Quelle entreprise ne se déclare pas aujourd'hui « centrée sur le client » ? Mais, si nous interrogions les principaux intéressés, combien confirmeraient qu'ils se sentent vraiment au cœur des préoccupations de leur fournisseur ? George Colony, PDG de Forrester, offre quelques conseils aux dirigeants souhaitant aligner les discours avec la réalité…

Ce sont les cas concrets (et ayant, pour la plupart, démontré leur efficacité) de plusieurs leaders de l'expérience client (Indiegogo, Tesla… mais aussi Pure Insurance, Kimberley Clark…) – délivrés par leurs hauts responsables ou synthétisés par les analystes du cabinet – qui servent de prétexte à ce court exercice. Au-delà des seules recommandations listées, je vous propose d'en évaluer les possibles déclinaisons, projections et/ou implications dans le secteur financier.

Commençons par les 4 mots d'ordre énoncés par un collaborateur de Forrester, James McQuivey : simplicité, immédiateté, alignement et agilité. Voilà qui illustre parfaitement le chemin à parcourir pour des banques et compagnies d'assurance qui se complaisent à concevoir des produits complexes, dont les longs délais de traitement sont légendaires, qui sont fondées sur des silos étanches, sans aucune vision transverse, et dont les premiers pas vers l'agilité restent englués dans des processus rigides.

Vient ensuite l'engagement indispensable du sommet de l'organisation. Seul le PDG peut donner l'impulsion – puis le souffle – nécessaire pour transformer la culture de son entreprise. Mais ce n'est pas suffisant : un facteur de succès quasiment universel est la présence d'un « défenseur du client » (customer advocate) au comité de direction. De préférence issu d'une ligne métier, il s'agit de la personne qui va systématiquement se placer « dans la peau » du client au moment de prendre une décision.

Une leçon particulièrement intéressante est celle de Tesla (par la voix de son CTO), puisqu'elle reflète en fait la stratégie de la startup. L'intégration verticale – qui fait que le constructeur automobile possède ses concessions et ses ateliers de réparation – y est vue comme un élément essentiel de l'approche client, car elle permet de réduire les circuits de l'information. Une panne détectée ou une objection soulevée dans un argumentaire de vente va alors pouvoir être prise en compte bien plus rapidement. Les enquêtes de satisfaction tendent à donner raison à cette méthode !

Qu'en est-il dans les institutions financières ? Les bases sont là, en partie, par exemple sous la forme des agences bancaires (équivalente aux concessions). Malheureusement, les modes de communication hiérarchisés ne permettent pas d'engranger les bénéfices de ce modèle. De l'autre côté, dans les DSI qui représentent un peu les « ateliers », le constat est dramatique puisque la tendance est toujours plus à l'externalisation. Comment, dans ces conditions, envisager sérieusement une stratégie d'alignement, d'agilité (qui, faut-il le rappeler, ne concerne pas que les projets informatiques) ?

La révolution numérique a finalement replacé le client au cœur des enjeux de l'entreprise. Pourtant, cette idée ne constitue encore qu'un concept marketing dans beaucoup d'entre elles. Or, les discours ne suffisent plus, une profonde transformation est requise afin de convaincre le client qu'il fait l'objet de tous les soins auxquels il estime avoir droit. Un impératif d'autant plus critique dans le secteur financier, tellement habitué à se regarder le nombril et à concentrer son attention d'abord sur ses produits…

Obsession client

dimanche 22 novembre 2015

Visa explore la voiture connectée

Visa
Réinventer l'expérience de la location automobile. Voilà le défi auquel se sont récemment attaqués le lab d'innovation de Visa et Docusign. Le résultat de leurs cogitations était présenté le mois dernier, lors de la conférence Money2020. Il prend la forme d'une application embarquée, combinant signature électronique, paiement et… blockchain.

La location de voiture fait partie de ces actes de la vie (presque) quotidienne qui paraissent toujours bien trop lourds. À une époque où de nouveaux services permettent à des consommateurs de partager leur véhicule en quelques clics, sur un site web ou dans une application mobile, comment peut-on encore supporter de perdre du temps dans un bureau, à établir et signer un contrat imprimé ? Aujourd'hui, les technologies sont prêtes à ranger ces procédures dans le tiroir des souvenirs…

Dans la démonstration de Visa et DocuSign, le client s'installe directement au volant de la voiture de son choix et règle tous les détails administratifs sur le tableau de bord. Il commence par sélectionner son contrat de location – durée, kilométrage… – puis choisit son assurance – avec les garanties qu'il souhaite. Tous les documents sont signés sur l'écran tactile, action immédiatement enregistrée dans la blockchain (celle – publique – du bitcoin), afin d'en conserver une trace infalsifiable et incontestable.

Vient enfin l'étape de paiement. Pour ce faire, le conducteur associe simplement sa carte Visa au véhicule, pour le temps de la location. Il lui est alors proposé un certain nombre de services complémentaires, tels que l'accès à des options de divertissement (une boutique de vidéos à la demande, par exemple), mais également la possibilité de payer « automatiquement » les péages, les pleins d'essence, les parkings… voire même les passages au fast-food (surtout les drive-in, peut-on supposer).

Démonstration Visa - DocuSign

L'initiative est digne d'intérêt en ce sens qu'elle illustre une focalisation sincère sur l'expérience utilisateur, de bout en bout, contrairement à la vieille habitude – particulièrement tenace dans le secteur financier – consistant à promouvoir et vendre des produits. En revanche, et au risque de paraître éternellement insatisfait (je suis incorrigible !), il me semble que l'expérience aurait pu être menée beaucoup plus loin, jusqu'à esquisser une véritable vision des services de demain.

Ainsi, l'usage qui est fait de la blockchain dans la présentation est totalement symbolique et tient uniquement de l'effet de mode : l'enregistrement de la signature des contrats dans le grand livre de comptes distribué n'apporte en vérité aucune valeur particulière au dispositif. Or, il était facile d'imaginer une approche non seulement utile mais aussi susceptible d'améliorer encore l'expérience, notamment en exploitant la blockchain pour gérer l'identité du consommateur et ses paiements (en bitcoin).

Naturellement, il est un peu optimiste de compter sur des acteurs établis pour déployer des technologies qui remettent profondément en cause leurs activités historiques – qu'il soit question de signature électronique ou de paiement. Là réside peut-être toute la différence entre des entreprises réellement innovantes – qui n'hésitent pas à risquer d'ouvrir des boîtes de Pandore dans leurs expérimentations – et celles, trop conservatrices, qui préfèrent rester dans leur cadre familier et confortable…

samedi 21 novembre 2015

Société Générale repense la proximité client

Société Générale
Confirmant la précédente rumeur d'une profonde réorganisation de son réseau d'agences en France, Société Générale inscrit en réalité cette initiative dans un vaste programme de transformation : « Client 2020 ». Écartelé entre une vision réaliste et une mise en œuvre trop conservatrice, l'ensemble laisse une impression plutôt mitigée…

Dès son introduction, l'ambition exprimée sonne comme une rengaine : « ré-inventer une relation de proximité avec le client en alliant le meilleur de l'humain et du digital » constitue le seul positionnement stratégique dont semblent aujourd'hui capables les banques françaises. Nul besoin de décodeur pour comprendre le message. Il s'agit d'accepter et prendre en compte la réalité de la révolution numérique, sans remettre (trop) en cause le modèle historique de l'agence et du conseiller humain.

Les constats dont émane la vision de Société Générale sont incontestables. Les interactions des clients avec leur banque passent de plus en plus par les canaux à distance, mobile en tête. À l'inverse, la fréquentation des agences et les contacts en face à face sont en baisse constante. Pourtant, il subsiste cette conviction absolue – et hélas rarement questionnée, ne serait-ce qu'à titre de gymnastique intellectuelle – que le recours à un conseiller est indispensable dans les grandes occasions.

Malgré tout, les lignes commencent à bouger. Quand, par exemple, L'Appli SG permettra (en 2016) d'ouvrir un compte courant ou un livret d'épargne, ou encore de souscrire un crédit à la consommation, en toute autonomie, la banque reconnaît que ces opérations ne requièrent pas un accompagnement de proximité, au moins pour une partie de la population. Le débat – jusque alors relativement théorique – autour de la transition vers un conseil focalisé sur l'expertise prend ici une certaine consistance.

La rationalisation des réseaux que prépare Société Générale doit justement contribuer à cet objectif. Grâce à la concentration des agences, les clients y trouveront (presque) toujours les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs projets. En parallèle, les discours s'orientent sur les moments importants (entrée dans la vie active, mariage, acquisition immobilière, retraite…) plus que sur les produits financiers qui les facilitent, même s'il reste du chemin à parcourir en la matière (cf. la vidéo ci-dessous, notamment).

L'Appli (Société Générale)

La réorientation opérée implique également quelques rattrapages technologiques. Le programme « Client 2020 » comprend donc une modernisation du parc de GAB et, plus largement, la création d'espaces de libre service, de manière à ouvrir l'accès à une large palette de services bancaires sur des horaires étendus. Dans le même esprit, et pour faire le pont entre « digital » et humain, une option de visioconférence avec un expert devrait faire son apparition (en agence ? dans l'application mobile ?).

Autant de petits pas qui obligent à se souvenir que Société Générale avait déjà, en 2010, lancé [PDF] un vaste programme « Ambition 2015 », axé sur le renforcement du réseau d'agence et la relation multi-canal… Force est de constater que les résultats n'ont pas été totalement au rendez-vous. Ce qui amène logiquement à se poser la question de la valeur – au-delà de la seule communication institutionnelle – de ces plans quinquennaux, qui perdent encore plus leur sens dans un monde en perpétuel changement.

Il ne serait certainement pas inutile de garder en mémoire, entre autres, l'échec du projet de convergence des Systèmes d'Information du groupe, en partie dû, selon les sources citées par un article des Echos par l'impossibilité de prévoir les évolutions du monde pendant les longues années que prend l'implémentation trop monolithique des transformations pharaoniques décidées en haut lieu. La leçon à tirer de cette expérience est simple : si la définition d'une ligne directrice à moyen terme est indispensable pour fixer un cap, l'agilité dans sa mise en œuvre est absolument critique.

Il reste enfin un dernier motif de perplexité vis-à-vis de l'initiative de Société Générale. Tous les efforts semblent en effet porter sur les points de contact avec les consommateurs (agence, GAB, web, mobile…). Mais qu'en est-il du cœur bancaire ? Rien ne laisse entrevoir que les systèmes historiques sont ou seront modernisés (une enquête de Gartner confirme d'ailleurs qu'une telle négligence est courante). Or, une relation client moderne reposant sur des fondations conçues pour une autre ère présente bien des risques (faut-il constamment rappeler les déboires de RBS ?)…

vendredi 20 novembre 2015

Santander lance un concours « différent »

Santander
Quand Santander lance un concours d'idées innovantes à destination des étudiants britanniques, le premier réflexe est de l'ignorer, en ruminant intérieurement « et un de plus… », tant le principe manque d'originalité. L'initiative « Big Ideas » mérite pourtant qu'on s'y attarde un instant car ses objectifs ne sont résolument pas conventionnels…

Il est vrai que les modalités d'organisation de la compétition restent classiques : après une première phase, jusqu'au 16 janvier 2016, de préparation d'un dossier présentant leur projet, les candidats sélectionnés (par l'équipe d'innovation de la banque) disposeront de 2 mois pour élaborer un prototype, qu'ils soumettront enfin au jury final le 21 mars. Les récompenses promises – 20 000 livres réparties principalement entre 4 lauréats – sont également dans la norme de ce genre d'événement.

Première particularité de la démarche, les étudiants sont mis à contribution non (seulement) parce qu'ils représentent la future génération de clients des services financiers mais surtout pour leur permettre d'appliquer les sujets de recherche qu'ils abordent au cours de leur cursus. Trois thèmes leur sont ainsi proposés : la recherche sémantique (pour répondre « intelligemment » aux questions des clients), l'authentification (afin de sécuriser la banque) et la réalité virtuelle (ou l'avenir de l'expérience utilisateur).

Incidemment, la perspective relativement lointaine de mises en œuvre concrètes et pratiques de ces technologies dans la banque apporte une autre dimension au concours. Par la projection à long terme à laquelle il invite les participants, il se place en effet sur un registre différent de l'innovation « traditionnelle » et évite donc tout risque de collision avec des projets qui seraient en cours de réalisation ou d'évaluation. Et cette caractéristique conduit logiquement à une troisième spécificité de « Big Ideas ».

Big Ideas par Santander Universities

Car il ne s'agit pas pour la banque de collecter à moindre coût des idées pour ses services de demain. Tout d'abord, les règles du jeu établissent clairement que les propositions des candidats resteront leur propriété, quoi qu'il advienne. En outre, tous les finalistes – primés ou non – pourront bénéficier d'opportunités de développer leur projet avec le soutien actif de Santander, par exemple un accompagnement de la part de son équipe d'innovation ou un accès aux dirigeants pour présenter leurs réalisation…

Certes, ce modèle n'est pas tout à fait nouveau. Il a cependant une résonance distinctive ici car il s'adresse à des étudiants. Or, il semblerait que cette population comprenne beaucoup plus d'entrepreneurs qu'on ne le croit : selon une enquête de Santander au Royaume-Uni, plus d'un quart – soit 375 000 personnes – créent ou souhaitent créer une activité pendant leur séjour à l'université, représentant un chiffre d'affaires annuel total de presque 500 millions de livres. Hélas, l'aventure s'arrête souvent à la remise du diplôme : seuls 2% persistent, tandis que 90% recherchent un emploi salarié.

Alors, la compétition qui est proposée aux étudiants représente aussi une incitation à persévérer dans leurs projets entrepreneuriaux, et acquérir de l'expérience en la matière. Pourquoi une banque se comporte-t-elle de la sorte ? Peut-être parce qu'elle prend conscience du besoin qu'elle aura demain de partenaires lui apportant les solutions innovantes qu'elle ne peut concevoir elle-même ? Ou peut-être parce qu'elle estime que ses futurs collaborateurs devront avoir une fibre de créateur d'entreprise ?

jeudi 19 novembre 2015

Number26 instaure le découvert à la demande

Number26
Comme beaucoup de ses consœurs, la néo-banque d'origine allemande Number26 interdit les découverts sur les comptes de ses clients, rejetant sans appel toute transaction qui ferait passer le solde dans le rouge. Parce qu'il est tout de même parfois utile de dépenser un peu plus que ce qu'on possède, elle va bientôt assouplir sa politique.

Évidemment, il est hors de question pour la startup de remettre en cause ses principes fondamentaux de transparence et de protection du consommateur. Aussi, lorsqu'elle annonce l'introduction [PDF] – à partir du 1er décembre – d'une possibilité de découvert, il ne faut pas être surpris si sa mise en œuvre est conçue pour procurer au client une maîtrise complète de ses choix, à un niveau jamais atteint à ce jour (y compris avec les récentes améliorations apportées en la matière par Boursorama, en France).

Concrètement, une nouvelle option va faire son apparition dans l'application mobile de la banque. Là, l'utilisateur découvre le montant maximal de découvert auquel il peut prétendre, en fonction d'un score de crédit établi en temps réel (dans la limite de 2 000 euros). Sur ce même écran, d'un geste du doigt, non seulement il décide s'il veut profiter de cette opportunité, mais il peut également choisir de limiter le « crédit » qu'il s'alloue effectivement, de manière à éviter tout dérapage dans les frais qu'il encourra.

Découvert dans l'application Number26

Ce n'est pas tout ! Dès la première opération qui lui fait entamer son découvert autorisé, le client reçoit une notification sur son téléphone, pour lui rappeler son choix (et l'inciter à la modération). De plus, il dispose en permanence d'une indication des intérêts dus (actualisée quotidiennement), selon son encours. Enfin, il peut modifier ses paramètres à tout moment afin, par exemple, de bloquer instantanément toute dépense supplémentaire au-delà du solde disponible, simplement en désactivant l'option.

Le concept de découvert bancaire est souvent décrié en raison de son caractère automatique, qui fait que des consommateurs en situation précaire se trouvent facilement pris dans une spirale de dette dont ils ne peuvent sortir. Pourtant, il s'agit aussi d'une solution de crédit à court terme pratique et facile d'accès, utile lorsqu'elle est exploitée à bon escient. L'approche de Number26 illustre brillamment comment ces avantages peuvent être mis à disposition de ses clients en réduisant les dangers associés.

Voilà toute la philosophie de la néo-banque résumée dans cette initiative : à travers ses efforts de transparence, elle se concentre sur les besoins réels de ses clients, en leur donnant le contrôle total et entier de leurs finances personnelles. La stratégie semble porter ses fruits, puisqu'elle a déjà conquis 70 000 personnes, en seulement 10 mois !

mercredi 18 novembre 2015

Le paiement mobile tourne en rond

Apple Pay
Depuis 2010, nous assistons à une véritable frénésie de créer la solution de paiement par mobile qui parviendrait à remplacer la (vieille) carte en plastique, voire les espèces. Aujourd'hui, l'objectif n'est toujours pas atteint et il semblerait que les idées commencent à manquer pour convaincre les consommateurs de changer leurs habitudes.

Il faut en effet se rendre à l'évidence. D'une part, aucune solution – parmi les centaines de porte-monnaie mobiles développés par des startups, par des institutions financières ou par des géants de l'internet (GAFA en tête) – ne réussit à s'imposer sur les téléphones des consommateurs. D'autre part, l'innovation est en panne dans le secteur : depuis le sursaut suscité par Apple Pay il y a un an, aucune approche nouvelle n'est apparue et les initiatives récentes persistent à recycler des recettes éculées et stériles.

Le fait est visible, par exemple, chez le porte-drapeau de la disruption, Apple : les dernières rumeurs font état de son désir de mettre en œuvre un outil de transferts d'argent de « pair à pair » (P2P). La belle affaire ! Tout au plus peut-on considérer que la marque à la pomme cherche à aligner son offre sur celle de la concurrence, car tous les acteurs de la terre touchant de près ou de loin aux paiements sont positionnés sur ce créneau. Et, surtout, les usages de ces solutions restent plutôt confidentiels…

Autre cas tristement caractéristique, celui de Chase Pay, lancé à grand renfort de communication par JPMorgan Chase. Voilà un énième porte-monnaie mobile, adossé à une carte de débit ou de crédit, sans la moindre originalité : le porteur confirme son règlement en présentant le QR Code affiché sur l'écran de son téléphone devant le lecteur du commerçant. La banque se flatte d'être partenaire de MCX, le consortium de la grande distribution américaine dont les propres aventures dans le domaine des paiements (sous le nom CurrentC) ne sont pas concluantes, pour le moins.

Introducing Chase Pay

Il faudrait encore s'arrêter sur les expérimentations, organisées ici et là par quelques institutions, autour du paiement sans contact sur smartphone. La seule nouveauté par rapport aux tests qui se succèdent depuis une dizaine d'années est l'adoption de la technologie HCE, qui permet de s'affranchir de la mainmise des opérateurs de télécommunication sur leur SIM sécurisée, en conservant les données de paiement dans les systèmes des banques, sans qu'elles circulent jamais sur les réseaux.

Enfin, que penser de ceux qui, comme RBC au Canada, reviennent à la charge avec un concept de porte-monnaie « étendu », intégrant des promotions et autres dispositifs marketing ? Les leçons du passé – à commencer par celles de Google et son « Wallet » au funeste destin – n'auront-elles donc servi à rien ?

Les stratégies sont variées, entre une extension fonctionnelle visant à développer l'usage du téléphone pour les échanges (Apple) et la réduction des coûts d'acceptation pour les commerçants (Chase), en passant par les programmes de fidélité (RBC) et … on ne sait trop quoi (avec HCE). Mais, outre qu'elles ont toutes été déjà tentées par le passé, elles ont, hélas, un autre point commun : elles ne font rien pour tenter d'améliorer l'expérience utilisateur, en dépit de quelques affirmations péremptoires (et parfois grotesques).

La prise de conscience devrait pourtant avoir commencé à prendre racine, après (au moins) 5 ans d'efforts intenses non récompensés. La réalité devient incontournable, aussi douloureuse soit-elle : aucune des solutions actuelles ne remplacera les moyens de paiement du XXème siècle, à défaut d'offrir un seul avantage suffisamment déterminant pour déclencher une transition massive et globale. En prolongeant cette logique, il faut croire que l'idée (réellement nouvelle) qui s'imposera reste probablement à inventer…

mardi 17 novembre 2015

Fluttrbox, l'Uber du drone pour les assureurs

Fluttrbox
Comme je le soulignais récemment, les opportunités que représente l'utilisation de drones n'échappent pas aux compagnies d'assurance. Désormais, elles stimulent aussi la création de startups aux modèles aussi séduisants qu'originaux, à l'image de Fluttrbox et son offre de cartographie à la demande et « crowdsourcée ».

Si, parmi les premières expérimentations (entre autres chez Allianz), la surveillance de sites difficilement accessibles, après un sinistre, semblait une évidence, il ne fallait pas beaucoup d'imagination pour envisager le survol d'une installation (plutôt commerciale ou industrielle) de manière à évaluer le risque qu'elle représente pour un assureur. Le seul frein possible à une telle application est, naturellement, le coût logistique de l'opération. Or, c'est justement sur ce point que l'approche de Fluttrbox fait la différence.

En effet, la plate-forme en ligne de la jeune pousse permet de solliciter le passage d'un drone afin d'établir un plan détaillé et collecter des mesures quantitatives sur un lieu donné (partout au Canada ou aux États-Unis). Il devient alors non seulement possible d'obtenir un relevé de l'état d'un site avant la conclusion du contrat et après l'éventuelle survenue d'un sinistre, mais également lors des renouvellements de police, dans le but, par exemple, d'ajuster les garanties selon le vieillissement des structures.

Pour l'assureur, les bénéfices sont considérables en comparaison des options dont il dispose actuellement (visites, accès au données cadastrales…). Il a d'abord la garantie d'avoir des informations précises (grâce à la qualité des caméras embarquées sur les drones) et récentes (régulièrement actualisées, le cas échéant, tout en conservant la totalité de l'historique). En outre, celles-ci sont accessibles partout et à tout moment, via le web, faisant de la sorte gagner un temps précieux aux utilisateurs.

Accueil Fluttrbox

Comment Fluttrbox peut-elle assurer un tel service de manière viable, à l'échelle d'un continent ? Après tout, maintenir une flotte de drones et la tenir prête à survoler – relativement rapidement – n'importe quel lieu suppose une infrastructure colossale, n'est-ce pas ? La réponse est en réalité très simple : l'entreprise ne possède aucun appareil en propre ! Tout comme Uber avec ses conducteurs, elle a recours à un réseau (pré-qualitfié) de pilotes disséminés aux quatre coins de l'Amérique du Nord.

En pratique, Fluttrbox prend en charge uniquement l'acquisition des licences nécessaires pour effectuer des vols à vocation commerciale. Dès lors, quand une demande de cartographie lui est soumise, elle la transmet immédiatement à l'un de ses « sous-traitants » proches de la zone visée. À l'issue de sa mission, celui-ci va transmettre les images brutes qu'il a capturées, qui sont ensuite re-travaillées et analysées par la startup et, finalement, envoyées au client avec toutes les données souhaitées.

Au-delà de la théorie, la startup annonce le lancement imminent d'une première expérimentation commerciale avec une compagnie d'assurance. Un nouveau mode d'évaluation du risque et des dommages est probablement en train de naître…

lundi 16 novembre 2015

Les opportunités de l'inclusion financière

Accenture
Pour une immense majorité de banques, offrir des services financiers aux populations sous-bancarisées est une activité non rentable, rangée dans la catégorie « philanthropie » ou « responsabilité sociale » de leurs rapports annuels. Une étude produite par Accenture et CARE International expose une autre réalité en devenir…

Selon les estimations de ses auteurs, l'inclusion financière pourrait en effet représenter un immense marché de 380 milliards de dollars de revenus additionnels, à l'échelle de la planète. Un peu plus de 70% (270 milliards) de ce « pactole » proviendrait des micro-entreprises et autres PME, et de leurs besoins de financement, le reste émanant de particuliers n'ayant pas (ou peu) accès à des services bancaires élémentaires. Et, grande nouveauté, ces activités peuvent désormais se révéler profitables.

Naturellement, ce sont principalement les technologies – pas toujours les plus élaborées, d'ailleurs – qui rendent possible ce « miracle », visible à travers un certain nombre d'initiatives autour du monde. Qu'il s'agisse de la banque mobile Kenyane M-Shwari (dérivée du porte-monnaie M-PESA) ou des solutions de crédit d'Alibaba en Chine, pour ne prendre que ces deux exemples, elles démontrent comment des acteurs maîtrisant parfaitement les outils numériques modernes peuvent changer la donne.

Cependant le « digital » et son impact sur l'efficacité des modèles ne résolvent pas tous les problèmes ! Les expériences réussies prouvent que le succès dans l'inclusion financière est une alchimie délicate, qui échappe fréquemment aux grandes institutions. Ainsi, savoir concevoir et mettre en œuvre une offre simplifiée – un impératif absolu pour en favoriser l'accessibilité – n'est pas nécessairement chose aisée pour des entreprises accoutumées à développer des produits et des processus complexes.

Étude Accenture + CARE International

Autre recommandation émise par le rapport d'Accenture, il devient indispensable pour les banques s'attaquant à ces marchés d'établir des collaborations avec des acteurs externes, car la mise à contribution de toutes les capacités existantes permet de mieux rationaliser et optimiser les opérations. C'est notamment le cas lorsque les exigences réglementaires de connaissance du client (« KYC ») sont assurées grâce aux données collectées par un opérateur de télécommunication (cas de M-Shwari).

Les perspectives commerciales de l'inclusion financière ont une caractéristique unique, en ceci qu'elles s'accompagnent également de bénéfices sociaux directs. L'impact positif de l'accès à des produits bancaires de base sur le développement des populations défavorisées n'est plus à démontrer. Voilà qui devrait donner une impulsion supplémentaire à de tels projets. Or, selon une enquête d'Accenture auprès de 30 établissements, moins d'un sur 4 a mis en place une stratégie cohérente en la matière.

Alors, comme d'habitude, le risque est grand que d'autres intervenants se saisissent de l'opportunité, entreprises de secteurs différents (e-commerce, telcos…) ou startups spécialisées (cf. le cas de Lenddo). Par ailleurs, si la première cible envisagée est celle des pays émergents, les personnes (et entreprises) fragiles des pays développés – y compris celles qui acceptent des offres pas toujours adaptées à leur situation et leurs besoins particuliers – mériteraient également des efforts du même ordre…

dimanche 15 novembre 2015

BankMobile veut toucher 1 milliard de personnes

BankMobile
En septembre 2015, plus d'un être humain sur 5 s'est connecté sur Facebook (soit un total de 1,55 milliard d'utilisateurs actifs). Pourquoi une banque n'envisagerait-elle donc pas de toucher 1 milliard d'individus ? Voilà le pari fou des fondateurs de BankMobile (que je présentais dans ces colonnes au printemps dernier).

Quand on connaît les difficultés rencontrées par les acteurs qui tentent d'imposer un modèle de banque focalisé sur des services mobiles, l'ambition peut paraître totalement démesurée. La conquête de clients s'avère en effet souvent plus difficile que prévu pour les startups qui se lancent dans l'aventure. Pourtant, les signes d'une évolution du marché commencent à émerger : en particulier, BankMobile confirme qu'elle dépassera son objectif de 25 000 comptes ouverts dans sa première année d'existence.

Ces débuts sont certes encourageants mais n'ont aucune commune mesure avec la cible annoncée. Alors, comment compte s'y prendre l'entreprise pour parvenir à ses fins ? Les moyens qu'elle met en œuvre aujourd'hui en donnent probablement un aperçu. C'est le cas, entre autres, de sa campagne d'« essai avant engagement » : les consommateurs curieux mais hésitant à ouvrir un compte sont ainsi invités à devenir simples « membres », de manière à prendre le temps de connaître l'établissement, en profitant régulièrement de conseils financiers et d'offres spéciales.

Et les promesses de la prochaine version de l'application de BankMobile procurent des indices supplémentaires. L'évocation de partenariats avec Biz2Credit – une place de marché de crédit pour les PME – et avec RobinHood – solution de trading non conventionnelle – laisse de la sorte entrevoir une logique de plate-forme qui permettra à la jeune banque d'enrichir son offre rapidement et, surtout, d'adapter celle-ci à l'extraordinaire diversité de clientèle qu'implique sa volonté d'expansion.

La révolution BankMobile

En réalité, une telle démarche d'assemblage de composants fournis par des tiers constitue la seule option disponible lorsqu'il est question de concevoir un socle de services bancaires susceptible de répondre aux attentes d'une population immense, à une ère où les produits standardisés sont non seulement rejetés par les utilisateurs – réclamant des solutions ultra-personnalisées – mais sont également menacés par l'apparition d'offres spécialisées – dédiées à toutes sortes de niches de besoins.

Et là réside la véritable leçon à tirer de cet exemple, indépendamment de l'avis qu'on porte sur les déclarations des dirigeants de BankMobile. À l'instar de la plupart des startups contemporaines (quel qu'en soit le domaine d'activité), leur vision de la banque du XXIème siècle repose, dès l'origine, sur la combinaison d'une approche globale (et sans frontières) avec une large palette de services « sur mesure ». À partir de là, plus rien n'empêche de rêver à atteindre les mêmes sommets que Facebook ou iTunes…

samedi 14 novembre 2015

Un dollar pour dire merci, avec One Cash

One Cash
Peut-être parce que ce vendredi 13 novembre devait être la journée de la gentillesse et non se terminer par une soirée de la barbarie, je vous présente aujourd'hui One Cash, une petite application permettant de marquer (financièrement) sa gratitude à quiconque possède un compte Twitter, de manière très simple et (légèrement) ludique.

Réservé aux porteurs américains de cartes de débit ou de crédit, le service n'est donc pas destiné – contrairement à une multitude de solutions similaires – à faciliter les échanges d'argent entre proches. L'objectif de One Cash est plutôt d'offrir un moyen de rétribuer, de manière plus ou moins symbolique, les créateurs de contenus non commerciaux, qu'il s'agisse de producteurs de vidéos en tout genre (de YouTube à Vine), de photographes partageant leurs œuvres, d'auteurs publiant leurs textes sur le web…

En pratique, les bienfaiteurs en puissance s'inscrivent dans l'application via leur compte Twitter, après quoi il ne leur reste qu'à fournir les informations de leur carte bancaire. Dès lors, quelques gestes suffisent pour envoyer un peu d'argent à une personne, connue ou inconnue, sans aucun frais (pour l'instant ?) : saisie de son identifiant Twitter et d'un court message d'accompagnement, suivi d'un (ou plusieurs) « swipe(s) » sur l'écran, chacun correspondant à un transfert d'un dollar.

One Cash sur iPhone

Si le destinataire n'est pas encore enregistré sur la plate-forme, il reçoit un tweet de notification et les instructions d'installation de l'application. Cette dernière lui permet de répondre à ses donateurs (avec un selfie de remerciement), de suivre la situation de son compte et d'encaisser ses gains, à tout moment. Par ailleurs, les bénéficiaires ont également à leur disposition une option de création d'une page de profil personnalisée, grâce à laquelle ils vont pouvoir solliciter les contributions de leurs fans.

En dehors de son positionnement spécifique et de son expérience utilisateur simplifiée à l'extrême (il n'est même pas prévu une confirmation du paiement), l'approche de One Cash présente une autre particularité notable. Car, en dépit de son exploitation de Twitter afin d'identifier les internautes, la startup adopte un fonctionnement plus proche des outils de messagerie instantanée – très en vogue actuellement, comme l'illustre le succès de WhatsApp – embarqué dans une application dédiée.

Au-delà de l'effet de mode qui l'influence, ce choix prolonge aussi un mouvement perceptible de désaffection vis-à-vis des tentatives de déployer des outils de paiement directement au cœur du réseau social. Les différentes expérimentations en la matière n'ayant visiblement pas réussi à conquérir les consommateurs, il est certainement plus sage de changer de stratégie et envisager de nouveaux modèles…

vendredi 13 novembre 2015

La banque gardienne de l'internet des objets ?

ABN AMRO
À défaut d'opportunités immédiates dans le domaine, les banques pourraient tout de même jouer un rôle important dans le développement de l'internet des objets, en devenant les garantes de la protection des données qu'il génère. C'est, en tous cas, la thèse que défend un responsable de l'innovation chez ABN AMRO dans un billet de blog.

Le point de départ de la réflexion de Bram Gerrist émerge d'une double évidence. D'une part, l'actualité expose presque tous les jours des cas de détournement de données, de prise de contrôle de systèmes informatiques ou d'infiltration criminelle dans les réseaux des plus grandes organisations. De l'autre côté, les analystes affirment que des milliards d'objets connectés, capturant tous les détails de notre vie quotidienne, vont bientôt envahir notre environnement (pour notre plus grand bien, naturellement).

Les premiers indices de la dangereuse convergence de ces deux phénomènes sont apparents dès maintenant. Dans la seule sphère privée, les exemples vont du piratage des systèmes d'assistance à la conduite – susceptible de provoquer un accident de la route – aux attaques sur les modules de surveillance de bébés, en passant par les innombrables affaires de pillage de données en tout genre, dont les possibilités d'exploitation se multiplient avec la croissance exponentielle de l'économie numérique.

Face à ces menaces, il n'est qu'une option envisageable : intégrer la sécurité et la protection de l'information dès l'origine, dans la conception même de cet internet des objets naissant (donc aujourd'hui). Et avant toute mise en œuvre « industrielle », des principes de base devraient d'abord être instaurés, qui adressent, par exemple, les questions (épineuses) de la nature des données capturées, de leur propriété, de la responsabilité des différents acteurs impliqués dans la chaîne de valeur…

Internet des Objets

Pour B. Gerrist, l'absence de politique claire et transparente en la matière conduirait à une défiance des consommateurs, qui pourrait être fatale à l'internet des objets. Pourtant, si le passé est une quelconque indication, ce n'est vraisemblablement pas le pire des risques encourus : il est beaucoup plus probable que les utilisateurs ne prêtent pas suffisamment attention aux dangers inhérents à leur addiction aux applications des gadgets connectés et que la cybercriminalité prolifère sur cette négligence.

Quoi qu'il en soit, le responsable d'innovation d'ABN AMRO voit un rôle pour la banque dans la mise en place de ces mesures de protection indispensables. Malheureusement, son argumentaire s'arrête là et il ne précise pas quelle forme pourrait prendre une telle intervention. Il est en effet difficile d'imaginer comment une banque participerait à la sécurisation des objets proprement dite. Son parallèle avec le modèle historique du coffre-fort peut néanmoins laisser entrevoir une approche possible.

Imaginons ainsi un nouveau métier, de gardien des données personnelles produites par les appareils des consommateurs, assumant dans le même temps un rôle de courtier vis-à-vis des entreprises et applications utilisatrices. Leur expertise de la sécurité et la confiance dont elles jouissent auprès des consommateurs constitueraient alors deux piliers de la légitimité des institutions financières dans cette position. En revanche, il y aurait urgence à agir avant le déferlement (imminent) des objets connectés et aucune banque ne semble pour l'instant désireuse de saisir l'opportunité…

jeudi 12 novembre 2015

Demain, quelle protection des travailleurs ?

Lyft
Si les stars de l'économie du partage bousculent les acteurs traditionnels, elles se distinguent aussi par leur capacité à transformer en profondeur nos modes de travail. À terme, certains analystes nous promettent même que l'auto-entrepreneuriat prédominera sur le salariat. Il faudra cependant d'abord ré-inventer les systèmes de protection.

Selon certaines estimations, plus de 50 millions d'américains pourraient être aujourd'hui considérés comme des travailleurs indépendants (et le reste du monde suit la tendance très rapidement). Un tel niveau n'est pas si surprenant quand on mesure l'extraordinaire développement d'entreprises telles qu'Uber, dont les fondations reposent sur des chauffeurs non salariés, qui peuvent choisir librement de conduire pour la startup quelques heures par semaine ou en faire une activité à temps plein.

Or, depuis quelques mois, plusieurs affaires ont fait ressortir – ici et – les premières tensions sur ces approches émergentes. Ainsi, des voix s'élèvent, entre autres, pour demander une re-qualification des contrats de sous-traitance en vigueur aujourd'hui en véritables emplois salariés. Un des principaux arguments de ces « empêcheurs de tourner en rond » est que les sociétés en cause profitent de leurs méthodes pour limiter leurs coûts, notamment en matière de protection sociale des travailleurs.

Alors, un groupement multi-partites – comprenant représentants des pouvoirs publics, chercheurs, associations et entreprises de la nouvelle économie (dont l'une des plus emblématiques est Lyft, une concurrente d'Uber) – s'est constitué pour tenter de répondre aux interrogations (légitimes) que posent les modèles d'emploi non conventionnels. Sa première manifestation d'existence est la publication d'une déclaration commune, qui a le mérite de poser les bases des problèmes à résoudre.

Conducteur Lyft

Le principe fondamental sur lequel s'appuie le texte est de considérer que la flexibilité permise par les nouvelles organisations du travail est bénéfique pour les individus, à condition qu'elle ne se conquière pas au détriment d'une certaine sécurité financière. Celle-ci est matérialisée par un ensemble d'avantages sociaux – assurance santé, protection contre le chômage, congés payés… – qui ne devraient pas être remis en question, car ils restent indispensables lorsque survient un imprévu dans la vie.

Pour les signataires, la réponse à ce défi passera par la création d'un système de protection adapté, universel, indépendant, transverse et, surtout, portable. Ce dernier critère est en effet essentiel pour un monde dans lequel chaque personne pourra passer d'un micro-contrat à un autre, au gré de ses besoins et des opportunités. Une fois cette idée posée, il reste de nombreuses difficultés à résoudre : qui finance, selon quelles modalités, quelle organisation pour administrer, quel cadre réglementaire… ?

Étonnamment (ou pas ?), aucune compagnie d'assurance ou de prévoyance (ou leurs équivalentes américaines) n'est associée à l'initiative. Ces entreprises sont pourtant concernées au premier chef, puisque c'est peut-être également l'avenir (d'au moins une partie) de leurs métiers qui se joue ici. Et elles devraient prendre garde à l'évolution qui se dessine car, si elles n'agissent pas rapidement, elles se feront immanquablement doubler par des acteurs plus agiles, maîtrisant parfaitement les enjeux à adresser.

Par ailleurs, au-delà de l'assurance, d'autres secteurs auraient tout autant intérêt à se préoccuper de la transformation du monde du travail. Pour ne prendre qu'un exemple, si les banques s'en tiennent à leurs vieilles méthodes de scoring, comment pourront-elles vendre leurs crédits aux millions de non salariés qui souhaiteront acquérir un logement ? Là encore, il ne faut pas s'y tromper, de nouveaux entrants seront prêts à répondre à leurs besoins et à s'emparer des marchés qui leurs seront laissés grand ouverts…

mercredi 11 novembre 2015

Mighty, le crowdfunding au service de la justice

Mighty
Les États-Unis sont connus pour un système judiciaire qui tend à favoriser les nantis au détriment des personnes moins aisées. À New York, une jeune pousse un peu idéaliste, Mighty, se donne pour mission de corriger ce déséquilibre pour les procédures civiles, en offrant une solution de financement originale aux plaignants en difficulté.

Un cas d'usage typique est celui des litiges concernant les accidents corporels. Les délais de résolution devant les tribunaux sont extrêmement longs, laissant les victimes sans ressources, parfois pendant plusieurs mois (notamment en cas d'incapacité de travail). La partie adverse – pour qui l'attente n'a aucune conséquence – va souvent profiter de cet état de fait pour proposer un règlement amiable à moindre frais, représentant une fraction infime du dédommagement qui pourrait être légitimement espéré.

Dans une telle situation, le demandeur – conseillé par son avocat – va initier une « campagne » sur le site de Mighty, dans laquelle il décrit les détails de son cas et le montant dont il a besoin afin de mener l'action judiciaire à son terme. Dès lors, les « investisseurs » – qui doivent préalablement démontrer une expertise légale et sont majoritairement des professionnels à la recherche de revenus complémentaires – offrent leur contribution aux affaires qui les intéressent, en fixant leurs conditions financières.

Le modèle repose en effet sur un crédit. Les taux habituellement pratiqués – entre 20 et 30% – peuvent sembler extraordinairement élevés, mais les modalités des prêts consentis justifient ces niveaux. Ainsi, la principale règle du jeu est que le remboursement n'est exigé que si le bénéficiaire obtient gain de cause devant les tribunaux. D'autre part, le financement ne peut dépasser 10% du montant total des dommages réclamés (dont le bien-fondé est naturellement jugé par les investisseurs). L'objectif sous-jacent est d'éviter absolument un endettement incontrôlé des utilisateurs.

Accueil Mighty

Le résultat est un système dans lequel toutes les parties sont gagnantes : les victimes recueillent les moyens de réclamer l'indemnisation à laquelle elles peuvent prétendre, tandis que les investisseurs, s'ils font des choix avisés, perçoivent une rémunération attractive, en contrepartie de leur soutien à des causes « justes ». Et, moins de 2 mois après son lancement officiel, le service semble toucher sa cible : le montant total financé a déjà franchi la barre du million de dollars (correspondant à quelques 200 dossiers d'une moyenne de l'ordre de 5 000 dollars chacun).

L'un des aspects les plus passionnants de la FinTech – à mon sens – est celui qui permet à des entrepreneurs d'exploiter les capacités d'automatisation offertes par les technologies pour démocratiser l'accès à des produits jusqu'à maintenant hors de portée d'une partie des consommateurs. Or, au-delà de la seule inclusion financière, qui représente un important facteur de réduction des inégalités sociales, Mighty démontre brillamment comment il est désormais possible d'agir encore plus directement sur les petites anomalies qui entachent le fonctionnement des sociétés modernes.